Accueil > Des Kabyles de France s’expriment sur l’islam !

Des Kabyles de France s’expriment sur l’islam !

Publie le dimanche 15 février 2004 par Open-Publishing
1 commentaire

DECLARATION

A la faveur du débat actuel sur la place des religions en France et à la
veille du débat parlementaire sur la proposition de loi sur la laïcité,
nous, Kabyles de France, voulons dénoncer les amalgames que la classe
politique et la société civile entretiennent à notre égard. Après nous
avoir toujours qualifiés d’Arabes, nous voilà aujourd’hui délibérément
assimilés à une communauté religieuse, les "Musulmans de France". Il est à
noter à ce propos que le discours officiel qui fustige le communautarisme,
allant jusqu’à rendre difficile le recensement des populations issues de
l’immigration, a, par ailleurs, encouragé et aidé à la constitution
officielle d’une communauté religieuse.

Nous, Kabyles de France, citoyens français et résidents, refusons fermement
d’êtres identifiés par une quelconque confession et également d’être
comptabilisés dans ce qu’on appelle actuellement les "Musulmans de France".
Nous sommes et voulons rester libres de nos pensées et convictions
confessionnelles ou autres.

Nous protestons contre le fait de présenter, pour des besoins de politique
interne et dans un climat social particulièrement tendu pourvoyeur de
dérapages violents, des personnalités issues de l’immigration kabyle tels
que monsieur Aissa Dermouche ou Zidane (choisi récemment comme la
personnalité préférée des Français) comme des Musulmans ou des Arabes,
alors qu’à notre connaissance, ces personnes ne se sont jamais présentées
en tant que tels mais en tant que citoyens français d’origine kabyle.

Relevant de la sphère privée, nos pratiques religieuses, que nous soyons
musulmans, chrétiens ou autres, n’ont jamais créé de conflit religieux dans
la société française alors que notre immigration est la plus ancienne (plus
d’un siècle) et l’une des plus importantes de France (environ 2 millions de
personnes).

S’il y a nécessité à nous identifier socialement, c’est par notre culture
d’origine à laquelle nous restons très attachés. Nous nous efforçons de la
transmettre à nos enfants pour les aider à trouver un équilibre identitaire
structurant entre leur origine et leur appartenance à la culture française.
Ainsi, ils sont préservés de la tentation des identifications radicales et
des fondamentalismes qui font des victimes chez les enfants acculturés et
en situation de mal être. Cette immigration kabyle, avec une première
génération composée d’ouvriers laborieux et dignes, a contribué à la
construction et à la diversité culturelle de la France d’aujourd’hui. En
témoignent ces nombreux français d’origine kabyle, anonymes et moins
anonymes comme ceux qui, par l’excellence de leur art, ont su donner des
moments de gloire à la France.

Mais, pour autant, la politique française n’est pas particulièrement
favorable aux Kabyles de France et d’ailleurs. Celle-ci ne nous a pas
épargnés dans le passé et persiste à nous marginaliser encore aujourd’hui
quand elle ne participe pas du déni de l’existence de notre entité.

Nous subissons une double discrimination. D’une part, en tant que
population migrante ou issue de l’immigration et d’autre part, en tant que
Kabyles dans cet ensemble. Généralement considérés facilement
"intégrables", on s’intéresse d’autant peu à nos problèmes spécifiques.
Nous n’avons pas bénéficié de l’aide publique à l’instruction de notre
langue et de notre culture d’origine ni à la création d’espaces sociaux ou
culturels. De surcroît, la langue arabe est régulièrement proposée dans les
établissements scolaires publics à nos enfants comme langue d’origine. Les
accords entre la France et l’Algérie participent ainsi au prolongement de
la politique algérienne du déni identitaire des Kabyles.

Malgré de multiples demandes, nous n’avons toujours pas notre radio sur les
cinq destinées aux populations issues de l’immigration nord-africaine,
lesquelles pour certaines, sont devenues de puissants relais du
fondamentalisme religieux.

Il en va de même pour la politique étrangère de la France dont on sait le
pouvoir d’influence sur la politique interne de l’Algérie. Les hommes
politiques français de gauche et de droite, ainsi que le président Chirac
lors de sa dernière visite en Algérie, n’ont pas marqué leur soutien aux
mouvements de la société civile algérienne qui luttent pour une société
laïque et démocratique comme le Mouvement citoyen de Kabylie né du
Printemps noir 2001 ou le Mouvement des femmes. Ceux-ci militent dans des
conditions très difficiles et dans l’isolement total pour arracher des
libertés fondamentales, entre autres celle de pensée, de conscience et de
culte.

Ce soutien de la France au régime dictatorial algérien a aussi pour
conséquence la fuite de milliers de jeunes migrants Kabyles qui se trouvent
dramatiquement coincés entre deux Etats ne voulant pas d’eux.

La situation conflictuelle actuelle et la menace sur les fondements et les
valeurs de la République est le résultat de cette politique intérieure et
extérieure, laquelle a favorisé indirectement l’islam radical, malgré les
signaux d’alarme émis depuis au moins une dizaine d’années par nos acteurs
sociaux.

Une loi sur la laïcité suffira-t-elle à éloigner le danger ? Pourra-t-elle
empêcher la progression des thèses obscurantistes qui trouvent un terreau
favorable dans la condition sociale faite aux populations migrantes ?

Nos responsables politiques doivent remettre en question leurs certitudes
sur la problématique de l’immigration, prendre en compte les problèmes
cruciaux matériels et moraux des populations migrantes, reconnaître leurs
erreurs de gestion politique et économique et enfin trouver, loin de toute
hypocrisie, le courage de parler vrai et surtout écouter vrai.

Nous espérons que le débat de société actuel conduira aux clarifications
nécessaires pour une réelle prise de conscience des enjeux de notre
société.

Pour notre part, nous, Kabyles de France, riches de notre mémoire et de
notre double héritage, sommes déterminés à sortir de la traditionnelle
discrétion de nos aînés pour nous impliquer dans tous les débats qui
concernent la société française et ne plus laisser une entité aussi
respectable soit-elle parler en notre nom.

Source : Tamazgha, nation Amazighe

http://www.tamazgha.fr/article.php3?id_article=474

Messages

  • Merci aux kabyles de France - Il faut dire que nous ne sommes pas arrivés hier, comme beaucoup le pensent mais que nous sommes en FRANCE depuis longtemps déjà : début des années 1900.
    Non à l’assimilation avec les Arabo-musulmans - Il y’a dans notre communauté de nombreux
    chrétiens et il est temps de faire entendre nos voix.

    MERCI