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L’abbé Pierre appelle les citoyens à "passer à l’acte" contre l’exclusion

Publie le samedi 31 janvier 2004 par Open-Publishing
3 commentaires

Cinquante ans après l’appel du 1er février 1954, qui avait déclenché une
"insurrection de la bonté" dans toute la France, le fondateur du mouvement
Emmaüs devait lire un nouveau texte, dimanche 1er février, à Paris, pour
inviter à davantage de solidarité face à la pauvreté et au mal-logement.
Le 1er février 1954 , il avait poussé un vibrant "Au secours" à l’antenne
de Radio-Luxembourg, après la mort d’une femme, retrouvée gelée sur le
pavé de Paris. Au cœur d’un hiver rigoureux, son cri avait suscité un
formidable élan de solidarité -"l’insurrection de la bonté". Aujourd’hui,
à l’âge de 91 ans, l’abbé Pierre remonte sur la ligne de front, au côté
des sans-logis, des sans-le-sou, des sans-famille. Dimanche 1er février,
sur l’esplanade du Trocadéro, à Paris, lui et sept autres membres du
mouvement Emmaüs devaient lire un texte, à tour de rôle, pour demander à
tous les citoyens de réagir, de s’impliquer face à l’exclusion : "Nous
vous appelons à passer à l’acte. Pour éviter que notre inaction ne
devienne un crime contre notre humanité."

Rien n’aurait donc changé en un demi-siècle ? En 1954, la France se
relevait avec difficulté de la deuxième guerre mondiale. Des milliers de
"couche-dehors" vivaient à la rue. Les bidonvilles, les baraques de
fortune fleurissaient dans des terrains vagues. A l’époque, rappelle la
Fondation Abbé-Pierre (FAP) dans son dernier rapport (Le Monde du 29
janvier), il manquait environ quatre millions de logements - conséquence
des bombardements mais aussi d’un déficit de constructions accumulé sur
plusieurs décennies.

Depuis, des habitations sont sorties de terre par centaines de milliers,
un Etat-providence puissant s’est structuré. Le contexte n’est donc plus
du tout le même. Mais la pauvreté demeure. Le chômage de masse s’est
installé. Et une crise du logement "sans précédent", selon la FAP, touche
de nombreuses agglomérations sur l’ensemble du territoire.

Si de telles difficultés subsistent dans un pays opulent comme la France,
elles ne peuvent pas s’expliquer uniquement par un partage des ressources
qui serait inéquitable, d’après Emmaüs. Le "manque de lien social" joue
aussi un rôle, aux yeux des auteurs de l’appel qui devait être lu,
dimanche. Dans un entretien accordé au Point (daté du 29 janvier), l’abbé
Pierre exprime la même idée en termes plus directs : "Aujourd’hui, la
léthargie domine. Nous vivons dans une société de petits-bourgeois. Le
plus grand nombre, majorité politique ou pas, jusqu’au Parti communiste,
est embourgeoisé. (...)"

Un commentaire abrupt, certes, mais non dénué de fondements. D’après une
enquête de l’Observatoire sociologique du changement (Le Monde du 12 mars
2002), le fait que les liens sociaux soient devenus très ténus pour une
large partie de la population contribue aux phénomènes d’exclusion. Les
solidarités familiales ont tendance à s’exercer pendant de courtes
périodes et ne contiennent plus "le processus de précarisation lorsque
celui-ci se prolonge". Du coup, des personnes touchées, depuis peu, "par
des difficultés diverses viennent frapper à la porte des services
sociaux". Ces tendances au repli sur soi se retrouvent aussi dans
"l’acceptation tacite du "sans-abrisme"" et "la méfiance généralisée
vis-à-vis des publics relevant de l’urgence", d’après le rapport de la
FAP. Le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées a même
parlé "d’une crise du vivre-ensemble" (Le Mondedu 6 décembre 2002). La
construction de HLM ou d’équipements réservés à des publics socialement
"marqués" (gens du voyage, demandeurs d’asile...) provoque souvent des
"réactions hostiles". Tout en traduisant "la tentation de gérer les
relations sociales par le cloisonnement", ces levées de bouclier
"s’exercent à l’encontre des pauvres en général".

Aux yeux d’Emmaüs, il serait donc "trop facile d’attendre et de compter
sur les autres ou sur l’Etat". Il faut que les citoyens donnent, eux
aussi, l’exemple. Un mot d’ordre qui devait également être repris,
dimanche, par quelques-unes des onze organisations associées à la
manifestation (Amnesty International, Armée du salut, ATD-Quart Monde,
Entraide protestante, Médecins du monde, Les Restaurants du cœur, Secours
catholique...). Chacune d’entre elles avait, par ailleurs, l’intention de
faire passer son propre message. Pour Solidarités nouvelles face au
chômage (SNC), celui-ci peut être résumé en quelques mots : "Il faut agir
sur l’emploi. La société française n’est pas assez mobilisée sur cette
question-là", affirme Jean-Baptiste de Foucauld, président de SNC et
ancien commissaire au plan.

"Passer à l’acte"... Le propos d’Emmaüs pourrait paraître angélique,
décalé même. Pourquoi se contenter d’un appel au bénévolat, au moment où
la politique du gouvernement préoccupe nombre d’associations - dont le
mouvement fondé par l’abbé Pierre ? Pourquoi ne pas avoir tiré parti de
ce cinquantenaire pour demander aux pouvoirs publics d’amender ou
d’abandonner certaines réformes controversées, telles que la réduction de
l’indemnisation des chômeurs ou la mise en place du revenu minimum
d’activité (RMA) ? Martin Hirsch, président d’Emmaüs-France, conçoit que
l’appel de 2004 puisse déconcerter : sa teneur est banale, en apparence,
mais "notre pari est justement de transformer une évidence en moyen
d’action".

"Le but n’est pas d’être "bêtement politicard", confie Claude Moncorgé,
président de Médecins du monde. Si cet appel ramène la précarité au cœur
du débat politique, un pas important aura été accompli." Emmaüs et la
dizaine d’organisations associées à l’événement espèrent, en effet, créer
un "électrochoc dans l’opinion publique", selon le mot de Jean-Baptiste de
Foucauld. "Si les citoyens bougent et se mobilisent", dit-il, une
dynamique vertueuse s’enclenchera, qui permettra, peut-être, "de
recomposer l’action civique et, par là même, l’action politique".

De toute façon, l’interpellation des pouvoirs publics reste à l’ordre du
jour. Le récent rapport de la FAP s’est, par exemple, largement employé à
critiquer la politique du gouvernement en matière de logement. Le ministre
chargé du dossier, Gilles de Robien, a défendu son action, mercredi 28
janvier, en présentant les chiffres de la construction pour 2003 : hausse
des mises en chantier (+ 3,9 % par rapport à 2002), augmentation du
nombre de logements sociaux financés (+ 4 %). Pour Patrick Doutreligne,
délégué général de la FAP, on est toutefois loin du compte : il faudrait,
d’après lui, produire 120.000 HLM par an pour répondre aux besoins.

Messages

  • Il y a longtemps que je dénonce l’hypocrisie qui consiste à idolatrer l’abbé Pierre tout en excluant de plus en plus de citoyens du droit au logement. Je viens de me voir proposer un HLM, après avoir été reçue comme un juif du temps d’Hitler à la mairie et avoir demandé au Maire de prendre ses responsabilités. Résultat ? J’ai du renoncer à ce logement tant attendu. Pourquoi ? Parce que le loyer est plus élevé que celui de mon logement actuel ! Au téléphone, même discours moralisateur, infantilisant, ...j’ai donc pris ma plume pour signaler cet état de fait au directeur. Je suis bien décidée à ne plus rien laisser passer...aujourd’hui, le problème c’est qu’une importante fraction de la population considère que le misérable (car on est pas pauvre quand on est sous le seuil de pauvreté !) est exactement ce qu’était le juif d’Hitler et ne se gêne même plus pour nous dire notre fait. Sans doute se sent-il légitimé par un gouvernement qui moralise lui aussi. En effet il obéit au plus grand nombre. Mais dans notre démocratie le plus grand nombre ne représente guère plus de 30%...C’est bien cet état d’esprit ambiant qui est source d’exclusion. Difficile de rester droit dans ses bottes quand du jour au lendemain vous vous retrouvez confrontés à ça. Quand j’ai quitté Amiens, à la veille des élections, dans l’immeuble (odieux) HLM que j’habitais fleurissaient des inscriptions : cas sociaux = déchets humains....c’est vrai que cela vous ferme la bouche tout comme les juifs traités comme non humains préfèraient se taire au lendemain de l’holocauste. Nous en sommes là. Il paraît que les misérables ont entre 10 à 15 années d’espérance de vie en moins....y a-t-il du progrès ? Pour ma part j’ai une fille qui galère à Paris.Elle travaille mais reste SDF. Elle ne vit pas à la rue, elle coloue, sous-loue, avec ou sans bai, paie 50% de son revenu pour se loger, doit déménager sans cesse et payer en plus un garde meubles pour ses 2/3 affaires dont elle n’arrive pas à vouloir se débarasser. Ici elle loue une chambre dans un appartement bourgeois mais doit faire ses bagages l’été parce que l’appartement est loué à pris d’or à des étrangers. Là, elle loue le temps d’une absence du propriétaire, d’un voyage à l’étranger, ici encore ce sont des gens qui loue à l’année un appart. pour une étudiante et qui sous-loue le temps d’un stage de la dite étudiante à l’étranger...bien sûr tout cela ne lui permet pas d’obtenir une aide au logement et c’est déprimant. Ce qui est grave dans ce pays ? C’est le prix des locations quand on en trouve. Un gouvernement peut choisir de limiter les appétits des bailleurs, mais au contraire depuis 15 ans on a choisi de favoriser les investisseurs privés. 10% de rendement c’est leur crédo !
    S’il y a un point sur lequel on peut insister c’est bien sur celui-ci. De quel droit les gouvernants choisissent de favoriser un tel rendement sur ce point si sensible ?D’autres ont perçu des subventions insensées pour rénover et créer du logement bon marché ...bon marché ? ils appliquent les prix que l’état a dit ne pas dépasser, mais ça veut dire quoi bon marché quand on vit sous le seuil de pauvreté ? quand l’APL est plafonné ? quand il faut bien chauffer ? quand le coût du logement, quand on est isolé sans enfant représente une part du budget qu’aucun riche de ce pays n’accepterait de payer ?Que dire d’un CES et futur RMA, qui a un travail précaire qui le laisse sous le seuil de pauvreté, voit son APL réduit en juillet suivant, alors même qu’il sait bien qu’à la fin de son contrat il sera chômeur, rmiste, rma. Que dire du forfait logement payé par les plus pauvres au prétexte qu’ils perçoivent une aide au logement ou sont hébergés ? C’est tout simplement anticonstitutionnel (j’ai écrit au Sénat) après avoir posé la question pendant des années sans jamais obtenir de réponse . Que dire encore de ce même CES qui en même temps qu’il voit son APL réduire, perd le droit à CMU ? Son revenu ne dépasse pas le seuil, alors on ajoute un forfait logement afin qu’il soit exclu de la CMU. Le logement, le forfait logement, les aides au logement qui n’augmentent pas au rythme de l’augmentation du coût du logement, c’est un véritable scandale . On a vu l’état engraisser des hôteliers y compris des Novotel en leur versant l’aide sociale pour que des gens ne dorment pas à la rue. Ca n’a aucun sens....et puis s’il faut moraliser sans doute faudrait-il assainir le marché du bâtiment, on a coutume de dire que l’on paie toute construction le double de son prix et c’est vrai, même si certaines pratiques ont cessé, d’autre se sont installées. Il y a à faire mais avant tout il faut que cesse ce climat quasi haineus, discriminatoire, que nos chers bien pensants osent proférer. Ce sont eux les vrais décideurs dans ce pays. Merci

    • J’ai lu un texte sympa. Une synthèse pour discuter d’un éventuel minimum social.
      C’est interessant de voir ses revenus disséquer à coups de formule mathématiques.
      Le but c’est d’arriver à créer le plus gros écart entre le smic et le rmi, de manière à ne pas décourager les travailleurs smicards. Notez que 80% des smicards étant des smicardes on devrait appliquer le féminin.
      Il est question de prélèvements sur le rmi, d’impôts en quelque sorte. On peut voir à quel point ils sont cyniques quand ils disent : oui, mais là on ne peut aller plus loin, le prélèvement est déjà de 100%
      Tiens ! prends les allocations familiales, Marie-Chantal les perçoit en plus de son revenu pour l’épargner pour son chéri et le rmiste lui n’y a pas droit, puisqu’elle font partie du revenu maximum qu’il est autorisé à percevoir. Moi je dis que cette façon de voir les choses ne saurait être constitutionnelle.
      Pour le forfait logement c’est du grand guignol, tu es taxé à travers une taxe qui n’est pas taxable.
      N’empêche que les misérables vivent déjà 10 à 15 ans de moins que marie-chantiel et pierre henri marie jean-charles.
      C’est ce qu’on appelle l’euthanasie partielle. Faut dire que le partiel à le vent en poupe.
      Avec le refus d’augmenter les AL, va falloir rajouter un cran à sa ceinture. Moi je dis qu’il faut surtout pas aller manger à la gamelle qu’ils nous tendent pour acheter la paix sociale. Ca vous ramollit le bulbe de n’importe qui de bouffer cette soupe indigeste. Au contraire, il faut cesser d’alimenter ce circuit qui ne sert qu’à priver encore plus les bénéficiaires des minima sociaux . Ben oui ! tout le monde, tout ce gentil monde qui s’occupen si bien de ces gens là, ça touche des subventons et qui c’est qui paie tout ça ? Toi gros nul de Rmiste ! Parce que nos chers élus ils perçoivent le montant du rmi maximal par t^te de pipe et que la pauvre pipe en question, elle, elle perçoit pas grand chose. La différence ? celle qui va dans les poches des autres ? Le montant du rmi que tu ne perçois pas ! C’est à dire, le forfait logement, les allocations familiales, apje, j’en passe et des meilleures.