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Née en45 des idéaux de la Résistance...Assurance-maladie:une histoire jalonnée de déficits

Publie le vendredi 23 janvier 2004 par Open-Publishing

Née en 1945 des idéaux de la Résistance ...
 
Assurance-maladie :
une histoire jalonnée de déficits
 
Le désormais célèbre "trou de la sécu" est loin d’être un phénomène récent. Née en 1945 des idéaux de la Résistance, la Sécurité sociale, et en particulier sa branche maladie, a été très vite confrontée à des déficits chroniques devenus explosifs dans les années 1990.
Ce sont les ordonnances du 4 et 19 octobre 1945, promulguées par le général de Gaulle, qui donnent naissance au système français de Sécurité sociale. Les héritiers de la Résistance ambitionnent de "garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou supprimer leur capacité de gain", et de "couvrir les charges de maternité ou les charges de famille qu’ils supportent".
L’objectif est de fusionner en une organisation unique et universelle les régimes existants, apparus dès le Moyen-age avec le compagnonnage, puis à la fin du 19e siècle avec le développement des systèmes d’assistance privés gérés par les employeurs.
Malgré la persistance de régimes distincts (agriculteurs, professions indépendantes non agricoles et autres "régimes spéciaux"), la tendance est nettement à l’uniformisation depuis 1945. A l’heure actuelle, 83,5% de la population bénéficie du "régime général" de l’assurance maladie.
Et l’impact sur la santé des Français est spectaculaire. La mortalité infantile a ainsi été divisée par deux entre 1970 et 1990, puis à nouveau, quasiment de moitié entre 1990 et 1997. C’est désormais l’une des moins élevées du monde.
Les Français vivent de plus en plus vieux, et ils vieillissent aussi de mieux en mieux. L’espérance de vie à la naissance est désormais de 79 ans, soit le troisième rang en Europe. Le taux de mortalité cardio-vasculaire est également le moins élevé de l’Union européenne. La prise en charge des plus pauvres s’est aussi améliorée avec la création de la Couverture maladie universelle (CMU) en 2000.
Mais tout cela a un coût. Aujourd’hui, la France consacre à la santé 9,5% de sa richesse nationale, ce qui la place au quatrième rang mondial. Car, avec l’allongement de l’espérance de vie et les progrès de la médecine, les dépenses de santé ont explosé. En 40 ans, les volumes de médicaments consommés ont été multipliés par 30.
Très vite, la "Sécu" va donc se trouver confrontée à des difficultés financières. Dès 1967, les pouvoirs publics doivent prendre des mesures : ils décident de diviser la Sécurité sociale en trois branches financièrement autonomes : l’assurance-vieillesse, les allocations familiales et l’Assurance-maladie. C’est le premier d’une longue série de plans de redressement.
Dans les années 1970 et 1980, une série de "plans" vont ainsi tenter de contrôler les dépenses, via une diminution du taux de remboursement des médicaments, ou d’augmenter les recettes du système avec une hausse des cotisations.
En vain. Dans les années 1990, la situation s’aggrave brutalement, le déficit de la branche maladie devenant chronique. La croissance des dépenses de santé s’accélère brusquement à partir de 1998, avec un bond de 5% par an en moyenne, et même de plus de 7% en 2002.
La situation est telle qu’elle conduit les gouvernements à modifier le financement de la Sécurité sociale, inchangé depuis 1945. Si les cotisations assises sur la masse salariale représentent encore la principale ressource du système, la part des recettes fiscales (CSG à partir de 1991, CRDS à partir de 1996) croît rapidement.
Le "trou" va sembler se combler à la fin des années 1990, après le plan "Juppé" qui poussera des millions de Français dans la rue fin 1995. Mais cette embellie, essentiellement due à une croissance exceptionnelle, sera de courte durée. Le déficit réapparaît avec le ralentissement économique : il atteint 6 milliards d’euros en 2002 et plus de 10 milliards en 2003.
Et l’avenir semble bien sombre. Si la croissance des dépenses de santé se poursuit sur le même rythme et en l’absence de mesures correctrices, le trou de la "Sécu" pourrait atteindre 100 milliards d’euros en 2020.
 
La "Sécu" bientôt gérée par les marchés ?
 
L’assurance-maladie doit-elle tout rembourser ? Pour endiguer la dérive des dépenses de santé, une piste de réforme très controversée consisterait à confier certaines prestations gérées par la "Sécu" au privé pour concentrer la solidarité sur le gros risque. Si cette question explosive n’est plus taboue pour le gouvernement, la gauche agite le spectre de la privatisation.
Le 13 octobre, Jean-Pierre Raffarin a jeté un pavé dans la mare en évoquant à demi-mots un remodelage du partage public-privé. Il a distingué les "besoins essentiels" couverts par l’assurance-maladie des "besoins qui sont peut-être moins prioritaires". Il faut "trouver le juste équilibre entre ce qui doit relever du pacte républicain, de la solidarité nationale, mais aussi de la responsabilité individuelle", a-t-il estimé. Et de s’interroger : "faut-il couvrir dans les mêmes conditions une fracture du bras causée par une chute dans la rue ou par un accident de ski ?"
Le constat est sans appel : la "Sécu" rembourse en moyenne 75% des dépenses de santé. Or, dans un contexte de vieillissement, le nombre de personnes bénéficiant d’une prise en charge intégrale est de plus en plus important. On compte 5,7 millions de personnes en affection de longue durée (ALD : maladies cardio-vasculaires, diabète, tumeurs malignes), qui bénéficient d’une prise en charge à 100%. En parallèle, on constate que l’assurance-maladie se désengage de plus en plus de la couverture des soins dentaires, optiques ou auditifs, majoritairement remboursés par les complémentaires.
Aussi certains suggèrent-ils de laisser la "Sécu" se concentrer sur le gros risque, les soins les plus utiles et les plus coûteux. En conséquence, elle se déchargerait totalement du remboursement de certaines prestations dites du "petit risque", qui deviendraient le domaine réservé du secteur privé. Une perspective qui aiguise l’appétit des assureurs, qui rêvent de mettre la main sur le dentaire, l’optique, l’auditif et, à terme, la traumatologie et la rééducation.
D’autres pistes contestées ont également été avancées. Le rapport Chadelat remis au ministre de la Santé Jean-François Mattei préconise ainsi la création d’une "couverture maladie généralisée". La CMG prendrait en charge certains soins prédéfinis, le reste étant à la charge des ménages. Elle mêlerait une couverture obligatoire et une complémentaire de base, facultative, dont l’achat serait encouragé par une aide. Une proposition qui n’est pas sans rappeler la promesse de Jacques Chirac d’accorder un coup de pouce fiscal aux plus modestes pour l’acquisition d’une complémentaire.
Une autre solution, esquissée par le Medef ou le libéral Alain Madelin, consisterait à introduire une dose de concurrence. L’Etat se contenterait de définir les grandes priorités et les opérateurs (caisses de "Sécu", assurances et mutuelles) géreraient les services en concurrence. Ils négocieraient prestations et tarifs directement avec les professionnels de santé (hôpitaux, médecins, spécialistes).
Hostile au transfert de prestations au privé ou à la mise en concurrence, la Mutualité française réclame à l’inverse que les mutuelles soient davantage associées à la gestion de la "Sécu", dans un "partenariat équilibré". Celles-ci sont en effet cantonnées actuellement au rôle de "payeur aveugle" et n’ont pas voix au chapitre.
A chacun selon ses moyens ? Ces perspectives inquiètent également la gauche, qui redoute une "privatisation partielle" de la santé et une Sécurité sociale "à deux vitesses". Le risque, selon elle ? Que les assurés les moins fortunés, les plus âgés et les plus fragiles soient laissés au bord du chemin par des assurances érigeant la rentabilité en dogme...
 
L’Assurance-maladie
en quelques dates
 
Depuis sa création en 1945, l’histoire du système français d’Assurance-maladie est jalonnée de plans de redressement, au fur et à mesure de l’explosion des dépenses de santé.
-1945 : ordonnances créant la sécurité sociale.
-1967 : éclatement de la sécurité sociale en trois branches : maladie, vieillissement famille.
-1976 : plan Barre de déremboursement des médicaments de confort.
-1977-78 : plan Veil. Diminution de remboursements, augmentation des cotisations, extension de la cotisation aux retraités.
-1979 : plan Barrot. Blocage du budget des hôpitaux et des honoraires médicaux.
-1980 : création du secteur à honoraires libres.
-1982 : plan Bérégovoy. Forfait hospitalier, budget global à l’hôpital, baisse de remboursement des médicaments.
-1986 : plan Séguin. Hausses du forfait hospitalier et des cotisations maladie.
-1991 : entrée en vigueur de la Contribution sociale généralisée (CSG).
-1993 : plan Veil. Augmentation de la CSG, baisse des remboursements de 70 à 65%.
-1995 : plan Juppé. Création de la CRDS (Contribution pour le remboursement de la dette sociale), création des agences régionales d’hospitalisation, vote du budget par le Parlement.
-1998 : plan Aubry. Extension de la CSG, déremboursement, baisse du tarif des radiologues et des biologistes, médecin référent.
-2000 : création de la Couverture maladie universelle (CMU).
 

Les chiffres clés
de l’assurance maladie
 
UN SYSTEME GENEREUX QUE LES FRANCAIS UTILISENT INTENSIVEMENT :
Plus de 49 millions de Français sont bénéficiaires de l’Assurance-maladie, soit près de 85% de la population, dont :
-5,7 millions de personnes prises en charge à 100% pour une affection de longue durée (ALD)
-4,1 millions de bénéficiaires de la Couverture maladie universelle (CMU)
La "Sécu" rembourse en moyenne 75% des dépenses. Chaque année, ce sont un milliard de demandes de remboursement qui sont traitées (+5% par an en moyenne depuis 1995).
 
DES FRANCAIS "ACCROS" AUX MEDICAMENTS ...
La France détient, avec les Etats-Unis, le record de la dépense pharmaceutique en valeur par habitant. On prescrit en France deux fois plus d’antibiotiques et de psychotropes que dans les autres pays européens.
En 2002, chaque Français a dépensé en moyenne 2.579 euros pour se soigner. Cela représente près de 13% de la consommation des ménages. Les soins hospitaliers arrivent en tête (44,7% du total), devant les consultations médicales et paramédicales (26,7%), et les médicaments (21%).
En 40 ans, le volume de médicaments consommés a été multiplié par 30.
 
CERTAINS PLUS QUE D’AUTRES
5% des malades suscitent 60% des dépenses de santé
70% des dépenses proviennent des six derniers mois de la vie
Les plus de 65 ans représentent 16% de la population, mais 39% de la consommation de médicaments.
 
UN SYSTEME EN DEFICIT CHRONIQUE
Le déficit de l’Assurance-maladie a atteint :
0,7 milliard d’euros en 1999
1,6 milliard d’euros en 2000
2,1 milliards d’euros en 2001
6,1 milliards d’euros en 2002
10,6 milliards d’euros en 2003
10,9 milliards d’euros en 2004 (prévisions du PLFSS)
 
LE FINANCEMENT :
75% du financement de l’Assurance-maladie est assis sur la masse salariale. La Contribution sociale généralisée (CSG) assure 34% du financement.
Un salarié percevant un revenu brut mensuel de 1.300 euros verse 241 euros par mois pour financer l’Assurance-maladie (dont 65 de CSG, 10 de cotisations salariales et 166 de cotisations patronales).
Un cadre gagnant 3.000 euros verse 565 euros par mois (150 de CSG, 22 de cotisations salariales et 384 de cotisations patronales).
Tous deux sont remboursés de façon identique. En moyenne, chaque Français perçoit environ 2.000 euros par an de prestations d’assurance maladie.
 
LE "COUP DE POUCE" DES COMPLEMENTAIRES  :
92% des Français bénéficient d’une couverture complémentaire (mutuelle, assurance ou institut de prévoyance). Ils étaient 31% en 1960.
12% des dépenses de santé sont prises en charge par les complémentaires (75% par la Sécurité sociale et 11% par les ménages eux-mêmes).
Pourtant, 15% de la population renonce à certains soins chaque année pour des raisons financières. Cela concerne surtout les soins dentaires.
 
GENERIQUES :
Les médicaments génériques sont en moyenne 20% moins chers que le produit original, alors qu’ils contiennent la même molécule. Pourtant, ils ne représentaient que 10% des boites vendues en officine en février 2003, contre 8% en janvier 2002.
 
LA SANTE N’EST PAS QU’UN COUT :
Le secteur de la santé contribue à hauteur de 6% au Produit intérieur brut (PIB). C’est aussi important que le secteur "transport et télécommunications" et plus du double de la branche "agriculture, sylviculture et pêche".
Il représente environ 7% des emplois en France : le secteur sanitaire et social employait 2,8 millions de personnes en 2001. Il a créé 500.000 emplois sur les dix dernières années.
La France comptait 196.000 médecins en 2001, soit 330 médecins pour 100.000 habitants. Il existe toutefois de fortes disparités : il y a 1 spécialiste pour 1.000 habitants en Picardie, 1,8 en Alsace et 2,3 en Ile-de-France.
 
La CSG, mode d’emploi
 
 Instaurée en 1991 par le gouvernement Rocard pour financer une partie de la "Sécu", la Contribution sociale généralisée rapporte chaque année plus de huit milliards d’euros. Sujet sensible, son augmentation pourrait faire partie des pistes de réforme étudiées par le gouvernement.
 
TAUX APPLICABLE
Créée par la loi de finances de décembre 1990, la CSG est entrée en vigueur le 1er février 1991 avec un taux initial de 1,1%. Elle est rapidement montée en charge : le gouvernement Balladur l’a portée à 2,4% au 1er juillet 1993 et le gouvernement Jospin à 3,4% au 1er janvier 1997.
Depuis le 1er janvier 1998, plusieurs taux sont appliqués : les revenus d’activité, du patrimoine et des placements, les gains aux jeux sont taxés à 7,5%. Les chômeurs et retraités (imposables) paient moins, car les revenus de remplacement ne sont taxés qu’à 6,2%. Sous certaines conditions, le taux peut même être réduit à 3,8% pour les titulaires d’une pension de retraite ou d’invalidité, d’une allocation de chômage ou de préretraite.
 
QUI PAYE ?
Aucun revenu n’échappe à cet impôt proportionnel, qui est dans la plupart des cas prélevé à la source. Sont ainsi ponctionnés :
- les revenus d’activité (salaire, intéressement, indemnité de licenciement ou de rupture de contrat, droits d’auteur). L’assiette, large, comprend le montant brut des salaires, des primes et des indemnités. La CSG est précomptée par l’employeur, qui la reverse à l’URSSAF (organisme collectant les cotisations salariales et patronales).
- les revenus de remplacement (pensions de retraite et d’invalidité, allocation de chômage et de préretraite, arrêt de travail, congé maternité). Sont exonérés les allocations familiales, aides au logement, bourses étudiantes, pensions alimentaires, le minimum vieillesse, le RMI (Revenu minimum d’insertion). La CSG est précomptée par l’organisme débiteur, qui la reverse à l’URSSAF ;
- les revenus du patrimoine et des placements (capitaux mobiliers, revenus fonciers, plus-values, revenus de locations meublées non professionnelles, bons du Trésor, obligations, plan épargne logement, assurance-vie). Sont exonérés le Livret A, le Livret d’épargne populaire, le Codevi et le Livret jeune. La CSG est recouvrée par le Trésor ;
- les gains aux jeux.
 
OU VA LA CSG ?
En complément des cotisations sociales, la CSG sert à financer les branches maladie et famille de la "Sécu", le Fonds de solidarité vieillesse et, jusqu’alors, l’Allocation personnalisée d’autonomie.
En 2002, la CSG a rapporté près de 8,7 milliards d’euros, dont 74% prélevés sur les revenus d’activité, 14,5% sur les revenus de remplacement, 10,5% sur les revenus du patrimoine et placements.
Au final, le régime général est financé par les cotisations sociales à 62%, par la CSG et diverses taxes à 22% et par des transferts entre organismes à 11%.
 
LA CSG VA-T-ELLE AUGMENTER ?
Serpent de mer, l’augmentation de la CSG fait partie des pistes de réforme de la "Sécu". Selon plusieurs quotidiens, le pré-rapport du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie estime que la CSG, "par son assiette large et le principe de proportionnalité qui la sous-tend, peut apparaître comme une réponse adaptée au problème de financement".
Le Haut conseil s’interrogerait notamment sur un alignement du taux acquitté par les chômeurs et retraités sur celui des actifs, soit 7,5%. Le manque à gagner pour l’assurance-maladie serait de 4,7 milliards d’euros. Matignon dément fermement : "le gouvernement n’a pas envisagé un relèvement des taux de CSG".
Plusieurs déclarations donnent toutefois à penser que le gouvernement n’exclut pas une hausse pour 2005. La tentation est forte : selon la commission des comptes de la Sécurité sociale, un point de CSG supplémentaire rapporterait près de 9 milliards d’euros...
 
Aide médicale d’Etat :
les plus démunis menacés par la chasse au gaspi
 
Contraint de serrer les cordons de la bourse face à l’emballement des dépenses de santé, le gouvernement est en passe de publier plusieurs décrets limitant l’accès à l’Aide médicale d’Etat, qui permet à près de 170.000 personnes sans ressources et sans papiers de bénéficier de soins gratuits. Des restrictions décriées par les associations.
Née en 2000, l’AME permet une prise en charge médicale intégrale des personnes dont les ressources sont inférieures à 566 euros par mois ou qui, parce qu’elles n’ont pas de papiers, ne peuvent pas bénéficier de la Couverture maladie universelle (CMU). Ce sont pour l’essentiel des étrangers en situation irrégulière. De 73.000 en 2000, le nombre de titulaires est passé à 125.000 en 2001, 153.000 en 2002 et 170.000 en 2003.
Résultat : le coût est rapidement monté en charge, au point que François Fillon évalue la prévision de dépenses à 645 millions d’euros pour 2003. Un chiffre contesté par les associations. Mettant cette explosion sur le compte de fraudes, le gouvernement a donc fait adopter par le Parlement plusieurs mesures de restriction.
En décembre 2002, la majorité a imposé une participation financière aux bénéficiaires -un ticket modérateur-, mettant ainsi fin à la gratuité des soins. En étaient exonérés les mineurs, femmes enceintes et personnes souffrant de maladies graves. Devant le tollé suscité par cette mesure, Jean-Pierre Raffarin a dû faire machine arrière. En mars 2003, il annonçait la suspension des décrets d’application.
Or, le gouvernement est revenu à la charge. En décembre dernier, il a inséré dans le collectif budgétaire pour 2003 une disposition qui impose un délai de résidence continue de trois mois avant l’ouverture des droits. Seuls les soins urgents seront autorisés dans ce délai. Le budget 2004 prévoit également que les demandeurs devront présenter des documents pour justifier leur identité et leurs ressources, alors qu’une simple déclaration sur l’honneur suffisait jusqu’alors.
Le sujet étant sensible, les décrets d’application sont toujours en attente de publication. Le 5 novembre dernier, François Fillon a toutefois douché les espoirs de ceux qui pensaient le faire changer d’avis : "les textes réglementaires indispensables -décrets et circulaires- seront présentés dans les plus brefs délais", a-t-il indiqué. "Nous appliquerons également la disposition relative au ticket modérateur".
Inquiets, Médecins du monde et Médecins sans frontières ont lancé une pétition pour "sauver l’AME". "Une catastrophe sanitaire est en gestation", assurent leurs présidents, Claude Moncorgé et Jean-Hervé Bradol. Cela "revient à restreindre drastiquement les soins à la population la plus fragilisée", expliquent-ils.
 
Petit tour du monde
des systèmes de santé
 
Les patients allemands et anglais ne paient pas leurs consultations médicales, l’Américain doit souvent souscrire une couverture santé auprès d’un assureur privé et le Néerlandais y est souvent de sa poche. Petit voyage au coeur des systèmes de santé de plusieurs pays développés :
 
ALLEMAGNE
- Organisation : le système de santé, décentralisé, date de 1883 et mêle public et privé. En-dessous de 3.825 euros de revenu mensuel, l’adhésion au système public est obligatoire. Au-delà, l’assuré peut opter pour une assurance privée.
- Financement : cotisations sociales. Les dépenses de santé représentaient 10,3% du Produit intérieur brut (PIB) en 1999 (9,3% en France).
- Accès aux soins : l’assuré doit s’inscrire auprès du généraliste de son choix pour une durée minimale de trois mois. Il doit avoir son feu vert pour consulter un spécialiste ou être hospitalisé. Les médecins sont presque tous conventionnés et les dépassements d’honoraires peuvent être sanctionnés.
- Coût : les consultations médicales et soins hospitaliers sont gratuits, car les médecins sont payés par les caisses. Un ticket modérateur est appliqué pour les soins dentaires et les médicaments (sauf pour les jeunes, les personnes âgées, les personnes souffrant de maladies graves ou chroniques).
- Réformes : le gouvernement Schroeder a présenté le 14 mars un projet de modernisation du système de santé qui développe la concurrence entre les 600 caisses, relève le ticket modérateur et prévoit la souscription obligatoire d’une complémentaire à partir de 2005 pour les prothèses dentaires et les arrêts de travail.
 
ETATS-UNIS
- Organisation : il n’existe pas de système d’assurance-maladie, en dehors des programmes fédéraux Medicare en faveur des personnes âgées et Medicaid en faveur des plus démunis. La protection sociale est assurée par des assurances privées, onéreuses, le plus souvent contractées dans le cadre de l’entreprise avec une participation de l’employeur. Près de 40 millions d’Américains n’ont aucune couverture santé, soit près de 15% de la population.
- Financement : individuel. Les dépenses de santé représentaient 12,9% du PIB en 1999, un niveau record parmi les pays développés.
- Coût : un Américain dépense près de deux fois plus qu’un Français pour sa santé.
- Accès aux soins : les assurances passent des accords avec des médecins et les patients sont invités à consulter au sein de ce réseau.
- Réformes : l’administration Bush veut étendre la couverture publique des médicaments en faveur des seniors.
 
ITALIE
- Organisation : né en 1978, le Service de santé national (SSN) est universel, gratuit et décentralisé. Très généreux, il souffre d’un manque de coordination qui provoque de fortes disparités entre régions, au détriment du sud du pays.
- Financement : l’impôt. Les dépenses de santé représentaient 7,9% du PIB en 1999.
- Accès aux soins : les habitants doivent s’inscrire dans l’un des 227 centres de soins, baptisés Unions sanitaires locales (USL), gérés par les régions. Ils y choisissent un généraliste conventionné sur une liste. Il faut passer par ce médecin pour avoir accès gratuitement à certains spécialistes et à l’hôpital.
- Coût : la plupart des soins, y compris hospitaliers, sont gratuits. Un ticket modérateur est appliqué aux médicaments et aux analyses. Les prothèses dentaires ne sont pas remboursées.
- Réformes : le gouvernement veut accroître la régionalisation, pourtant critiquée comme source de disparités, et veut faire une plus large place au secteur privé.
 
PAYS-BAS
- Organisation : le système mélange public et privé. On trouve un premier niveau général de couverture, l’AWBZ, qui assure toute la population pour les soins coûteux et de longue durée (hospitalisation longue, invalidité, maladies chroniques, psychiatrie). Le deuxième niveau, pour les soins courants, comporte deux branches : une branche publique pour les salariés (65% de la population) ; une branche privée pour les hauts revenus et travailleurs indépendants (25% de la population). On ne trouve pas d’assurances complémentaires.
- Financement : cotisations proportionnelles au revenu ou au risque. Les dépenses de santé représentaient 8,5% du PIB en 1998. Les Pays-Bas sont l’un des rares pays développés à maîtriser leurs dépenses de santé.
- Accès aux soins : le patient doit s’inscrire chez un généraliste pour une durée minimale. Ce dernier contrôle l’accès aux spécialistes et à l’hôpital. Les prescriptions médicales sont surveillées de près et les médecins peuvent être déconventionnés.
- Coût : les traitements hospitaliers sont gratuits. Certaines prestations telles que les soins dentaires des adultes ou l’homéopathie ne sont pas prises en charge.
- Réformes : le pays veut introduire davantage de concurrence dans son système de santé. Il envisage la création d’une franchise annuelle généralisée, où les premiers euros de soins ne seraient pas remboursés. La souscription d’une complémentaire pourrait devenir obligatoire.
 
ROYAUME-UNI
- Organisation : né en 1948, le National Health Service (NHS) est fortement étatisé. L’Etat fixe chaque année une enveloppe budgétaire limitée, source de graves insuffisances, mais qui a permis au pays de contenir ses dépenses de santé. Toute la population est assurée, gratuitement. Le système privé est peu développé, mais les cadres peuvent accéder à des complémentaires par leur entreprise.
- Financement : l’impôt. Les dépenses de santé représentaient 6,9% du PIB en 1999.
- Accès aux soins : l’assuré s’inscrit auprès du généraliste de son choix pour une durée minimale de six mois. Véritable gardien, celui-ci contrôle l’accès aux spécialistes et à l’hôpital. Les médecins et spécialistes sont sous contrat avec le NHS.
- Coût : les consultations ne sont pas payantes. Un ticket modérateur est appliqué sur les médicaments, soins dentaires et optiques (sauf pour les moins de 16 ans, retraités et chômeurs).
- Réformes : le gouvernement tente de rendre le NHS moins dépendant de l’Etat et veut introduire une part de concurrence dans le système.
 
SUEDE
- Organisation : c’est un système très décentralisé où l’Etat fixe les grands objectifs. Au niveau local, les conseils de comté financent les services de soins, gèrent les hôpitaux et les centres de santé. L’inscription est obligatoire.
- Financement : l’impôt, souvent levé au niveau local. Les dépenses de santé représentaient 8,6% du PIB en 1998.
- Accès aux soins : les Suédois ont accès à des centres de santé pour les soins primaires. Ils peuvent aussi choisir le généraliste de leur choix. Curiosité, le pays enregistre un niveau record de congés maladie de longue durée : 340.000 personnes ont touché des indemnités pour un arrêt de travail de plus de deux semaines en 2002, contre 170.000 en 1997, soit un doublement en cinq ans. Coût : 12 milliards d’euros, soit 16% du budget national.
- Coût : le patient paie les prestations avant d’être remboursé, mais des plafonds de dépenses sont fixés au-delà desquels il bénéficie d’aides ou de la gratuité des soins. Les frais des personnes âgées et handicapées sont pris en charge par la localité de résidence. Les soins sont gratuits pour les moins de 20 ans.