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Interview de Marie-George BUFFET au magazine "Energie plus" (video)

Publie le mardi 27 février 2007 par Open-Publishing
2 commentaires

Maîtrise publique, débat public, ouverture des marchés, politique européenne, environnement...Marie-George BUFFET répond aux questions du magazine "énergie plus"...

MAITRISE DE L’ÉNERGIE

Le réchauffement climatique nous menace, et nous sortons peu à peu de l’ère du pétrole “bon marché”, avec toutes les conséquences techniques et sociales que cela suppose. La maîtrise de l’énergie sera-t-elle au premier rang de vos actions, si vous êtes élue ? Comment mobiliser les Français individuellement et au sein du tissu économique, notamment dans les PME ? Le dispositif des certificats d’économies d’énergie est-il, selon vous, pérenne ?

MGB : L’environnement est au centre de mes préoccupations. Pour moi, cette question est directement liée à la critique de la logique même du système capitaliste qui place le profit au centre du développement. Le choix ne peut être entre une croissance productiviste générée par ce système, qui participe de la dégradation de notre environnement, et la « décroissance » défendue par certains. Nous avons plutôt à inventer autre chose, un nouveau type de développement conjuguant progrès économique et social et protection de notre planète.

La maîtrise de la demande énergétique et l’amélioration de l’intensité énergétique seraient deux des dimensions principales de cette nouvelle conception du développement. La raréfaction des ressources fossiles mais plus encore les enjeux relatifs au réchauffement de la planète imposent de déclarer la guerre aux gaspillages. Le rationnement par les prix et l’instauration de nouveaux marchés (marché des quotas de carbone et des certificats d’économie énergie) marquent le sens des propositions avancées par la droite. Je ne partage pas cette vision des choses car ce sont encore les familles les plus démunis qui vont payer la facture et les plus aisés qui vont s’enrichir ! Il faut oser mettre en œuvre des mesures en rupture avec les choix réalisés par les gouvernements précédents, qui placent au centre la satisfaction réelle des besoins des êtres humains.

On pourrait ainsi obliger les entreprises, publiques et privées, à consacrer beaucoup plus de moyens pour la recherche afin d’ouvrir rapidement des alternatives au pétrole et au gaz est essentiel. L’association de consommateur UFC-Que choisir propose de taxer les supers profits des multinationales pétrolières pour dégager des ressources supplémentaires. Voilà une proposition de nature à avancer dans le bon sens ! Mobiliser les profits des grosses entreprises du secteur de l’énergie pour, par exemple, isoler et réhabiliter les « logements passoires » existant dans les quartiers populaires permettrait de redonner du pouvoir d’achat aux locataires, de réduire la consommation d’énergie et donc de limiter les émissions de GES. Réduire le trajet domicile/travail par la mise en œuvre d’une politique du logement permettant aux salariés de louer ou d’accéder à la propriété à des prix accessibles serait, me semble-t-il, de nature à faire de substantielles économies d’énergie. Oui, l’urbanisme doit être structurellement conçu pour diminuer la dépendance à l’automobile.

Combattre les stratégies de flux tendu dans les entreprises en incitant, y compris fiscalement, la réintroduction de stocks afin de limiter le transport routier et favoriser l’usage du fret ferroviaire permettrait d’améliorer les conditions de travail des salariés en levant les contraintes sur les organisations du travail et limiterait les émissions de GES.

DEBAT PUBLIC

Certaines associations estiment que le débat public a été tronqué sur l’implantation du nouveau réacteur nucléaire EPR de Flamanville. D’autres associations font tout pour empêcher l’installation d’éoliennes. Veillerez-vous à une meilleure implication des citoyens dans les choix énergétiques français ?

MGB : Pour répondre aux défis posés, toutes les sources d’énergie doivent être mobilisées dans un esprit de complémentarité et de coopération industrielle et non de concurrence exacerbée comme le souhaite la droite. 20% de renouvelable dans le bilan énergétique de la France ne me semble pas hors de portée. La place de l’énergie nucléaire dans cette diversification énergétique fait débat. Les choix de politique énergétique française en faveur du nucléaire civil ont placé la France dans une situation favorable par rapport aux autres pays européens à la fois en matière d’émission de gaz à effet de serre, de coût de l’énergie, d’indépendance énergétique et d’emplois industriels. En même temps, des problèmes demeurent concernant la prolifération nucléaire dans le monde, la sécurité des installations et la confiance des populations dans la gestion du stockage des déchets. Je suis convaincue de la nécessité de développer l’effort de recherche en la matière, tant pour la quatrième génération de réacteurs, la réalisation et l’exploitation d’ITER, que pour la sécurisation du nucléaire et de ses déchets.

Le débat public organisé par la droite sur EPR n’a pas été à la hauteur des enjeux soulevés. Dans la conception que je défends, qui place la démocratie au centre des choix politiques, je pense nécessaire de mettre les termes du débat sur l’énergie entre les mains des citoyens pour qu’ils se prononcent par référendum. Cela nécessiterait des moyens d’information, d’intervention réellement démocratique. Et aussi de ne pas dissocier les choix en matière de filière industrielle des moyens politiques à mettre en œuvre pour assurer une réelle maîtrise publique du secteur de l’énergie. Les projets en cours de réalisation, tel EPR, seraient poursuivis, le temps du débat.

OUVERTURE DES MARCHÉS

Le 1er juillet 2007, les marchés du gaz et de l’électricité seront ouverts aux particuliers. Les consommateurs souhaitent conserver des tarifs peu élevés dans le cadre de la libéralisation des marchés énergétiques. Mais les spécialistes disent que les prix doivent refléter le coût marginal de long terme pour permettre les investissements nécessaires dans le futur. Comment pensez-vous concilier pouvoir d’achat et hausse des prix de l’énergie ? Seriez-vous prête à faire “machine arrière” si l’ouverture du 1er juillet 2007 s’avérait être la porte ouverte à l’énergie chère ?

MGB : L’ouverture totale des marchés au 1 juillet 2007 est une très mauvaise nouvelle pour les Françaises et les Français. La facture va être salée ! Le bilan est tellement mauvais que le gouvernement a décidé de renier ses propres engagements en faisant l’impasse sur l’évaluation qu’il avait pourtant promise. Il faut savoir que, dans tous les pays où ce secteur a été ouvert à la concurrence, les effets sont dramatiques. Au moment ou beaucoup de pays décident de faire machine arrière, nous faisons le choix d’aller dans le mur. C’est lamentable.

Les raisons de ce fiasco sont connues. Le marché est myope alors qu’au sein de ce secteur, nous avons besoin de voir loin, très loin. L’énergie, parce qu’elle est un bien public, doit être extraite de la sphère marchande. Faut-il attendre de nouveaux black-out pour enfin prendre conscience de cette réalité ? Dans ce domaine, les usagers veulent plus de sécurité, en termes de prix et de qualité du service public. Le bilan des sept années d’ouverture est tellement déplorable que tous les clients éligibles qui ont décidé de plonger dans le grand bain du marché libre le regrettent profondément. Ils viennent d’obtenir un certain nombre de mesures, consortium pour les gros industriels et tarifs d’ajustement de retour pour les PME, leur permettant d’adoucir les effets nocifs du marché libre. Bel aveu d’échec, non ?

Pour moi, le maintien des tarifs administrés et l’ouverture totale des marchés est le mariage de l’eau et du feu. Les partisans de la libéralisation ne s’y trompent pas. Ils travaillent à l’alignement des tarifs sur les prix toujours plus élevés. Je pense pour ma part qu’il faut à la fois rompre avec les privatisations engagées par la droite et empêcher la renaissance d’une politique de renoncement se limitant à accompagner socialement le processus de libéralisation.

Je m’engage en ce sens à prendre une grande initiative politique, dès le mois de mai, pour arracher un moratoire et un bilan de la libéralisation du secteur énergétique en Europe. Les tarifs réglementés seraient pérennisés et leur fixation contrôlée démocratiquement. Pour mieux extraire l’énergie de la sphère marchande, la France proposera à ses partenaires de l’Union européenne de rouvrir le débat sur la directive cadre des services publics. La proposition d’une Agence européenne de l’énergie permettant de renforcer les coopérations sera défendue auprès des 27 pays de l’UE. Elle permettra de créer les meilleures conditions pour aboutir à une politique énergétique commune à toute l’Europe et donc repousser le projet actuel de troisième directive visant l’éclatement du modèle d’entreprise intégrée.

POLITIQUE EUROPÉENNE

Les objectifs européens sur les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique sont ambitieux. Comment comptez-vous atteindre ces objectifs en France ? La sécurité d’approvisionnement est également un enjeu européen majeur. Quel rôle la France tiendra-t-elle, selon vous, dans la définition d’une politique énergétique européenne, notamment face à la Russie ?

MGB : Oui, ces objectifs sont ambitieux mais pas irréalistes. Pour les atteindre il faut sortir l’énergie des griffes du marché et débrancher les grandes entreprises comme EDF et Gaz de France de la Bourse et des fonds de pensions anglo-saxons. Il faut redonner à la puissance publique les moyens politiques de définir les grandes orientations de la France dans ce domaine. Si l’énergie est à l’économie ce que le sang est la vie, alors nous devons nous engager dans ce combat pour que ce secteur ne soit pas livré aux intérêts de la finance.

La sécurité d’approvisionnement en gaz de notre pays est une question hautement politique. Elle a été assurée par le respect des équilibres contenus dans les contrats long terme scellés avec les pays producteurs. En donnant la possibilité aux actionnaires privés de mettre la main sur la gestion de ces contrats, nous nous exposons à de graves déconvenues. Les réserves gazières alimentant la France sont sous la responsabilité d’entreprises d’Etats comme Gazprom (Russie) et la Sonatra (Algérie). Déclarer la guerre aux contrats à long terme, c’est se tirer une balle dans le pied. La réaction des pays producteurs risque de nous placer en situation difficile pour l’avenir. Déjà, ces entreprises ont annoncé leur volonté de prendre des parts de marché dans la distribution du gaz au sein des pays consommateurs. Et, derrière elles, il y a la puissance publique de ces pays et peut être demain un OPEP gazier.

Au lieu d’opter pour cette fuite en avant, l’Europe aurait plutôt intérêt à se doter d’une « centrale d’achat d’énergie » lui permettant de parler d’une seule voie face aux pays producteurs et de renouer avec les accords mutuellement avantageux. A la concurrence et la dictature des actionnaires, je veux faire primer la coopération, la démocratie et le renforcement de la maîtrise publique. Je crois que, sur ces bases, la France ne serait pas isolée. Elle pourrait au contraire contribuer à ouvrir une voix de progrès pour construire l’Europe de l’énergie.

ENVIRONNEMENT

Les négociations sur la suite du protocole de Kyoto, après 2012, s’annoncent difficiles, les États-Unis faisant toujours bande à part. Quel poids la France peut-elle avoir dans ces négociations ? Soutiendrez-vous un renforcement des réductions d’émissions de gaz à effet de serre – qui pèsent sur les industriels – pour lutter contre le réchauffement climatique ?

MGB : Les États-Unis n’ont pas signé le protocole de Kyoto. Cela dit, l’argent mobilisé pour faire émerger des solutions alternatives au pétrole et au gaz y est substantiellement plus important qu’en Europe. Les États-Unis veulent, au travers de cette politique, disposer d’une avance technologique leur permettant, le moment venu, d’imposer leur hégémonie au reste du monde. Pour ma part, je pense qu’il faut et à la fois faire des efforts pour limiter au maximum les émissions de GES mais également dégager beaucoup plus de moyens afin d’avancer dans les techniques de captage et de séquestration du CO2, de l’essor de la pile à combustible, des ENR, du nucléaire de quatrième génération et d’ITER. Je soutiendrai le renforcement des objectifs de réductions des émissions de GES lors de la future négociation, mais je reste pour le moins dubitative sur l’efficacité d’un système pérennisant l’existence d’un marché de quotas de carbone permettant aux industriels d’acheter et de vendre des droits à polluer. Je suis pour ma part partisane d’une grande réforme de la fiscalité dans le domaine énergétique favorisant les comportements vertueux et infligeant des sanctions graduelles aux entreprises qui, en dépit des enjeux, ne font pas d’efforts pour limiter leurs émissions. Pour conclure, je m’attacherais à favoriser gratuitement le transfert des technologies en faveur des PVD afin de les aider à s’engager dans la voix d’une croissance conjuguant réponse aux besoins, réduction des inégalités et protection de la planète. Il serait indécent d’imposer à ces pays des contraintes paralysant leur développement. Seule une politique de coopération peut être de nature à relever les défis.

Sources :

http://energie.gauchepopulaire.fr/i...

http://unautremonde.gauchepopulaire.fr/index.php/

Messages

  • c’est quand même autre chose que la soupe à bové ... non ?? vous trouvez pas que tout de suite y a comme un peu de contenu... ça ressemble même à un vrai projet de société. Pauvre bové y fait pitié ... réduit à aller piquer les signatures des camarades de la LCR pour se faire mousser...

    • Ben... oui, ça c’est sur que il y a une différence entre MGB et Bové. Lui, Bové, il se prononce contre le nucléaire. MGB, apparemment, n’a pas encore réussi à couper le cordon ombilical avec les "pro-nucléaires". Et tu trouves que cette différence est à l’avantage de MGB ? Pas moi. Chacun ses choix.
      D’ailleurs sur beaucoup de sujets écologiques cruciaux, je trouve que MGB et le PCF ne sont pas dans leurs propositions à la hauteur des urgences. Sincèrement, je le regrette.

      Max.