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Le Beau Temps des Colonies chez vous

Publie le jeudi 19 octobre 2006 par Open-Publishing
4 commentaires

« Viens dans la casbah, et culbute-la, ta jolie Fatma ! »
- extrait du 7ème titre : « Abd el Kader - Marche triomphale du centenaire de la conquête de l’Algérie »

« Amélie et son négro frent méli-mélo
Elle passa toutes les nuits noires des nuits blanches près de sa passion noire
Elle acquit en peu de temps du tempérament et chipant le jargon de son négrillon
Elle criait dans l’noir : "Ya bon !" " »
- extrait du 19ème titre : « Le petit négro »

« Quittant son pays un p’tit négro vint jusqu’à Paris voir l’exposition coloniale (...)

Ainsi l’autre jour il m’a dit
Quand je fais mes comptes
A la craie j’écris
Sur l’dos d’ma chérie(...)

Pour sa p’tite amie donnez-moi qu’il dit
Du rouge en étui j’en veux trente kilos
Car c’est une négresse à plateaux »
- extraits du 8ème titre du CD : « Nénufar - Marche officielle de l’Exposition coloniale »

- 2ème titre : Bou Dou Ba Da Bouh ! (Chanson nègre) Mayol

- 9ème titre : chanson comique arabe

Ces titres vous manquaient et vous rêviez de les retrouver sur une compilation ? Vous aviez oublié un peu vite le temps béni des colonies ?
Rassurez-vous, Milan Music réédite pour vous les plus « belles heures » de notre « patrimoine national » dans une compilation au titre évocateur : « Le Beau Temps des Colonies »

En guise d’accompagnement, une couverture parfaitement appropriée : le beau sourire niais du tirailleur sénégalais de Banania, et un livret cherchant à relativiser le choc dans un élan révisioniste d’une habileté rarerement égalée, en effectuant un parallèle entre la migration de l’homme hors du continent africain et le colonialisme européen, et où certains y recherchent encore vainement la réalité crue de cette période.

Ajoutez à cela quelques noms comme Edith Piaf ou Josephine Baker, et vous trouverez un disque parfaitement commercialisable de nos jours chez les plus grands distributeurs francais.

Et d’ailleurs, quelle aubaine pour le MPF de de Villers, le MNR et des sites pronant un retour à une France blanche qui se sont empréssés de soutenir l’achat de l’album dès les premiers écho de la presse ; l’album restera dans les 10 meilleures ventes d’amazon pendant la deuxième semaine d’octobre. Il faut dire que cette remarque d’Universal à la sortie aurait du leur mettre l’eau à la bouche :
« elles nous montrent le visage du racisme condescendant qu’affichaient sans honte nos grands-parents ou arrière-grands-parents »

Nos grand-parents seulement ? En est-on sur lorsque l’on voit aujourd’hui qui soutient activement l’achat de cet album, certains commentaires sur le site de la FNAC s’empressant d’encenser cet album (10/10), lorsque l’on se remmemore certaines petites phrases entendues ne serait-ce que ces dernières années de la part de certains d’Encausse, Fogiel ou Finkielkraut et à quels point ces « préjugés plus difficile à casser que l’atome » ont encore la vie dure, lorsqu’un tiers des francais se déclarent ouvertement raciste selon un sondage et surtout alors que les deux-tiers jugent encore aujourd’hui leur colonisation « positive » ?
Il apparaît aberrant d’en appeler au « second degré » d’un tel album dans ces conditions et c’est pourtant bien la seule ligne de défense d’Emmanuel Chamboredon, PDG de la société Milan Music au Figaro, rajoutant par ailleurs dans le journal Le Monde :

« Les chansons les plus excessives ont été écartées, précise-t-il. Notre but est de restituer l’ambiance de l’époque. Quant à la couverture, elle est bien choisie car elle reflète à la fois la mythologie des années 1930 et l’héroïsme des troupes coloniales. »

Chacun jugera de la légèreté des textes sus-mentionnés. Quand à la couverture, est-il encore besoin de rappeler que l’on y retrouve toutes les caractéristiques de la caricature du Noir pendant le régime colonial caractérisé par son air béat et niais, et qui le rendait « proche des enfants », image que certains jugent encore aujourd’hui comme non raciste alors qu’elle était parfaitement intégrée dans un ensemble de propagande coloniale. Rappelons qu’Hitler qualifiait cette propagande d’ « arme la plus efficace ».

Il voudrait la peine à la France d’effectuer une analyse de ses comportements racistes et des stéréotypes qui lui sont encore attachés. Il vaudrait la peine d’arrêter une diabolisation systématique qui n’aboutit qu’à son refoulement, et de s’y pencher pour le disséquer, le mettre à plat et en examiner les origines une bonne fois pour toute. Il vaudrait alors la peine de reconnaître véritablement une imagerie et un objet véritablement raciste de nos jours, et de non pas attendre que fleurissent des croix étranges pour se poser certaines questions.

S’il est tout à fait louable d’utiliser ce genre de textes à des fins pédagogiques et historiques de nature documentaire, il en est une autre de diffuser ces textes librement à la vente dans l’irresponsabilité la plus complète. Saluons à cet égard les réactions de distributeurs comme ClubDial ou CDUniverse qui se sont empressés de retirer cet album dès les premières manifestations.
Dois t-on rappeler que certains chants de l’occupation allemande comme le Horst-Wessel-Lied sont encore interdits de diffusion suite au tribunal de Nuremberg.
Aurions nous du en venir à cette extrémité pour obtenir un simple respect des victimes du colonialisme ? C’est bien à cela qu’appelle aujourd’hui le CRAN, qui dans une lettre au Président de la République datée du 12 octobre, appelle « d’urgence, à l’organisation sous votre égide et celle du Premier Ministre Dominique de Villepin, d’un débat national sur la colonisation. », suite à ce « Ce disque (qui) constitue donc une insulte publique à la mémoire et à la conscience des populations noires et arabes de France »

Face à cela les applaudissements continuent de pleuvoir sur le site de la FNAC, certains comme sur RTL se braquent sur la liberté d’expression de la France qu’ils semblent soudainement découvrir sur ce thème. Pourtant il serait bon de rappeler que pendant 50 années ce même Etat francais censurait certains films de René Vautier comme « Afrique 50 » dont la première diffusion publique n’a eu lieu qu’en 2000 et qui n’est toujours pas distribué par aucun des distributeurs de cet album. Drole de liberté d’expression que celle-ci. Procédé de censure à sens unique qui a permit d’ammener à cette image de colonisation positive par des discours démagogiques et miraculeusement aveugles pendant toutes ces années, discours qui tiennent étrangement mal face à seulement 10 minutes de réalité filmée. Pressafrique.com ne manque d’ailleurs pas de le souligner dans un article du 12.10 sous-titré "J’ai la mémoire qui flanche, je ne me souviens plus très bien..."

« On aurait tout aussi bien pu mettre en chanson les actes héroïques de Bugeaud et Pélissier sur les populations civiles algériennes sans défense, mais cela aurait été d’un tout autre effet :"Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes, fumez les à outrance comme des renards" (ordre de Bugeaud à ses subordonnés, extraits de Coloniser, exterminer d’Olivier Le Cour Grandmaison, p. 141) ; "Je fais hermétiquement boucher toutes les issues et je fais un vaste cimetière [...] La terre couvrira à jamais les cadavres de ces fanatiques..." (Lettre de Saint-Arnaud ) ;"Dès lors je n’eus plus qu’à suivre la marche que vous m’aviez indiqué : je fis faire une masse de fagots et, après beaucoup d’efforts, un foyer allumé et entretenu à l’entrée supérieure..." (Pélissier cité par F. Maspero, L’Honneur de saint-Arnaud, p. 251) ; "J’ai pu sans péril traverser avec vingt-cinq personnes le Dahra dont nous avons décimé la population, il y a six mois" Lettre de Tocquevile du 1er décembre 1846 adressée à Corcelles, in Oeuvres Complète, tXV,1,p.24, extraits deColoniser, exterminer d’Olivier Le Cour Grandmaison, p.140). "Il faut anéantir tout ce qui ne rampera pas à nos pieds comme des chiens" (colonel de Montagnac 1843, cité par Ignacio Ramonet, Colonialisme, in Le Monde Diplomatique ). »

Face à cela, d’autres ici, ailleurs ou dans un autre monde, des Herero de Namibie aux tirailleurs de Thiaroye, qui aimeraient simplement pouvoir avoir vivre ou reposer en paix.

Est-ce trop demander ?

Portfolio

Messages

  • Choisi toi-meme le prochain theme pour ta compil’ speciale appologie de crime contre l’humanité

    1- "au temps benni des croisades" ?
    2- "au temps benni de l’inquisition ?"
    3- "au temps beni de l’esclavage" ?
    4- "au temps benni de l’occupation" ?
    5- "au temps benni de vichy" ?
    6- "au temps benni de l’holocauste" ?
    7- "Au temps benni de Mussolini" ?,
    8- "au temps benni du franquisme" ?
    9- "au temps benni du stalinisme" ?
    10- "au temps benni des talibans" ?
    11- "au temps benni d’ousama" ?
    12- "Au temps beni du genocide armenien" ?
    13- "Au temps benni du massacre des indiens"
    14- "au temps benni du massacre des aborigenes d’australie"
    15- "Au temps benni de sadam hussein"
    16 - "au temps benni de gunatanamo (aka abu grahib disko funk)

  • Ca nous coupe l’appétit de retatouiller toutes les prétentions de l’Etat français. Mais les dirigeants s’en foutent. Ils ont le tube digestif raide comme du béton armé.

    gavroches et blancs de peau.

  • Je suis très surpris des réactions à propos de cette compilation. Personne ne songe que ce disque puisse simplement être un document de mémoire qui permet de condamner deux fois plus fort l’abomination du colonialisme et l’attitude honteuse de nos chanteurs de music hall ??? Evidemment ce disque ne berce pas mes soirées d’hiver et ce n’est pas celui que j’emmène sur la route des vacances. Bien au contraire il me sert de support pour démonter l’exotisme raciste quand j’ai à faire des conférences sur les musiques du monde. Ce n’ai pas un disque que l’on aime ou que l’on aime pas, la question n’est pas là je crois. C’est une archive de l’histoire, un document de travail, que l’on range à coté des livres d’histoire. Faudrait-il faire comme si ces chansons infamantes n’avaient jamais existées ?? Je ne pense pas !
    Après je ne sais pas quelles personnalités douteuses ont soutenues ce disque, mais l’éditeur n’est pas responsable si son disque reçoit la sympathie des cons !
    Dégainez moi vite ... peace !

    • Il ne me semble pas dans cet article avoir nulle part ramené la discussion à une simple question sentimentale du type "j’aime ou je n’aime pas" comme vous le dîtes. Par ailleurs il me semblait aussi dans cet article avoir déja répondu à ce genre d’argumentation sur l’aspect historique : comment se fait-il alors que les chants de l’occupation allemande dont un exemple que j’ai cité dans le texte soient toujours interdit à la vente ? Comment se fait-il que les des films de René vautier comme Afrique 50 aient-été interdit en France jusqu’en 2000 et ne soient toujours pas distribué ? Comment se fait-il qu’on ne reconnaisse nul part dans ce pays des auteurs comme Frantz Fanon, dont un ouvrage comme "Les damnés de la Terre" préfacé par Sartre a été LE texte fondateur du tiers-mondisme qui a imprégné une époque et continuer d’imprégner des générations ? Curieuse liberté d’expression à sens unique et intérêt pour le témoignage, non ?
      Malgré le débat -finalement sain car il vaut mieux crever les abscès- qui a eu lieu en 2006, suite à l’odieuse tentative de valoriser les aspects "positifs" du colonialisme, il ne me semble toujours pas que l’on ai mesuré l’ampleur de la catsatrophe qu’a été la colonisation européenne, plutot devrait-on dire capitaliste, qu’on en soit toujours incapable d’en assumer pleinement les conséquences, tout juste sera t’on capable de demander en murmurant du bout des lèvres à avoir quelques "témoignages", mais sans plus.