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Le Sionisme et l’antisémitisme (3/3)

Publie le mercredi 21 février 2007 par Open-Publishing
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Le Sionisme et l’antisémitisme (1)

Le Sionisme et l’antisémitisme (2)

L’antisémitisme, une question encore d’actualité ?

Je pose la question sous cette forme parce que, entre réalité et instrumentalisation, on assiste à de nombreuses dérives. D’abord l’antisémitisme est-il un racisme comme un autre ? Y a-t-il « unicité » du génocide Nazi ? Tous les racismes ne mènent pas à l’extermination programmée. En ce sens, l’antisémitisme a été particulier d’autant que, dans les deux pays où les Juifs avaient été le plus loin dans la fusion avec la société dans laquelle ils vivaient au point d’en adopter la langue (L’Espagne et l’Allemagne), l’issue a été tragique. Le génocide Nazi est la conséquence d’une espèce de consensus apparu en Europe faisant des Juifs la cause de tous les maux. Le traumatisme lié au génocide ne peut et ne doit en aucun cas être minimisé. Fils d’un père déporté et d’une mère seule rescapée de sa famille, j’en sais quelque chose.
Quand on a dit cela, il faut faire très attention à ne pas tomber dans la victimologie excluant la souffrance des autres. L’antisémitisme racial a frappé un peuple de parias. Les Juifs ne sont plus de parias. Ceux qui prétendent parler en leur nom voudraient les ranger du côté du « monde libre » face à « l’empire du mal » dans le cadre du « choc des civilisations ».
En France, le racisme frappe de façon très majoritaire les Arabes, les Noirs et les Roms.
L’antisémitisme qui subsiste est peu de choses par rapport à ce racisme social aux relents coloniaux. Et il est particulièrement scandaleux de voir que les seules instances communautaires ou religieuses françaises qui approuvent de fait la chasse aux Sans Papiers soient celles des Juifs avec en sus le rôle désastreux d’Arno Klarsfeld.

Célébrer la mémoire d’un génocide ne peut avoir qu’un seul but : « plus jamais cela ». Cela n’a pas empêché les génocides de la fin du XXe siècle (Cambodge, Bosnie, Rwanda). La célébration du 60e anniversaire de la libération d’Auschwitz avait quelque chose d’obscène. Après avoir eu droit pendant des années à des tentatives de récupération staliniennes ou cléricales d’Auschwitz, on a eu droit cette fois à Sharon expliquant qu’Auschwitz justifiait le droit d’Israël à se défendre.

L’antisémitisme européen est essentiellement lié à l’extrême droite. Parmi ses avatars, il y a le révisionnisme et le négationnisme. Des courants très marginaux ont entrepris dès 1945 la réhabilitation du IIIe Reich. Mais depuis quelques années, un important « antiisraélisme » (pour reprendre le terme d’Edgar Morin) s’est développé de façon parfaitement légitime. Il était tentant pour les négationnistes et les antisémites de s’engouffrer dans la brèche. .
Alors qu’à l’Ujfp, nous martelons qu’il ne faut pas confondre juif, sioniste et israélien, les antisémites disent exactement le contraire : ce sont les tares du judaïsme qui expliquent les crimes actuels. Alors que nous répétons que le souvenir du génocide Nazi est universel et ne peut en aucun cas justifier la destruction de la Palestine, les négationnistes nient le génocide.
Ces élucubrations ne sont pas seulement immorales ou criminelles. Elles desservent totalement la cause qu’elles prétendent défendre. Elles s’intègrent dans le « choc des civilisations » cher à l’impérialisme. Elles provoquent un réflexe de peur chez les Juifs qui renforce le sionisme.
Qui sont ces antisémites infiltrés dans le mouvement pour la Palestine ? Il y a un Israélien d’origine soviétique, Israël Shamir, converti au christianisme qui reprend les stéréotypes de l’antijudaïsme chrétien (les crimes rituels, le protocole des sages de Sion …) qui prend la défense aujourd’hui de l’extrême droite (le NPD allemand, le site chilien accion chilena) et des révisionnistes. En France, il y a des associations (La Pierre et l’Olivier), des sites (Tlaxcala, Aredam, Egade, Aargh) et des journaux informatiques (La guerre du golfe et des banlieues) ouvertement révisionnistes. Dans la poignée d’individu(e)s de cette mouvance, on retrouve des gens venus de l’ultra-gauche (derrière la Vieille Taupe), des exclu(e)s des Verts, des compagnons de Garaudy mais aussi des militants d’extrême droite avec qui la jonction s’est faite. Pour tous ces groupes, tout se vaut et les crimes Nazis, s’ils ont eu lieu, sont moins graves que ceux du sionisme.
Est-ce important ? Oui, quelque part. L’épisode Dieudonné fréquentant un temps la liste d’Europalestine tout en affirmant que la Traite des Noirs a été financée par des banquiers juifs et finissant chez Le Pen devrait nous alerter. Ces gens-là discréditent notre combat et il faut les dénoncer et les isoler. Si seuls, les militants juifs se sentent concernés, alors nous aurons tous perdus.

Ces choses dites, nous devons en permanence dénoncer l’instrumentalisation de l’antisémitisme par les sionistes. Leur dénier le moindre droit de propriété sur un combat antiraciste qu’ils dévoient en permanence à des fins partisanes. Dire que c’est la politique actuelle israélienne qui met les Juifs en danger. Et fondamentalement, face à tous ceux qui mélangent critique d’Israël ou antisionisme avec antisémitisme, ne pas se laisser intimider.

Pierre Stambul
Président de l’UJFP


source sur le site de l’Union Juive Française pour la Paix

Messages

  • Bourdieu antisémite ?

    Mardi 13 Février 2007 - 9H17

    On savait que les tenants de la pensée dominante en ont après le sociologue Pierre Bourdieu, décédé en 2002, pour ses écrits mettant en lumière les mécanismes sociaux de l’exclusion, et pour son engagement politique, notamment marqué par son soutien actif aux grèves de 1995 contre le plan Juppé. En 2004, il avait ainsi été rayé des programmes de Sciences Sociales au collège par la Commission de programmes dirigée par Luc Ferry, philosophe conservateur.

    Mais cette fois-ci, les choses vont trop loin. En effet, il y a dix jours dans l’émission Répliques présentée par Alain Finkielkraut sur France Culture, le linguiste Jean-Claude Milner a affirmé que l’ouvrage de Bourdieu « Les Héritiers » est « antisémite » ! Rappelons que ce livre montrait les mécanismes de reproduction sociale en milieu scolaire et universitaire, sans aucune allusion à une communauté en particulier.

    Il ne s’agit pas ici de défendre bec et ongle l’héritage bourdieusien. Au contraire, celui-ci mérite selon moi d’être critiqué, comme tout raisonnement scientifique. Toutefois, parler en ces termes d’un ouvrage reconnu dans le monde entier (Bourdieu est l’un des auteurs les plus lus au monde en matière de sociologie, notamment dans les facs anglo-saxonnes) est à la fois grave et dangereux.

    Ainsi, en plus d’être archi-fausse et irrespectueuse à l’égard du travail de Bourdieu, cette affirmation est un nouvel amalgame entre la gauche et l’antisémitisme, et amène à banaliser celui-ci ! De tels propos ne peuvent qu’être condamnés si l’on veut lutter efficacement contre ces fléaux que sont l’antisémitisme et le racisme en général.

    Je crois que l’on est en droit d’attendre plus de fond de la part des intellectuels de ce pays, surtout en cette période électorale.

    Pour retrouver l’extrait sonore de l’émission

    http://blog.francoisasensi.com/index.php?entryid=15

    Le cas Bourdieu montre a tous que les opposants au sionisme peuvent tous un jour ou l’autre subir cette diffamation ?