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ENTRETIEN AVEC MARIE GEORGE BUFFET

Publie le jeudi 25 janvier 2007 par Open-Publishing
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Entre ses rencontres avec des femmes mal logées du 14e arrondissement de Paris et des employés de la grande distribution, nous avons interrogé Marie George Buffet sur le sens de sa campagne. Pour porter la voix de ceux qui ont le sentiment de ne plus exister dans le paysage politique, elle n’entend pas "rentrer dans le rang".

Entretient réalisé par Pierre Laurent, Jérome-Alexandre Nielsberg et Stéphane Sahuc

 HD. Vous avez pris connaissance des réponses des personnes que nous avons interrogées sur ce qu’elles feraient (HD du 25 janvier) si elles étaient élues à la présidence. Qu’en pensez vous ?

 MGB. On est loin du débat qui agite le bocal politico médiatique sur la mise au pas d’Arnaud Montebourg par Ségolène Royal ou l’assujettissement à l’impôt de solidarité sur la fortune de Nicolas Sarkozy. Les personnes que vous avez interviewées répondent sur des terrains essentiels : le logement, l’emploi et les salaires, le droit à la santé, avec une exigence de réponse à la fois concrète et forte dans ces domaines. Pas seulement par exemple, il faut plus de logements, avec quels financements, comment mettre en pratique une politique ambitieuse de construction ? Comme aux débats auxquels je participe, les gens se posent et me posent des questions de fond.

 HD. Justement, quelles seraient les premières mesures que vous prendriez si vous étiez élue à l’Elysée ?

 MGB. L’urgence, c’est de sécuriser trois grands dossiers, ceux qui sont prioritaires aussi dans vos interviews : l’emploi et les salaires, le logement, la santé.

Sur l’emploi et les salaires : il faudra donc commencer par des lois limitant les contrats précaires, faisant en sorte que le CDI redevienne la norme. Et, petit à petit, créer une sécurité d’emploi et de formation qui sécurise les parcours professionnels. Dés la mise en place du gouvernement, le SMIC sera porté à 1500€ et de grande négociations salariales seront ouverte. Sur la question du logement : il faudra immédiatement créer un service publique du logement et lui attribuer, dés le budget 2008, le financement nécessaire, relancer l’aide à la pierre et créer un plan de reconstruction du logement social accessible visant à réaliser 600 000 logements sociaux dans la législature. Tout de suite, aussi, interdire les expulsions locatives, les coupures d’eau et d’électricité, et organiser la réquisition des logements vides pour faire face à l’urgence. Il faudra aussi revoir à la hausse l’APL. Aujourd’hui il y a des gens avec de très faibles revenus qui se voient refuser l’APL, et d’autres qui gagnent 1500€ et à qui l’on dit qu’il faut maintenant chercher dans le privé parce qu’il n’y a plus de logements sociaux. C’est inadmissible.

En ce qui concerne la santé. Dés novembre 2007, quand va arriver le débat sur la loi de financement de la protection sociale, il va falloir modifier les choses : taxer les revenus financiers au même niveau que le salariés, modifier l’assiette de cotisation des entreprises pour favoriser l’emploi par rapport aux placements financiers. Dans le même temps, il faudra supprimer la tarification à l’acte dans l’hôpital publique. Si vous permettez j’ajouterais dans mes priorités l’abrogation de la loi Fillion et le retour à la retraite à 60 ans... Je pense qu’il faudra aussi, dès le collectif budgétaire au moi de juin, commencer à mettre en place un train de mesures en direction des jeunes : allocation d’études, allocation d’insertion. Enfin, il y a encore deux autres dossiers à traiter avant la fin décembre 2007 : faire débattre et adopter la loi d’orientation, élaborée par les associations féministes, contre toutes les violences faites aux femmes. Et entamer le débat constituant pour aboutir, en 2008 ou 2009, à la fondation d’une VIe République.

Ce sont des chantiers qu’il faut mettre en place très vite. La droite a tellement cassé, elle a tellement institué de précarité dans tous les domaines de la vie que notre population n’en peut plus.

 HD. Mais ces réformes, qui va les payer ? Toutes ces mesures notamment fiscales, sont elles possibles dans le cadre actuel de l’Europe ?

 MGB. Il n’y a pas, aujourd’hui, d’harmonisation fiscale au niveau de la communauté européenne. Aujourd’hui, c’est à qui va diminuer le plus les impôts sur les sociétés, et Jacques Chirac prévoit lui-même une nouvelle baisse pour 2008. La fiscalité sert à faire du dumping social. Il est donc possible dans les lois de finance du derniers trimestre 2007 de s’appuyer sur une majorité politique pour modifier les conditions de financement de l’assurance sociale. Nous avons regretté que ce financement ne soit pas géré par les salariés, les usagers et d’autres. D’ailleurs je continue à penser qu’il faudra leur donner la gestion. Reste qu’aujourd’hui, c’est l’assemblée nationale qui décide de la loi de financement. Cela constitue une fenêtre qu’il serait irresponsable de ne pas ouvrir dès novembre 2007.

D’une manière générale, je me refus à aligner les promesse sans détailler les moyens nécessaires à leur réalisation. Une grande réforme fiscale qui double l’ISF et mette à contribution les revenus financiers est nécessaire. Il faut savoir que l’impôt sur les sociétés, que la droite veut encore diminuer, ne représente que 15% des recettes de l’Etat. Je créerai également un pôle public bancaire et financier pour pouvoir orienter autrement les énormes richesses financières du pays. Un gouvernement de gauche qui n’aurait pas le courage d’affronter le pouvoir de la finance, c’est-à-dire la dictature des actionnaires, irait à coup sûr à l’échec.

 HD. A défendre sans cesse les chômeurs, les allocataires du RMI, les précaires, ne craignez vous pas de vous couper des classes moyennes, qui voient leurs conditions de vie se dégrader ?

 MGB. Il n’y a pas en France deux France, d’un coté celle des chômeurs et des érémistes, de l’autre celle des chômeurs et des érémistes, de l’autre celle des couches moyennes. Comme le remarque Jean Jacques Lesage, le contrôleur de la RATP que vous avez interviewé, on essaie toujours d’opposer les uns aux autres : celui qui a un salaire, celui qui touche le RMI, celui qui travail dans le public et celui qui travail dans le privé, celui qui loge aujourd’hui dans un squat et celui qui a un logement, l’ouvrier et le fonctionnaire….

Avec toutes les politiques libérales qui ont été menées depuis 10 ans, aucun individu n’est plus à l’abri du chômage, de la perte de son logement, de la précarité. En me battant pour l’augmentation des salaires, pour qu’il y ait de nouveau une politique industrielle dans ce pays, en proposant de créer les conditions qui permettront d’arrêter les licenciements boursiers et les délocalisations, en donnant plus de pouvoir aux salariés dans les entreprises, j’agis pour les hommes et les femmes qui ont un travail autant que pour ceux qui sont à la recherche d’un emploi, ou pour ceux qui sont allocataires du RMI. En se battant contre les politiques qui ont émietté nos droits, on reconstruit des droits pour tous.

 HD. Pourquoi avez-vous décidé de quitter votre responsabilité de secrétaire nationale du PCF pour mener campagne électorale ?

 MGB Je veux poursuivre la démarche amorcée par les communiste : construire un rassemblement qui permettra demain de dégager une majorité politique. Une majorité qui porte un programme affrontant les politiques libérales. Qui engagera les grandes réformes structurantes pour notre pays, pour que chacun et chacune vive mieux. J’ai choisi de quitter mes fonctions de secrétaire nationale parce que je veux mettre ma candidature à la disposition de ce rassemblement, être la candidate de la gauche populaire et antilibérale. Nous avons « déraillé » dans la construction de ce rassemblement pour la présidentielle parce que nous n’avons pas su garder tout le spectre du « non » de gauche au référendum de 2005. Peut être aussi que tout le monde n’a plus eu cet objectif qui aurait pourtant permis que ces élections donnent la parole au peuple. Quoi qu’il en soit, je pense que l’heure est à se rassembler sur une candidature, et les collectifs locaux ont souhaité majoritairement que ce soit la mienne.

 HD. Les médias annoncent que les dés sont jetés mais vous continuez à estimer qu’il est possible de créer la surprise.

 MGB. Mesurons le poids du bipartisme. Ce n’est pas simplement la question des temps d’antenne, c’est aussi toute une pensée unique. C’est vraiment la chape. La candidature que je porte, et que je veux la plus ouverte possible, peut être la candidature qui fasse exploser cette chape et redonne de l’espoir aux gens en leur démontrant qu’on peut faire autre chose en politique que les choix qui sont faits aujourd’hui. Si l’on arrive à multiplier les rencontres, à créer une dynamique, on peut faire évènement. Sinon on va repartir dans une série d’alternances. La droite de Sarkozy, qui veut libérer la loi du plus fort, du tout marchand, de la mise en concurrence des salariés, ou la gauche du renoncement qui, comme l’a déjà sous-entendu Ségolène Royal, nous dit qu’il faudra accepter l’Europe libérale telle qu’elle est. De nouveau, les gens seront déçus. Il y a une responsabilité historique à fissurer ce bipartisme. Je ne me vois pas rentrer dans le rang.

 HD. Le spectre du 21 avril 2002 pèse particulièrement à gauche….

 MGB. Tous les jours, je rencontre des gens qui pensent que même si les propositions de Ségolène Royal ne sont pas au niveau des attentes du pays, ils veulent battre Sarkozy et comptent donc utiliser le vote Royal. Mais réfléchissons : pourquoi avons-nous connu le 21 avril ? Parce que nos concitoyens ont été déçus par la gauche. Une déception au long cours. Au fur et à mesure des législatures, ils se sont dit que ni droite ni gauche ne pouvaient résoudre leurs problèmes et se sont peu à peu repliés sur eux-mêmes, au point d’envisager, ce fameux 21 avril, une solution autoritaire. Si l’on ne veut pas un nouveau 21 avril, voir pire, il faut une gauche qui propose des mesures, des réformes qui améliorent réellement la vie de ces femmes et de ces hommes, il faut battre la droite mais aussi et une bonne fois au pouvoir, la maintenir dans l’opposition et reconstruire des droits, pour que petit à petit les gens retrouvent l’espoir que l’extrême droite recule. Il faut absolument que la gauche se donne les moyens de réussir, et cela passe par un programme qui lui assurera de ne pas plier devant la pression capitaliste.

 HD. Vous refusez donc de choisir entre « gauche de responsabilité et gauche de combat », mais comment tenir à la fois ces deux bouts ?

 MGB. Quand je rencontre, comme encore ce matin avant notre RDV, des femmes qui souffrent d’être mal logées et angoissent à propos de l’avenir de leurs enfants, de la manière dont ils vont pouvoir se construire, je me dis que la question du pouvoir n’est pas une question secondaire. Je veux changer la vie des gens. Ce que je vise ? Je le dis maintenant encore plus clairement qu’auparavant, c’est le gouvernement ! Un gouvernement de combat et d’appel à la mobilisation populaire parce que nous devrons entrer en conflit avec la commission européenne, parce que nous devrons reconstruire les services publics. Un gouvernement qui va mécontenter les grandes fortunes en faisant sa réforme de la fiscalité. Un gouvernement qui va faire hurler Mme Parisot et ses amis du CAC 40 parce qu’il va taxer les revenus financiers. Mais un gouvernement qui va pouvoir compter sur la mobilisation populaire et l’intervention des femmes et des hommes de ce pays. Il est urgent d’avoir au pouvoir une gauche qui change la vie. Il faut donc créer une nouvelle majorité à gauche, qui rassemble des socialistes, des communistes, des écologistes, et tous ceux qui veulent que la vie change vraiment. Ce qui se passe en Amérique latine montre qu’un gouvernement, lorsqu’il a la volonté ferme de le faire, peut prendre des décisions qui vont à l’encontre des dogmes et des pressions de l’OMC et de la banque mondiale. Pourquoi nous, en France, avec tous les moyens dont nous disposons – notre niveau de qualification du monde du travail, le niveau de connaissances de notre population, nos rapports internationaux – on ne pourrait pas ? Pourquoi ne pourrait-on pas se faire entendre par nos partenaires de l’Union européenne ? A-t-on d’ailleurs essayé une seule fois ? On ne s’est jamais opposé aux directives de libéralisation de la commission de l’UE. Menons ce combat. Peut être enfin que si nous menions ce combat d’autres peuples seraient appelés à mener un combat identique.

 HD. La bipolarisation de la campagne se sert, entre autre, de la starisation du débat politique. On sait tout de la vie de Ségolène Royal ou de Nicolas Sarkozy. De vous l’on ne sait rien, c’est un choix ?

 MGB On sait, au moins depuis quelques jours, que je suis locataire d’un appartement au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis), que j’ai une maison en Bretagne, et que je ne suis pas soumise à l’ISF. Pour le reste, on ne sait rien en effet. Et c’est un choix. Un choix sur lequel je ne bougerais pas. Parce que cette forme de médiatisation des femmes et des hommes politiques détruit le débat d’idées. Je suis en campagne depuis le début de janvier et personne ne m’a posé une seule question sur ma vie privée. Pourquoi ? Parce que les gens ont envie de parler de ce qu’ils attendent des politiques. Beaucoup de ceux que je rencontre ont l’impression de ne plus exister. Comme s’il n’y avait plus d’ouvriers, pas de femmes qui ne s’en sortent plus même si elles travaillent. On a parfois l’impression que la politique se résume à des ambitions personnelles. Je n’ai jamais joué ce jeu et personne n’a jamais cherché à me le faire jouer. J’ai envie de redonner à la politique son sens. Notre société est à un tournant : soit elle bascule définitivement dans la précarité, soit elle réussit à sécuriser nos vies et dessiner un autre avenir, c’est bien l’importance de l’enjeu qui doit imposer de remettre au centre de nos actions la vie actuelle des Françaises et des Français et ce qui pourrait changer.

(HD du 25 janvier)

http://unautremonde.gauchepopulaire.fr

Messages

  • Honnêteté voila ce que demande les gens. C’est que vous faite c’est très bien. Les bla,bla,bla, n’intéresse que ceux qui les font. Il ai urgent de mettre en place des actions donc les hommes et les femmes qui sont dans la misère, ont le plus besoins. Tout ceux qui pour une raison ou une autre critique et dise ne pas vouloir allez voter avons sans mordre les doigts après les élections. Vous êtes la seule à faire de réelles propositions pour changer ce pays, vous avez toute mon aide morale et physique.