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Ce qui arriva à Seveso

Publie le lundi 17 juillet 2006 par Open-Publishing
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de Giovanni Cesareo traduit de l’italien par karl&rosa

En révoquant la tragédie de Seveso d’il y a trente ans on a tu, nous semble-t-il, quelques informations : à propos de comment fut donnée la nouvelle de l’évènement et de comment elle fut interprétée, non seulement par les médias.
Et pourtant ce fut un des cas les plus éclatants d’information tordue et maquillée qui aient eu lieu dans ce pays.

Il existait le "secret industriel", aboli par la suite, c’est vrai. Mais le fait est que, à part la volonté initiale de nier les proportions du désastre (un député démocrate chrétien alla jusqu’à boire publiquement un verre de lait trait d’une vache de Seveso pour démontrer, justement, que le danger était minime ou même inexistant), la tendance à considérer la "fuite" de dioxine de la fabrique de l’ICMESA comme un phénomène "inévitable" et "imprévisible" - comme l’écrirent tout de suite même des journalistes sérieux - fut pratiquée tranquillement aussi bien par les médias que par le milieu scientifique lui-même.

Une plaisanterie du destin

Enquêter sur les causes de l’évènement n’était certainement pas aisé. Mais il était même trop facile et commode de croire - ou de faire semblant de croire - qu’il s’agissait simplement d’une terrible plaisanterie du destin. Et en effet il y eut quelqu’un qui décida dès le début de ne pas accepter cette version : au contraire, de la combattre avec décision. Giulio A. Maccacaro, un scientifique courageux et d’une intelligence rare qui a été, hélas, coupablement oublié aujourd’hui selon la typique habitude de cette Italie sans mémoire, écrivit sur Sapere - « mensuel scientifique sur le versant politique » qu’il dirigeait - que la tragédie de Seveso était un « crime de paix ». Et tout de suite le groupe ouvrier de Castellanza, coordonné par Luigi Mara, membre du comité de direction du magazine, commença à enquêter sur les causes possibles du processus qui avait débouché sur les émissions de dioxine.

Il fallut plusieurs mois et beaucoup de fatigue pour reconstruire - en discutant avec les salariés de l’ICMESA qui avaient du mal à se poser les bonnes questions - ce qui s’était vraiment passé. Mais finalement, il fut possible de vérifier qu’en réalité la catastrophe avait été la conclusion d’un processus au cours duquel les seuils de risque avaient été délibérément abaissés pour augmenter la productivité dans l’usine. Sapere publia les résultats de cette enquête en détruisant la thèse du « malheur » et continua ensuite, au fil des années, à insister sur les vérifications que le monde de l’information et les milieux scientifiques avaient décidément du mal à accepter, tandis que l’ICMESA était enfin poursuivie. A cette occasion, Sapere fut même acquise comme document par les organismes de l’ONU qui oeuvraient sur les terrains de l’environnement et de la santé.

Des enseignements précieux

Nous croyons qu’il est juste, à trente ans de distance, de rappeler ces évènements et d’y réfléchir. En effet, nous pouvons en tirer aujourd’hui encore des enseignements précieux à propos de la nécessité d’enquêter toujours et dans tous les cas sur les évènements et les processus et de ne jamais se résigner à la thèse du « destin ». Aussi parce que, hélas, les conditions du système de l’information et, dans une certaine mesure, aussi celles du monde de la recherche, sont même pires qu’à cette époque-là - qui n’était pas du tout, comme on l’a vu, une époque idéale.

Et parce que, in fine, dans un pays qui se souvient jusque dans les minimes détails de ses gloires du foot du passé, il serait sain de se rappeler au moins les personnes et les interventions qui ont courageusement combattu le conformisme et la subalternité aux intérêts des puissants dans les domaines les plus divers.

http://www.ilmanifesto.it/Quotidian...

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