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Jean-Luc Mélenchon : un pied dedans, un pied dehors

Publie le lundi 5 février 2007 par Open-Publishing
4 commentaires

« Je pense qu’on ne doit pas le [José Bové] rendre responsable d’une division qui a commencé avec la décision de la Ligue communiste, ce qu’il ne faut jamais oublier. »

Tiens donc ! Jean-Luc Mélenchon a la mémoire sélective. Je ne dois pas être le seul à me souvenir que lui-même et PRS ont voté la « synthèse » au congrès du PS du Mans en novembre 2005 (dont Marc Dolez a dit à juste titre « Six mois après le 29 mai, elle est illisible par le peuple de gauche qui s’est massivement rassemblé sur le NON et qui attend de nous que nous ancrions véritablement le Parti socialiste à gauche »). Ainsi, Jean-Luc Mélenchon et ses amis furent les premiers à s’écarter du chemin d’un rassemblement des forces de gauche antilibérales qui, malgré leur diversité, s’étaient retrouvées pour frapper ensemble en mai 2005 et battre électoralement la droite, le PS et les Verts promoteurs du TCE.

Qu’il ait suivi la voie tortueuse d’un pied dedans (PRS négocie avec François Hollande la répartition des circonscriptions aux législatives des candidatures labellisées PS), un pied dehors (sa participation remarquée au meeting des collectifs unitaires de Montpellier, et aujourd’hui son appui tacite aux candidatures antilibérales de Marie-George Buffet et José Bové) est bien dans le style de cette politique mortifère à gauche où les engagements à double détente entretiennent la confusion et désespèrent l’électorat potentiel des partis ouvriers.

« La gauche n’a pas de projet », vient de déclarer Marie-George Buffet. C’est une erreur. Elle en a au moins deux. Le projet social-libéral de Ségolène Royal, dans la continuité des politiques mises en œuvre par les gouvernements de gauche depuis trente ans (un libéralisme capitaliste tempéré de quelques mesures sociales d’accompagnement) d’un côté. De l’autre, un projet anticapitaliste dont le programme se résume à ceci : refaire à l’envers au profit du travail ce qui a été déconstruit depuis trente ans au profit du capital.

Ainsi, en matière de privatisations, il ne suffit pas de dire que la gauche au pouvoir reviendra sur celles des gouvernements de droite Raffarin et Villepin des cinq dernières années, il faut dire que celles « de gauche » seront aussi abolies (entre autres France Télécom, Airbus-EADS, Air France…), que ces entreprises seront renationalisées sous le contrôle des travailleurs qui y produisent les richesses, que le secret bancaire sera levé et que les profits accumulés par les actionnaires depuis leur privatisation (2 milliards d’euros pour le seul Lagardère à EADS, pour ne citer que celui-là) seront confisqués et rétrocédés au budget de l’Etat.

En matière de fiscalité, il ne suffit pas d’en appeler à une « réforme », il faut dire qu’un gouvernement de gauche reprendra les 82 milliards d’euros annuels (chiffre de 2005, celui de 2006 ne sera connu qu’en mars) de bénéfices des actionnaires du CAC40 pour financer une politique résolument au service de celles et ceux qui vivent de leur travail : le SMIC à 1 500 € net, 300 € d’augmentation de tous les salaires et de tous les minima sociaux (minimum vieillesse et pensions de retraite particulièrement), un « salaire étudiant » à 1 000 €, l’abolition de la TVA (l’impôt inéquitable par excellence qui ponctionne à mort le revenu d’un Rmiste quand il n’écorne qu’à la marge celui d’un milliardaire) et le triplement de l’assiette de l’ISF et le doublement de son montant à 80 %. Au « bouclier fiscal » (60 % maximum du revenu net annuel) de Sarkozy-Parisot au service des 15 % de la population la plus riche du pays, il faut que la gauche (la vraie) oppose un « bouclier social » au service des 85 % dont le revenu net individuel mensuel (célibataire sans enfant) ne dépasse pas 2 000 € par mois.

Pareillement, concernant l’emploi. Au « contrat unique » (la généralisation du CNE) de Sarkozy-Parisot, la gauche (la vraie) doit opposer un seul contrat de travail : un CDI pour tous et toutes, quelle que soit la classification, du manœuvre à l’ingénieur dans l’industrie et les services, de l’ouvrier agricole à l’agronome dans l’agriculture. Elle doit dire clairement, comme le proposent à chaque élection Arlette Laguiller et Olivier Besancenot, que si elle est majoritaire au Parlement, elle votera une loi qui interdit les licenciements « boursiers » (les « dégraissages » d’effectif pour accroître de surcroît les profits des actionnaires dans les entreprises qui en font déjà). Qu’elle abolira tous les emplois précaires dans la Fonction publique, nationale ou territoriale, qu’elle remplacera un à un les postes libérés par les départs à la retraite et rattrapera les 180 000 suppressions de postes accumulées depuis vingt ans. Bref que là aussi, elle refera à l’envers ce que les gouvernements libéraux et sociaux-libéraux ont déconstruit depuis trente ans.

Pour les retraites, la gauche ne doit pas seulement se contenter de revenir sur la réforme Fillon de 2003 sur la retraite des fonctionnaires, elle doit dire clairement qu’elle remettra aussi en cause la réforme Balladur de 1993 sur la retraite des travailleurs du privé ? Elle doit reprendre le mot d’ordre que nous étions des millions, ensemble, à clamer sur le pavé en 1995 et 2003 : une seule retraite pour tous, public/privé à 60 ans, après 37 ans et demi de travail, payée à 75 % du salaire des meilleurs 6 mois ?

Ces mesures d’urgence-là de la « vraie gauche », d’une gauche 100 % à gauche, sont incompatibles avec le programme porté par le PS et sa candidate. Il y a bien deux gauches. L’une qui postule à revenir au gouvernement pour appliquer « socialement » la politique du Medef. L’autre, qui ne postule à aucun poste gouvernemental, et en appelle au peuple de gauche pour battre la droite et le patronat dans les urnes et dans la grève, comme en 1936 et en 1968, pour satisfaire les besoins sociaux des classes populaires. Constater cette division à gauche n’est pas s’en satisfaire, mais c’est le minimum de la réflexion politique que l’on attend d’un socialiste de gauche, d’un alternatif anti-libéral ou d’un communiste, qu’il milite au PCF, à la LCR ou à LO.

Taire cette différence fondamentale de programme et de stratégie politique, c’est semer des illusions dans l’électorat populaire. C’est, concernant Jean-Luc Mélenchon, maintenir deux fers au feu : soutenir officiellement la candidate du social-libéralisme Ségolène Royal et conseiller officieusement les candidats anti-libéraux Marie-George Buffet et José Bové. Cette position politique est intenable. A perdurer, elle apparaîtra pour ce qu’elle est : une posture. Celle de l’homme disponible, disponible demain à intégrer de nouveau un gouvernement social-libéral, comme il l’a déjà fait, et disponible après-demain pour dire qu’on ne l’y reprendrait plus. On en rirait si, en toile de fond, ne perdurait cette ignominie sociale des 6 000 000 de prolétaires vivant en France, le 4e pays le plus riche du monde, au-dessous du seuil de pauvreté.

Un dernier mot, pour parler clairement. Que Jean-Luc Mélenchon s’indigne des coups bas portés par l’UMP à la candidate du Parti socialiste, qu’il vitupère contre une presse (Le Monde, pour ne pas le nommer) « faiseuse » hier de la « candidate médiatique » du social-libéralisme, et aujourd’hui convertie en meute canine lui « mordant les mollets », j’y souscris. Il n’y a aucun cadeau à attendre des fondés de pouvoir de Parisot et des plumitifs de Lagardère. Ils sont en guerre, garde rapprochée de leur champion Sarkozy. Quand la chasse est ouverte, un socialiste, un communiste, un anti-libéral se tient aux côtés du gibier. Communiste, je m’y tiens donc. Mais le premier coup bas porté au PS, c’est au Mans, en novembre 2005, qu’il a été porté, quand les socialistes de gauche n’ont même pas proposé aux adhérents socialistes leur programme réformiste de gauche alternativement à celui de François Hollande. S’en abstenant, ils ont brouillé leurs consciences et celles des électeurs socialistes, particulièrement ceux qui avaient commencé à rompre avec le social-libéralisme en votant « non » au TCE. Jean-Luc Mélenchon et PRS ont contribué à nourrir l’illusion qu’en pleine guerre de classe fomentée par le grand capital, la gauche pouvait faire le grand écart, concilier les intérêts des possédants assujettis à l’ISF et ceux des classes populaires.

Il serait bien temps qu’ils s’en aperçoivent.

Pierre Granet, LCR

Messages

  • Ne serait-il pas le moment de faire le bilan d’une ligne politique erronée pour le rassemblement d’une gauche révolutionnaire par élimination, qui a fait de manière sectaire et dogmatique du PCF, un obstacle, repoussant la construction d’une alternative, réveillant et nourrissant un anticommunisme qui se retournera aussi contre vous, qui vous proclamez encore Communistes ?
    J’ai de la peine à suivre vos raisonnements tortueux, si tortueux, que toutes les nuances du Trotskysme répandues et en action dans le mouvement social et ouvrier, n’ont fait que renforcer le social-libéralisme qui utilise à plein les opportunités que vous lui apportez depuis trente ans, en premier lieu :

    la lutte contre le PCF,

    l’illusion par l’entrisme de conquérir des postes de direction sans conquête et sans appui réel de la "base",

    un manque de courage politique de la part de ceux qui y parviennent parce qu’ils connaissent très bien la précarité de leur position ,

    ou la trahison pure et simple d’un idéal "de jeunesse."

    Grâce aussi à votre sectarisme vis à vis du PCF et de la candidate MG BUFFET, le Rassemblement Antilibéral ne se fera pas, pire, vos courants (LCR, LO, PT...) sauf intervention des "bureaucrates" du PS, ou de la Droite pour certains, risquent de se perdre dans l’indifférence des médias qui arrivent à masquer la faiblesse de beaucoup.... Réagissez !!! JdesP

    • Moi j’ai fait le bilan de deux participations communistes à un gouvernement social liberal,j’étais militant du pcf en 1981 je ne le suis plus depuis ...1981 et la participation à un gouvernement antiouvrier.
      Mais bien sur c’est la lcr qui fait le jeu du sociallibéralisme...en ne participant pas à ces gouvernements bourgeois !
      Faut le faire !!
      Je suis communiste,je defends les renationalisations sans indemnités ni rachat.
      Un seule ecole
      Les patrons hors de la secu
      Et je voterai lcr
      Quant à melenchon il veut garder ses positions au ps ??mais quelles positions ?
      Ces mandats d’élus et sa reelection ?
      Et combien de temps il va attendre ?
      Il a toujopurs pas compris que le ps est social liberal ?
      Une telle lucidité politique ça craint !

  • Pierre Granet s’épuise en vain à démontrer qu’une ligne de partage passe entre la LCR et les autres anti libéraux MGB et José Bové.

    Il s’épuise en vain à démontrer qu’en divisant les antilibéraux, la LCR est de bonne foi.

    C’est le côté : "ah, mais il ne suffit pas de renationaliser ceci ! il faut également renationaliser cela !!! ; il ne suffit pas de dénoncer cette loi crapuleuse-ci, il faut aussi dénoncer cette autre loi crapuleuse-là !".

    Cela s’appelle de la surenchère, d’autant plus vaine qu’on a coupé les jarrets du mouvement anti libéral, donc on a fait ce qu’il fallait pour que, dans les faits, il ne se passer RIEN, car on a ouvert la voie à Sarkolène et Ségozy.

    En réalité, dans les faits, il n’y a aucune divergence ni politique ni stratégique entre la LCR, le PCF et le mouvement altermondialiste. On veut sortir du libéralisme et on prendra pour cela les mesures... qu’on pourra prendre, en combattant !

    Le dos au mur, la LCR tente de justifier un calcul politicien minable (AH ! passer devant le PCF ! avoir 4% tandis que MGB n’en fera que 3 !!!AH, quel pied !!).

    Quant à Mélenchon, il attend avant de se prononcer, il a raison. Il ne veut pas liquider ses positions au PS, il a raison. Il est politiquement proche de MGB comme de José Bové, il a raison. Il cherche une issue, comme nous tous. En ce sens, il est des nôtres.

    Pierre Caudre

  • Bonjour
    Encore un non socialiste qui ne veut pas comprendre comment fonctionne le PS.
    La synthèse signé n’avait qu’un objectif : NE PAS COMPLETEMENT isolé le seul candidat socialiste du NON de gauche susceptible de gagner la bataille interne..i.e. Laurent Fabius.
    Pour tout socialiste de gauche et ayant voté non cela aurait du être l’objectif......mais les intérêts particuliers des uns (Emmanuelli, Peillon) ou des autres (Montebourg, Filoche,....) n’a pas permis une motion commune et a rendu la synthèse obligatoire.

    Cette synthèse n’est en rien responsable de l’echec d’une candidature commune de la gauche antilibérale.
    Camarade communiste révolutionnaire, ne réecrit pas l’histoire en la tordant à ton avantage.....
    Soit honnête et travail pour l’union des gauches......ici et maintenant

    Jean-Charles Vescovo
    responsable de PRS Bas-Rhin