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La Tchétchénie, on s’en fout !

Publie le jeudi 3 avril 2003 par Open-Publishing

Posté par Dissident-media.org

Mercredi 26 mars, la boutique librairie alternative Quilombo a organisé une projection et un débat sur la guerre en Tchétchénie à l’occasion de la parution du livre " Tchétchénie, 10 clefs pour comprendre " aux éditions La Découverte. Sont intervenus des représentants du Comité Tchétchénie de Paris, de l’association Marcho Doryla et de de l’ANAFE.

Du film "Grozny, le 51" présenté par sa réalisatrice Mylène Sauloy, on retiendra bien évidemment l’ingéniosité à survivre d’un peuple qui, malgré sa détresse, résiste, maintient sa culture et son humour au milieu des combats. Et ce malgré la terreur imposée par la soldatesque russe pour qui la guerre en Tchétchénie est un moyen radical de s’enrichir grâce au commerce du pétrole pour les plus hauts gradés et aux enlèvements avec rançons pour les simples soldats. Même la restitution des cadavres des Tchétchènes torturés et tués par les Russes font l’objet de ce macabre commerce. Malgré tout, souligne Mylène Sauloy, les Tchétchènes de toute confession (musulmane, chrétienne et juive) gardent leur humanité et ne témoignent d’aucune haine raciale contre les Russes.

Un témoignage, celui d’une sage femme qui explique l’héroïsme des femmes tchétchènes à ne pas avorter. La plupart des mères ne peuvent nourrir au sein leurs bébés car terrorisées, elles ne font pas de lait. Pour leurrer leurs nourissons affamés, on leur donne à téter des biberons de poupée. En guise de pouponnière, l’hôpital de fortune a bricolé un système de chauffage par le gaz tellement polluant qu’il faut régulièrement sortir les nouveaux nés afin de les oxygéner.

Quelques phrases :
 "On est comme un peuple inutile."
 "On ne vit pas, on existe c’est tout"
 "On vit sur la musique des mitraillettes", parole d’un enfant qui vivant dans la guerre, trouve encore le courage de sourire face à la caméra.

À l’heure où le conflit Irakien enflamme la planète, la communauté internationale a complètement abandonné les Tchétchènes à leur sort.
Symptomatique de l’oubli de ce conflit par la société civile, le nombre de personnes présentes à ce débat : une vingtaine ! Parmi elles, certaines étaient venues pour prêcher pour leur paroisse idéologique, le conflit israélo-palestinien ou la colonisation des pays arabes par les Européens.
Constatant l’anémie de la société civile française concernant la guerre en Tchétchénie et son enthousiasme à manifester contre la guerre en Irak, un Tchétchène présent dans la salle demande " si c’est parce que les Français ont plus peur de Poutine que de Georges Bush".

En France, seuls quelques médias officiels (Le Monde, Arté par exemple) et personnalités (Jane Birkin, André Glucksman, Bernard Henri-Levy…) essaient d’alerter l’opinion publique afin de faire pression sur le gouvernement russe. Evidemment l’évocation de ces noms a suscité dans la salle les ricanements d’un lecteur de Rouge qui a radoté sur le soi-disant rôle pourri de la presse officielle et des personnalités qui s’y expriment. Mais le silence de la société civile n’est-il pas plus condamnable ? Que fait la gauche et l’extrême gauche ? A-t-elle encore des égards vis à vis du grand frère russe de l’époque soviétique ? De la part de la diplomatie française, on est habitué, même si c’est condamnable, à une certaine indulgence au nom de l’importance d’accords commerciaux à préserver ou bien d’une certaine idée romantique du peuple russe à savoir un peuple de sauvages gouverné par des élites francophiles. Mais de la part de la gauche et de l’extrême gauche toujours prête à s’agiter quand il s’agit d’invoquer l’atteinte aux droits de l’homme pour fustiger l’impérialisme américain ? Sa promptitude à manifester pour la défense des droits de l’homme ne cache-t-elle pas une lutte plus soucieuse de gagner des voix ou de faire passer ses propres idées que des valeurs réellement humanistes ?

Actuellement rien n’est fait pour les Tchétchènes. L’ONU ne fait rien. Les ONG s’y refusent par crainte de représailles de la part de Moscou qui pourrait leurs interdire de poursuivre leurs actions humanitaires sur d’autres parties de son territoire (la Sibérie par exemple). Les journalistes eux sont prêts à couvrir la guerre de Tchétchénie mais là aussi les agences dont ils dépendent, préfèrent ne pas traiter ou diffuser ce sujet par crainte des représailles russes en matière d’accès à son territoire.

Au niveau de l’Europe, un groupe parlementaire réunissant principalement quelques députés radicaux (Parti Radical Transnational de Belgique) et des Verts souhaite déposé un projet de protectorat international. La Belgique a offert un visa Schengen à Akhmad Zakaev, le représentant du Président tchétchène légitimement élu lors d’élections contrôlées par la communauté internationale.
La France a refusé à la Russie une demande d’arrestation de Zakaev. En principe, s’il n’était actuellement en résidence surveillée à Londres -l’actrice Vanessa Redgrave a payé une partie de sa caution- il pourrait venir librement en France. Concernant la situation des demandeurs d’asile tchétchènes, jusqu’à présent à la connaissance du représentant de l’ANAFE, il n’y a eu parmi les cas dont son association s’est occupée, aucune expulsion de la France vers la Russie. Toute demande d’expulsion de la part du Ministère de l’Intérieur a échoué même en dernière instance devant le Conseil d’État. Jusqu’en décembre 2002, l’asile était accordé aux familles sans trop de difficultés.

Depuis l’accession de Nicolas Sarkozy au Ministère de l’Intérieur, il y a eu des tentatives d’expulsions concernant des personnes utilisant officiellement les voies légales. Si les demandeurs d’asile font l’erreur de signaler qu’ils ont combattus contre les forces russes, ils risquent l’expulsion pour terrorisme. Néanmoins grosso modo les Tchétchènes obtiennent moins difficilement le droit d’asile en France que dans les autres pays d’Europe. A contrario tout est fait au niveau de leurs conditions d’existence pour les décourager : accueil en zone carcérale dite d’attente, logements dans des hôtels insalubres afin qu’ils ne bénéficient pas d’adresses légales, une attente de 8 mois pour avoir accès à un placement en foyer.

Ainsi le gouvernement français proteste indirectement et pitoyablement contre le massacre des Tchétchènes : il ne dit rien mais il accorde des visas avec la promesse de conditions d’existence détestables.
Ne le critiquons pas puisque nous, citoyens, le peuple tchétchène on s’en fout !

Quilombo
23 rue Voltaire - 75011 Paris (M° Nation ou Rue des Boulets)
Tél /fax 01 43 71 21 07
E-mail : quilombo@wanadoo.fr

ANAFE (Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers)
Tél/Fax : 01 43 67 27 52
E-mail : anafe@globenet.org
Site Web : http://anafe.globenet.org

Comité Tchétchénie de Paris
21 ter rue Voltaire, 75011 Paris
Tél : 06-14-02-74-52
Site Web : http://tchetchenieparis.free.fr
e-mail : comitetchetchenie@hotmail.com
Webmaster : juliewornan@iname.com

Marcho Doryla : s’adresser au Comité Tchétchénie de Paris