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Marie-George Buffet réclame : "l’inviolabilité de la vie humaine"

Publie le lundi 19 février 2007 par Open-Publishing
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Déclaration de Marie-George Buffet au congrès de Versailles sur l’abolition de la peine de mort :

"Il nous revient aujourd’hui de donner un nouveau signe au monde comme d’autres l’ont fait, contre la « barbarie » que dénonçait déjà en son temps Victor Hugo. Ainsi déclarait-il en 1848, devant l’Assemblée constituante : « Vous venez de consacrer l’inviolabilité du domicile, nous vous demandons de consacrer une inviolabilité plus haute et plus sainte encore, l’inviolabilité de la vie humaine ».

Au moment de prendre la parole, j’ai en mémoire les insoutenables images de ces condamnés à mort exécutés par leurs bourreaux qui ont circulé il y a peu, au moment de la mort par pendaison de Saddam Hussein. Il n’existe aucune bonne raison de tuer et un État qui se comporte comme ceux qu’il prétend juger se fragilise.

Il y a quelques jours, Paris a accueilli le troisième Congrès mondial contre la peine de mort où se sont retrouvés mille représentants des abolitionnistes du monde. J’étais avec eux place de la Bastille et, au moment où nous allons accomplir un acte d’une haute valeur symbolique et politique, je tiens à les saluer.

En inscrivant l’interdiction de la peine de mort dans la Constitution, nous allons confirmer le vote du 9 octobre 1981. Certains, peu nombreux mais à haute voix, souhaitent pourtant son rétablissement, et je regrette qu’en janvier encore, plusieurs parlementaires aient cru légitime de demander qu’elle soit appliquée aux auteurs d’actes terroristes.

Le combat abolitionniste est, on le sait, héritier des Lumières. Voltaire s’y est rallié en 1777, et les grandes voix qui le portèrent ensuite - Hugo, Briand, Jaurès, Camus - nous honorent. Près d’une centaine de propositions de loi tendant à l’abolition furent déposées au Parlement entre 1791 et 1981. En 1981, la gauche a été courageuse, et je remercie Robert Badinter pour le combat qu’il mena pour que la justice, en France, ne soit plus une justice qui tue. Vingt-cinq ans plus tard, une majorité de nos concitoyens considère que ce choix est irrévocable. Depuis 1981, plusieurs pays ont aboli la peine capitale en droit ou en fait, mais ils sont soixante-dix-huit qui continuent d’exécuter.

Le chantier reste immense. Amnesty international estime à 2 148 le nombre de personnes exécutées en 2005, et à 20 000 celui des condamnés qui attendent de l’être. La Chine, les États-Unis, l’Iran et l’Arabie Saoudite sont à eux seuls responsables de 80 % des exécutions.

Le combat abolitionniste est donc toujours d’actualité, et le vote du Congrès y participe.

Dans tous les pays où la peine de mort existe encore, nous devons être solidaires des voix, aussi timides soient-elles, qui la combattent.

Nous savons aussi, hélas, que dans les périodes troublées, la tentation affleure de substituer la vengeance à la justice et de légaliser le crime d’État pour punir le crime. L’horreur du 11 septembre 2001 a produit des lois liberticides ainsi que l’inconcevable camp de Guantanamo.

Et puis, trop souvent, la peine de mort s’associe à la raison d’État, cette raison qui, selon le mot de Voltaire, consiste à « donner à l’État la licence d’agir sans raison ». C’est sans doute ce qui se passe pour le journaliste noir Mumia Abu Jamal, condamné à la peine capitale en 1982, aux États-Unis, à l’issue d’un procès truqué. Je l’ai rencontré en avril, à la prison de Waynes-Burg. Je n’oublierai jamais ce terrible univers carcéral ni le message de cet homme, symbole des victimes d’une machine judiciaire qui est le miroir grossissant des discriminations sociales et ethniques de la société dénoncées par Bianca Jagger, admirable abolitionniste américaine. Aux États-Unis, 3 000 condamnés attendent leur exécution. Pourtant, la peine de mort n’est-elle pas incompatible avec la démocratie et le respect des droits de l’homme ?

Toutes les grandes nations qui la pratiquent - la Chine, les États-Unis, l’Inde, le Japon en particulier - ont des comptes à rendre à la communauté internationale. Partout doit être banni ce châtiment barbare. Notre vote engagera les plus hautes autorités de l’État à mener clairement ce combat pour l’abolition, quels que soient leurs interlocuteurs.

Dans son livre Des délits et des peines, Cesare Beccaria s’interrogeait en 1764 : « En vertu de quel droit les hommes peuvent-ils se permettre de tuer leurs semblables ? », ajoutant : « Ce droit n’est certainement pas celui sur lequel reposent la souveraineté et les lois. » Et il concluait par ces mots : « Si je prouve que cette peine n’est ni utile ni nécessaire, j’aurai fait triompher la cause de l’humanité. »

Aujourd’hui, l’adoption du présent projet renforcera la proposition du gouvernement italien d’un moratoire universel dans les États membres des Nations unies. C’est avec cet espoir que les député-e-s communistes et républicains voteront le texte, confiants que l’abolition universelle adviendra un jour.

Je conclurai par un vœu : qu’en 2008, aux Jeux olympiques de Pékin, le moratoire universel soit devenu une réalité."

Marie-George Buffet,

Candidate de la gauche populaire et antilibérale

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