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Les associations de chômeurs reprochent aux syndicats...

Publie le mardi 30 décembre 2003 par Open-Publishing

Les associations de chômeurs reprochent aux syndicats de ne pas assez se
soucier du sort des plus démunis

Incompréhension ou rivalité ? Les relations sont tendues entre les
mouvements de chômeurs et les syndicats. Si la chose ne date pas d’hier, les
récentes initiatives d’associations de chômeurs et de travailleurs précaires
ont mis en évidence l’éloignement de ces mouvements avec les grandes
confédérations. Le 6 décembre, alors que quelques milliers de chômeurs
manifestaient à Paris, aucune des directions confédérales ne s’était
associée au défilé. Dix jours plus tard, c’est devant le siège national de
la CFDT, à Paris, que quelques dizaines de chômeurs se sont rassemblés,
dénonçant la signature par le syndicat de François Chérèque des accords
Unedic qui ont entériné la réduction de la durée d’indemnisation du chômage
et des indemnités elles-mêmes.

A l’initiative des comités AC ! (Agir ensemble contre le chômage) de la
région parisienne, une délégation de chômeurs a rencontré certains
responsables nationaux de la CFDT. Pour constater, explique Marc Moreau,
l’un des animateurs d’AC !, que leurs approches respectives divergeaient.
"Ils nous ont dit qu’il n’y avait pas d’argent et qu’on ne pouvait pas faire
autrement, raconte celui-ci, alors que pour nous, la situation intolérable
va encore s’aggraver." Malika Zediri, porte-parole de l’Association pour
l’emploi, l’information et la solidarité (Apeis), renchérit : "Si la CFDT
connaissait mieux nos problèmes, elle ne signerait pas n’importe quoi !"
Elle explique néanmoins qu’elle n’a pas voulu manifester devant le siège de
la CFDT, "même si on est très en colère"­ pas plus que la CGT-chômeurs ou le
Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP).

Malgré des incompréhensions qui persistent, les associations, de fait, ne
souhaitent pas entrer dans une logique d’affrontement avec les syndicats.
"Je regrette que les grandes confédérations ne syndiquent pas les chômeurs,
car elles prendraient mieux en compte les ravages du chômage", indique
Charles Hoarau, dirigeant marseillais et membre du bureau national du comité
chômeurs de la CGT. "La fracture se creuse d’année en année entre ceux qui
ont un emploi à peu près stable et ceux qui connaissent la précarité et le
chômage", estime-t-il. Et si son syndicat est le seul à intégrer des
chômeurs, cela ne suffit pas à éviter un certain malaise.

"PLUS SENSIBLES À L’URGENCE"

Lors du 47e congrès de la CGT, en mars 2003, la représentation du comité
chômeurs au sein de la commission exécutive (CE) confédérale est passée de
trois à zéro. Cette décision de la direction, officiellement justifiée par
la volonté de réduire sensiblement les effectifs de la CE, la faiblesse du
nombre de chômeurs parmi les adhérents, voire la personnalité du seul
candidat "chômeur", qui aurait été jugé trop "radical", a suscité une
certaine émotion. Au sortir du congrès, les responsables des chômeurs ont
dénoncé "un geste politique" à leur encontre. "Nous avons une identité
atypique, en représentant une population externe à l’entreprise", expliquait
alors François Desanti, membre sortant de la CE et responsable national du
comité chômeurs.

Aujourd’hui, M. Desanti exprime le même regret. "C’est une erreur pour la
CGT que nous ne soyons pas représentés à la CE confédérale", analyse-t-il.
Les responsables de mouvements de chômeurs reconnaissent une certaine
"radicalité" de leurs membres, qui ne convient pas toujours au ton des
grandes organisations. "Quelqu’un à qui on coupe le courant, qui se retrouve
sans emploi, sans logement, est forcément radical, explique M. Hoarau. Et
pour être efficace, il faut que l’association le soit aussi." "L’impatience
de ceux qui souffrent le plus peut provoquer certaines turbulences dans le
syndicat", ajoute M. Desanti. De son côté, M. Moreau (AC !) admet que "le
défaut des associations, plus sensibles à l’urgence, à la confrontation au
quotidien, est d’avoir du mal à se projeter dans l’avenir".

Les relations entre grandes confédérations et mouvements de chômeurs
pourraient cependant s’améliorer. Pour la première fois, la Confédération
européenne des syndicats (CES) a décidé l’organisation d’une journée
européenne consacrée aux problèmes d’emploi et de chômage (le 2 ou le
3 avril 2004), comme en réponse à la demande de l’assemblée générale des
mouvements sociaux qui s’est tenue le 16 novembre, en clôture du Forum
social européen.

Rémi Barroux