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Politique de l’eau : la Commission engage des poursuites à l’encontre de huit États membres

Publie le mercredi 18 février 2004 par Open-Publishing

La Commission européenne engage des poursuites judiciaires à l’encontre de la Grèce, de la France, des Pays-Bas, de la Belgique, du Portugal, de l’Espagne, de l’Allemagne et de l’Irlande pour non respect de la législation communautaire sur la qualité de l’eau.

La Commission a adressé un dernier avertissement écrit à la Grèce et aux Pays-Bas pour les enjoindre de se conformer à un arrêt de la Cour concernant les eaux destinées à la consommation humaine. Le non-respect de ces arrêts pourrait se traduire par d’importantes sanctions financières pour les États membres concernés. En outre, la Commission a décidé de saisir la Cour de justice à l’encontre de la France et du Portugal pour défaut de mise en oeuvre de la législation sur l’eau.

L’Espagne quant a elle a récemment reçu un avis motivé l’invitant à éviter toute nouvelle pollution d’une plage à Motilla à Valence. L’Irlande a été sommée de
renforcer la désignation et la protection des eaux destinées à la
conchyliculture et l’Allemagne a été priée d’améliorer ses dispositions d’application des règles communautaires relatives aux nitrates. Ces avis sont d’ultimes avertissements écrits. Le non-respect de la législation risque d’entraîner la pollution de rivières, de lacs et d’eaux côtières, ce qui à terme pourrait constituer une menace pour la santé publique.

Commentant ces décisions, Mme Margot Wallström, Membre de la Commission responsable de l’environnement a déclaré :
« J’exhorte les États membres à mieux se conformer à la législation communautaire dans le domaine de l’eau. Cela facilitera la mise en place des garanties nécessaires pour l’environnement et la santé humaine ».

Les différentes affaires

France

La Commission a décidé de saisir la Cour de justice à l’encontre de la France car cette dernière n’a pas fourni suffisamment d’informations sur les modalités de mise en oeuvre de la directive sur le traitement des eaux résiduaires urbaines. Il s’agit en particulier d’un déficit d’informations au sujet des zones sensibles.

Pays-Bas

Le 10 mai 2001, la Cour a condamné les Pays-Bas pour défaut d’adoption et de communication des programmes de réduction de la pollution concernant 99 substances dangereuses (prévus par la directive sur la pollution causée par certaines substances dangereuses déversées dans le milieu aquatique) mises en
évidence dans le bassin fluvial de l’Escaut.

L’État membre a également omis de fixer des dates limites pour la mise
en oeuvre de ces programmes (Affaire C-152/98).

En décembre 2002, la Commission avait adressé un avertissement écrit aux
Pays-Bas qui ne s’étaient pas conformés à l’arrêt. Depuis, les Pays-Bas ont communiqué leur programme de réduction de la pollution, mais pour être valable, il faut qu’un programme soit contraignant et qu’il soit publié. Le programme
néerlandais pèche par ces deux aspects. La Commission a donc adressé aux Pays-Bas un ultime avertissement écrit au sujet de ces insuffisances.

Portugal

La Commission a décidé de traduire le Portugal devant la Cour de justice
à cause des rejets des laiteries de Angra do Heroísmo aux Açores, qui contribuent à la pollution des eaux marines. Selon les informations dont dispose la Commission, le Portugal ne respecte pas la directive sur le traitement des eaux urbaines résiduaires ou la directive-cadre sur les déchets(1).
Selon les autorités portugaises, de nouvelles installations de réduction
de la pollution entreront en service au cours du
second semestre 2004.

Espagne

La Commission a envoyé un dernier avertissement écrit à l’Espagne pour infraction à la directive sur les eaux urbaines résiduaires et à la directive sur les eaux de baignade, dans la région de Valence. L’absence de modernisation appropriée des installations de traitement des eaux résiduaires dans cette région a entraîné une pollution des eaux de la plage de Motilla. Les autorités espagnoles ont indiqué que des travaux de construction étaient en cours pour le traitement des eaux résiduaires urbaines.

Irlande

La Commission a adressé un dernier avertissement écrit à l’Irlande pour
manquement à la directive sur les eaux conchylicoles en raison d’une désignation et d’une protection insuffisantes de ces eaux. Malgré les centaines d’opérations
conchylicoles commerciales menées sur les côtes irlandaises, l’lrlande n’a désigné que 14 eaux conchylicoles au titre de la directive. On déplore également une baisse de la qualité des eaux en plusieurs endroits du fait du développement côtier et de l’absence d’un traitement efficace des eaux résiduaires.

Belgique

Le 16 janvier 2003, la Cour de justice a condamné la Belgique pour défaut de communication des dispositions nationales de transposition de la directive de 1998 sur la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (affaire C-2002/122). Les dispositions requises n’ont toujours pas été adoptées pour la région wallonne.
La Commission a donc adressé un dernier avertissement écrit à la Belgique. Le défaut d’adoption des dispositions requises pourrait se traduire par des amendes
élevées pour la Belgique.

Allemagne

La Commission a adressé un avis motivé à l’Allemagne en raison des insuffisances de ses dispositions nationales de transposition de la directive sur les nitrates. Les dispositions nationales en question, à savoir le "Düngeverordnung", autorisent l’épandage d’engrais à concurrence de 210 kilogrammes d’azote par an, alors que la directive fixe une limite maximale de 170 kilogrammes. En outre, la mesure susmentionnée ne tient pas dûment compte des risques associés àl’épandage d’engrais sur les terrains en forte pente.
Les autorités allemandes ont fait savoir qu’un nouveau "Düngeverordnung"
était en préparation. Il ramènera la limite de 210 à 170 kilogrammes et contiendra également des garanties supplémentaires en ce qui concerne les terrains en forte pente.
Toutefois, cette nouvelle mesure n’a pas encore été adoptée.

Grèce

La Cour de justice a condamné la Grèce le 25 mai 2000 pour défaut
d’adoption et de communication des programmes de
réduction de la pollution relatifs à 99 substances dangereuses au titre
de la directive relative à la pollution causée par
certaines substances dangereuses déversées dans le milieu aquatique
(affaire C-384/97). Depuis, les autorités grecques, en
étroite collaboration avec les services de la Commission, on établi un
programme national complet de réduction de la
pollution pour les substances en cause. Cependant, les dispositions
requises pour exécuter ce programme n’ont pas encore
été adoptées ni communiquées à la Commission. Les procédures internes
d’adoption formelle du programme de réduction
de la pollution sont en cours depuis plus d’un an. La Commission a donc
envoyé un dernier avertissement écrit à la Grèce.
Le non-respect de l’arrêt de la Cour pourrait se traduire par une forte
amende pour la Grèce.

Historique

La directive relative aux eaux destinées à la consommation humaine(2)
instaure des norme de qualité pour l’eau
destinée à la consommation humaine, et constitue un instrument essentiel
pour la protection de la santé publique.. Ces
normes concernent toute une série de substances, de propriétés et
d’organismes (dénommés paramètres). La directive est
particulièrement stricte en ce qui concerne les paramètres
microbiologiques, compte tenu des conséquences sur le plan de la
santé publique.

La directive relative au traitement des eaux résiduaires urbaines(3)
concerne la pollution par des éléments nutritifs,
des bactéries et des virus véhiculés par les eaux résiduaires urbaines.
Les eaux résiduaires urbaines trop chargées en
éléments nutritifs (en particulier phosphore et azote) qui sont rejetées
dans les rivières et les mers sont à l’origine d’une
« eutrophisation ». Ce phénomène se produit en cas de très forte
augmentation des populations d’organismes
photosynthétiques, dont les algues, dans l’eau. Il entraîne une
diminution des concentrations d’oxygène (car les
micro-organismes dégradent les algues et les autres matières organiques)
et d’autres effets indésirables du point de vue
écologique. Il en résulte à terme un déséquilibre entre les organismes
présents dans l’eau et une dégradation de la qualité de
l’eau.

Cela peut profondément modifier l’écosystème d’un lac ou d’une mer, et
même entraîner la mort de très nombreux
poissons. Dans la mesure où ils introduisent des bactéries et des virus
potentiellement dangereux dans l’eau, les rejets
peuvent également poser des problèmes de santé publique si les eaux sont
destinées à la baignade ou à la conchyliculture.

La directive requiert que les centres urbains se conforment, dans des
délais précis, à des normes minimales pour la collecte
et le traitement des eaux résiduaires. Deux de ces délais ont expiré fin
1998 et fin 2000. Un autre expirera en 2005. Ces
délais ont été fixés en fonction de la sensibilité des eaux réceptrices
et de l’importance de la population urbaine concernée.

En vertu de la directive, les États membres étaient tenus de désigner
des zones sensibles avant le 31 décembre 1993 et de
respecter des normes strictes pour les rejets directs d’eaux résiduaires
dans ces zones sensibles ou dans leurs bassins
versants. Ils devaient se conformer à ces exigences le 31 décembre 1998
au plus tard (il en va de même pour l’élimination
des éléments nutritifs qui contribuent à l’eutrophisation). La directive
impose aussi d’autres exigences, notamment en ce qui
concerne les effluents de certaines industries agro-alimentaires, la
surveillance des rejets d’eaux résiduaires et des boues..

La directive concernant la qualité des eaux de baignade(4) est également
importante pour la protection de la santé
publique. Elle vise à assurer le respect de certains critères de qualité
minimaux pour les eaux de baignade, grâce à la mise en
place d’un ensemble de normes communautaires obligatoires strictes pour
une série de paramètres clés (dont des indicateurs
de la présence de bactéries fécales).

La directive requiert également que les États membres assurent une
surveillance régulière de la qualité des eaux et qu’ils
envoient chaque année à la Commission un rapport détaillé sur la qualité
des eaux de baignade. Les États membres étaient
tenus de se conformer à ces normes au plus tard en 1985. Des précisions
concernant les résultats obtenus par les États
membres dans ce domaine peuvent être obtenues en consultant le rapport
annuel sur la qualité des eaux de baignade
 http://europa.eu.int/water/water-bathing

La directive sur les nitrates(5) vise à empêcher l’accumulation de
nitrates dans les eaux de surface et les eaux
souterraines, due à la présence de trop grandes quantités d’engrais et
de déchets agricoles. Des concentrations excessives de
nitrates peuvent provoquer des modifications écologiques indésirables
dans l’eau et contribuer à la prolifération d’algues
toxiques. Elles peuvent également nuire à la santé publique. En vertu de
la directive, les États membres étaient tenus de
procéder à une surveillance des eaux de surface et des eaux
souterraines, de recenser les eaux polluées par les nitrates et de
désigner des zones vulnérables (zones d’agriculture intensive comprenant
des eaux polluées par les nitrates) en décembre
1993 au plus tard.

La directive relative à la qualité des eaux conchylicoles(6) requiert
que les États membres désignent les eaux dont
il y a lieu de préserver ou d’améliorer la qualité aux fins de la
conchyliculture. Elle instaure, entre autres, des normes de
qualité obligatoires dans les eaux désignées, et oblige les États
membres à effectuer des prélèvements réguliers et à établir
des programmes de réduction de la pollution.

La directive relative aux déversements de substances dangereuses dans le
milieu aquatique(7) est l’un des
plus anciens textes de la législation communautaire dans le domaine de
l’environnement. Elle instaure un cadre pour lutter
contre la pollution de l’eau par toute une série de substances
dangereuses. Dans ce cadre, les États membres sont tenus
d’adopter des programmes de réduction de la pollution prévoyant
notamment des objectifs contraignants de qualité de l’eau,
un réseau de surveillance et un système d’autorisations pour les
rejets..

La Cour européenne de justice a condamné l’Espagne, la Grèce, la
Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal et
l’Italie pour défaut d’adoption des programmes de réduction de la
pollution concernant à 99 substances. Parmi ces 99
substances figurent des polluants bien connus comme l’arsenic, les
polychlorobiphényles (PCB) et plusieurs composés
organostanniques. La Cour a également rappelé que les programmes de
réduction de la pollution devaient être spécifiques,
exhaustifs et coordonnés, et qu’ils devaient faire référence aux
objectifs statutaires de qualité de l’environnement.

Processus juridique

L’article 226 du traité habilite la Commission à engager une action en
justice contre un État membre qui ne respecte pas ses
obligations.

Si la Commission estime être en présence d’une infraction au droit
communautaire justifiant l’ouverture d’une procédure
d’infraction, elle adresse une « lettre de mise en demeure » à l’État
membre concerné, l’invitant à présenter ses observations
dans un délai déterminé, généralement deux mois.

En l’absence de réponse ou si la réponse fournie par l’État membre n’est
pas satisfaisante, la Commission peut décider
d’adresser à ce dernier un « avis motivé » (dernier avertissement écrit).
Elle y expose clairement et intégralement les raisons
pour lesquelles elle estime qu’il y a eu infraction à la législation
communautaire et appelle l’État membre à remédier à la
situation dans un délai déterminé, généralement deux mois.

Si l’État membre ne se conforme pas à l’avis motivé, la Commission peut
décider de porter l’affaire devant la Cour de
justice.

L’article 228 du traité habilite la Commission à poursuivre un État
membre qui ne s’est pas conformé à un arrêt de la Cour
de justice des Communautés européennes. Cette disposition autorise
également la Commission à demander à la Cour
d’infliger à l’État membre concerné une sanction financière.

Pour des statistiques relatives aux procédures d’infraction en général, voir à l’adresse suivante :
 http://europa.eu.int/comm/secretariat_general

(1) Directive 75/442/CEE relative aux déchets, modifiée par la directive
91/156/CEE

(2) Directive 80/778/CEE relative à la qualité des eaux destinées à la
consommation humaine

(3) Directive 91/271/CEE relative au traitement des eaux résiduaires
urbaines

(4) Directive 76/160/CEE concernant la qualité des eaux de baignade

(5) Directive 91/676/CEE concernant la protection des eaux contre la
pollution par les nitrates à partir de sources agricoles

(6) Directive 79/923/CEE relative à la qualité requise des eaux
conchylicoles

(7) Directive 76/464/CEE concernant la pollution causée par certaines
substances dangereuses déversées dans le milieu aquatique de la
Communauté