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L’imposture d’un certain féminisme de droite

Publie le mardi 10 juillet 2007 par Open-Publishing
5 commentaires

Article paru sur le blog du MRAP Débat

L’imposture d’un certain féminisme de droite [1]
 Sur Les Islamistes en manœuvre. Silence, on manipule »,

le dernier libelle de Michèle Vianès [2]-


« Il viendra peut-être un temps où l’on ne verra point du tout de traites [les droits de douanes], et où les peuples, comme les individus concevront aussi qu’ils sont frères. Alors les nations ne seront plus rivales, il n’y aura qu’un droit commun dans l’univers ; de même qu’il n’y a plus parmi nous que des Français, il n’y aura plus dans le monde que des humains. Les noms des nations seront confondus, la terre sera libre ».

Antoine-Louis de Saint-Just, 1791, L’esprit de la Révolution et de la constitution de France [3]

Michèle Vianès est conseillère municipale élue sur une liste de droite à Caluire, commune aisée de la proche banlieue lyonnaise. Elle est estampillée experte de la cause des femmes : déléguée à l’égalité hommes-femmes dans sa municipalité, elle a parrainé la section locale de « Ni Putes, Ni Soumises », association à fort capital symbolique. Son adoubement dans la catégorie des intellectuels est notamment dû au philosophe Y. Zarka : on savait celui-ci spécialiste de Hobbes. Poussant sa connaissance de la philosophie politique anglaise du XVIIIème siècle jusqu’à l’omniscience, celui-là lui offre la possibilité de signer un chapitre dans un de ses ouvrages. Quiconque est ainsi sollicité par un philosophe relativement connu, ne peut que bénéficier de son aura.

Michèle Vianès est donc devenue spécialiste de la laïcité, de l’islam en France, des Arabes, étendant ainsi de manière étonnante son champ d’expertise.

Le but de cet article est de montrer que Mme Vianès soutient de facto un discours convergeant vers la théorie du « clash » des civilisations proches de l’ethnicisme, grâce à une stratégie de déplacements successifs du propos, de montées en généralité, de qui autorisent amalgames et fantasmes rendant possible la stigmatisation d’un groupe humain spécifique. Le féminisme devient dès lors un alibi d’une « guerre des mondes » d’un genre nouveau qui se déroulerait sur le sol-même de l’Hexagone …

Notre propos se déclinera en trois partie, la première a trait à des rapports supposés entre les Maghrébins, les femmes et l’islam ; la deuxième dénonce une véritable imposture ethnographique et la troisième dévoile la nature ethniciste d’un certain féminisme de droite. Si le lecteur est pressé et veut aller au plus croustillant du livre de Mme Vianès, nous lui suggérons de lire la partie consacrée à l’imposture ethnographique …

1. Les Maghrébins, les femmes et l’islam

Le livre comporte beaucoup d’extensions non fondées sur un quelconque savoir académique, voire simplement livresque : de la défense du droit des femmes, on aboutit quasi simultanément aux Français arabes via la question de la laïcité [4]. « Français arabes » pourrait traduire selon nous la pensée de Mme Vianès : elle n’envisage pas les populations immigrées ou d’origine immigrée, mais bien les Arabes en tant que groupe ethnico-religieux supposé homogène. On peut se demander dès lors quel est le rapport entre ces sujets si divers, complexes et singuliers … Le soubassement idéologique de ce « système éditorial » pourrait se résumer ainsi : « le problème des femmes, c’est l’islam qui est une religion barbare et misogyne, les musulmans étant arabes et vice-versa, par conséquent, les Arabes de France nous menacent ».

Ainsi, quand Mme Vianès écrit : « La tradition musulmane accorde un statut social aux femmes dès la naissance d’un fils, la réussite de leur fonction d’éducatrice sera attestée par la virginité de leurs filles lors du mariage. Noble ambition ! » (p.52). Mais, alors, tout à coup, il n’est plus question des interprétations fondamentalistes, qui semblent être son propos, mais de « la tradition musulmane » elle-même ! Bien connu en sciences sociales, ce procédé est constitutif de formulations idéologiques qui peuvent, parfois, être élaborées de manière parfaitement volontaire et calculée.

Cependant, le biais du propos est atténué par la phrase suivante, qui brouille l’éventuel sentiment que pourrait avoir le lecteur d’une orientation idéologique de l’auteur, car elle prend la précaution de préciser : « Répondant aux besoins des hommes exprimés dès les premières religions : s’approprier le corps d’une femme (…). » (p 52). Mais, la confusion devient totale à la page suivante : « Dans le miroir installé par les intégristes, le garçon, en reflet, doit être conditionné à sa fonction de tyran domestique. [….] Il n’est pas rare de voir un enfant d’une huitaine d’années accompagner sa sœur adolescente au collège, voire au lycée, pour contrôler ses déplacements. » (p. 53-54) . A ce stade, le lecteur est dans la confusion : Michèle Vianès oscille sans cesse entre les intégristes comme thème de son récit et des affirmations globalisantes donnant le sentiment qu’elle parle des musulmans de France en général.

Pour lire la suite, voir MRAP DébatMRAP Débat


[1Nous remercions F. F pour sa relecture stimulante. Les références de l’Internet ont été consultées en 2006.

[2Edititeur Hors Commerce, collection « Hors de Moi », Paris, 2004. Dans le numéro 32 de « Pro Choix », 15 mars 2005, Mme Vianès a écrit un article intitulé « Un racisme à peine voilé chez Cabiria » qui met en cause la librairie « Terre des Livres », 86, rue de Marseille à Lyon, en la qualifiant de « libraire islamique ». Or, « Terre des Livres » a remplacé depuis bien longtemps « Alyssar », autrefois tenue par une personne qui prêchait un islam politique. En aucune façon, « Terre des Livres », que nous connaissons fort bien, n’est une librairie « islamiste » (au sens de l’islam politique), ni même « islamique » (c’est-à-dire d’un seul point de vue confessionnel). Cette dernière gaffe de Mme Vianès est à l’image de ce libelle édité par « Hors de moi », parsemé d’erreurs et de contre-vérités. Le texte de Mme Vianès peut se télécharger à l’adresse suivante :

w4-web75.nordnet.fr/rdf/documents/racismeCabiria.doc

[3Dans Œuvres complètes, p. 463 voir bibliographie.

[4Ainsi pour elle, quand on parle d’ « Arabe », on désigne indistinctement un Saoudien, un Egyptien … ou un parisien d’origine algérienne ! Ce qui prime est l’ethnie car elle est censée supplanter tous les autres facteurs constitutifs d’une personnalité culturelle. En cela, très précisément, Mme Vianès développe une pensée, sans aucun doute, ethniciste.

Messages

  • "Il n’est pas rare" (...) dit M. Vianes . Il n’est pas rare ne signifie pas "TOUS" ! Cela signifie "cela arrive de temps en temps".
    Il ne s’agit donc pas d’ "affirmations globalisantes donnant le sentiment qu’elle parle des musulmans de France en général".
    CQFD.

    • je conseille au lecteur précédent, visiblement trop pressé, de défendre l’indéfendable, de relire l’article qui montre LES procédés visant à produire la montée en généralité. Mieux : je suggère la lecture du livre de Mme Vianès ...
      Ce type de commentaire qui vise à décontextualiser le propos en dit long sur le lecteur, sans doute gêné que le succès d’un livre aussi inquiétant repose sur de tels procédés.
      D’ailleurs, que pense ce lecteur du conseil de Mme Vianès, donné à une femme d’origine turque, consistant à mettre du cyanure dans le thé familial ?
      Image-t-on le tollé si un Tariq Ramadan, avait prodigué semblable "conseil" ?
      Imagine-t-on l’incrédulité des lecteurs si Ramadan, d’aventure, avait expliqué qu’il s’agissait, en vérité, d’une plaisanterie ?
      bonnes lectures ...

    • Le problème est que Ramadan et son " moratoire sur la lapidation des femmes adultè res" , ce n’est pas de la rigolade...contrairement à Vianes, qui ne mérite pas tant d’intérêt, à mon avis !

    • Comment ne pas comprendre le racisme qui est inhérent à la prose de Michèle Vianès ? Il est vrai que celle-ci définit le racisme uniquement en termes d’apparence physique, alors que le racisme renvoit aussi à l’enfermement des individus dans une structure culturelle jugée immuable. Autrement dit, les délires de Tarik Ramadan doivent être rejetés avec autant de force que le racisme culturel de Michèle Vianès. CQFD

    • Je pense qu’on navigue les yeux fermés dans l’interprétation des propos et des écrits de Mme Vianès, personne au demeurant fort respectable, experte en islamologie, défenseure des valeurs républicaines et laïques et avant tout du droit des femmes face au tout-puissant patriarcat de l’islam, idéologie qui considère la femme comme étant un être inférieur par rapport à l’homme.

      Tout ceci est incompatible avec notre société qui garantit, de par sa Constitution, les mêmes droits à tous les individus (hommes et femmes confondus) à partir du moment où ils respectent les lois de la république.