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ELEMENTS SUR L’ALTER-REPUBLIQUE

Publie le mercredi 8 août 2007 par Open-Publishing
2 commentaires

Eléments sur l’alter-République

La République pose la question de l’organisation de l’Etat, sous divers aspects mais la République comme l’Etat peut aussi bien être monarchique ou démocratique. Or le Manifeste d’ATTAC porte sur l’exigence de « pleine démocratie », sur « l’intervention citoyenne généralisée contre la mise sous tutelle de la démocratie » mais pas sur la République. Au plan de l’organisation du pouvoir, le Manifeste d’ATTAC veut « remettre à plat les institutions européennes » (mesure 37 et suivantes) mais se tait sur les institutions françaises, sur la VI République discutée dans la gauche française. ATTAC n’a pas une position unanime sur la forme de l’Europe (confédérée ou non par exemple). ATTAC veut une « autre Europe », pas une Europe ultra-libérale, pas une Europe social-libérale , pas une Europe capitaliste.

Comme militant altermondialiste j’ai défendu l’idée d’une alter-république, d’une république post capitaliste de nature écosocialiste. ; donc pas la VI République généralement conçue comme une nouvelle « République sociale », sociale mais pas socialiste, une République avec une meilleure démocratie représentative et plus forte en démocratie participative (DP), plus forte en économie sociale et solidaire (ESS), en commerce équitable mais in fine laissant toujours une part prépondérante au marché et au capitalisme ; bref une conception néosolidariste d’altermondialisation en vue d’une « économie mixte » principalement capitaliste. Je ne suis pas contre la DP, l’ESS, le commerce équitable… mais dans la perspective réellement altermondialiste je suis pour la maîtrise citoyenne de la production donc pour sortir la production de la tutelle du capital, donc pour la généralisation des services publics dégagés de la logique marchande qui les dénature.

Ici j’aborde simplement sous un double angle - critique et « alter » - deux thèmes du droit constitutionnel : la séparation des pouvoirs (I) et l’Etat-nation (II).

I - LA SEPARATION DES POUVOIRS : EN PRENDRE ET EN LAISSER !

Elle serait une garantie contre l’arbitraire et la tyrannie. Pour la justifier, on évoque évidemment Montesquieu comme auteur d’une théorie de l’équilibre et de la séparation rigoureuse des pouvoirs que sont le législatif, l’exécutif et le judiciaire. Rappelons que « c’est à Montesquieu que l’on doit l’élaboration de ce langage que j’appellerais - Pierre MANENT dixit - le langage « « définitif » du libéralisme ». Ce qui n’est pas suffisant pour le discréditer à priori sauf à se montrer plus dogmatique que critique mais qui justifie un doute légitime de conservatisme incompatible avec la perspective altermondialiste.

A - La mise au point de Charles Eisenmann (1).

Charles Eisenmann a montré d’une part que cette théorie n’existait pas chez Montesquieu : L’exécutif empiète sur le législatif puisqu’une le roi dispose d’un droit de véto. Le législatif peut, exercer un droit de regard sur l’exécutif puisqu’il contrôle l’application des lois. Le législatif empiète sérieusement sur le judiciaire dans un certain nombre de circonstances. Charles Eisenmann a précisé d’autre part qu’il s’agissait plutôt chez Montesquieu d’une combinaison de pouvoirs, un partage des pouvoirs. Chez Montesquieu il y a trois puissances mais deux pouvoirs, le législatif et l’exécutif, le judiciaire n’étant pas à proprement parler un pouvoir. Enfin Montesquieu parle en terme de rapport de force, en terme de politique et non en terme juridique. Ce qu’il veut c’est un gouvernement modéré.

B - Au profit de qui s’exerce ce partage des pouvoirs ?

Le partage des pouvoirs s’opère-t-il en faveur du roi ou du peuple ? La question que se pose Althusser (2) en 1959 reste d’actualité : il suffit de remplacer Président par Roi ou Exécutif au sens large par Roi. Pour Montesquieu, "si la puissance législative prend part à l’exécution, la puissance exécutrice sera... perdue" (XI 6) Mais l’inverse n’est pas vrai : le Prince a les deux pouvoirs mais la modération n’est pas menacé car la tyrannie ne peut selon lui venir que du peuple. Montesquieu défend la monarchie et la noblesse mais pas le tiers-état. Il dirait probablement aujourd’hui vive la démocratie représentative présidentielle (ou une de ses variantes notamment celle qui accepte deux chambres dont un Sénat) ; une formule démocratique qui verrouille la distribution du pouvoir au profit de couches sociales largement positionnées au-dessus du peuple, le peuple étant ceux qui sont dirigés, qui ne décident pas ni politiquement ni économiquement !

C - Maintenant , que faire de la théorie de la séparation des pouvoirs ?

Mon propos ne vise pas au rejet complet de la séparation des pouvoirs mais à bien montrer qu’elle est un enjeu politique pour l’émancipation du peuple. Les élites ou l’aristocratie ou la classe dominante (la bourgeoisie ou la caste bureaucratique dans les régimes staliniens) se méfient du peuple - au besoin en se réclamant de lui - et veulent le tenir assujetti. La théorie de la séparation des pouvoirs constitue une entourloupe politico-juridique visant au maintien du peuple comme tiers-état exclus. Il ne faut sans doute pas "jeter le bébé avec l’eau du bain" mais il ne faut sans doute pas répéter naïvement le mythe de la séparation des pouvoirs. Il y a en la matière à prendre et à laisser pour qui souhaite aller vers une alterdémocratie.

II - DE LA NECESSITE DE SORTIR DE LA CONCEPTION DE L’ETAT-NATION

D’emblée je préviens que je ne « brade » pas « tout » de la « nation », qui conserve encore de sa pertinence sur certains sujets comme l’égalité des droits sur tout le territoire ou l’égalité d’accès aux service publics. Il est exact que j’en réduis sa portée.

Aborder la question de la République incline moins me semble-t-il à faire l’impasse sur la nation ou l’état nation.. D’après Wikipédia « une république n’implique pas forcément une démocratie. Un État de forme républicaine peut être une démocratie limitée, où de tels droits ne sont réservés qu’à un groupe restreint : la république est alors dictatoriale ou totalitaire. » . Mais la démocratie représentative est une démocratie restreinte comparativement à l’alterdémocratie. Pourtant la démocratie représentative s’adresse théoriquement à tous (sauf exceptions) peuple et élite alors que l’alterdémocratie s’adresse principalement à la plus grande fraction de la population y compris les résidents non européens mais pas les élites qui empêchent son avènement.

On peut plus aisément élaborer une théorie de la démocratie – qui n’est pas la République - sans passer par la Nation mais en réhabilitant la notion de peuple. Ce que j’ai d’ailleurs fait dans ma présentation sur la démocratie dans le Manifeste à Rennes (1). J’y ai volontairement occulté la problématique de la citoyenneté issue de l’histoire de l’Etat-nation pour m’en tenir à une définition de la démocratie issue du peuple.

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En fait je pense comme d’autres issus du mouvement de lutte pour l’insertion des immigrés que le mouvement altermondialiste doit sortir du modèle de l’Etat-nation. Daniele LOSCHAK a passé de longues années à expliciter cette nécessité. Cependant les propos qui suivent doivent beaucoup à Michel Terestchenko (2)

A - UNE COMPREHENSION ISSUE DU MILITANTISME EN DEFENSE DES MIGRANTS

 La situation présente et historique

L’immigration est une manière de vivre, une manière douloureuse d’être au monde. La condition d’immigré au plan juridique et social - donc existentiel - est un mélange d’être et de néant. Plus précisément il est un être en chemin, en chemin vers la naturalisation, l’insertion, l’intégration. Du coup l’immigration peut se définir à la fois comme transition et comme fragilité.
La conception de la nationalité comme condition de la citoyennté fait de l’immigré un être illégitime : il n’est pas le national dans lequel l’immigration l’a placé et l’a amené à vivre. Il est présent exclus.

 Le mouvement pour en sortir

Le national est le produit historique de l’Etat-nation. Au national le mouvement antiraciste et pour l’égalité oppose le résident, celui qui vit sur un territoire donné, qui produit et paie des impôts. Le résident a vocation a disposer des droits étendus de la citoyennté.Il circule librement, il s’installe et passé un certain temps - de 3 à 5 ans - il devient pleinement citoyen . C’est une revendication que les citoyens rabougris que nous sommes aussi ont intérêt à soutenir (cf l’altercitoyen 2)

B - DE L’ETAT-NATION A LA CITOYENNETE

 Etat-nation à nationalité :

C’est l’Etat qui confère la nationalité et donc l’étrangeté soit en vertu du jus sanguinis, soit en vertu du jus solis. Le droit du sang détermine l’appartenance à la communauté sociale et politique par la filiation. Le droit du sol opère cet effet d’appartenance -exclusion par la naissance de l’individu sur le territoire (français).

 Nationalité à citoyenneté

L’attribution de la nationalité confère des droits civiques et politiques qui caractérisent la citoyennté stricto sensu. Mais la citoyenneté lato sensu comprend trois niveaux distingués par D. Loschak :
 Citoyennté-égalité dans l’exercice des droits
 Citoyenneté-participation à la vie sociale
 Citoyenneté-exercice de la souveraineté nationale .

Christian DELARUE Juriste de formation mais surtout militant altermondialiste

  note de l’introduction

POUR UNE ALTER-REPUBLIQUE publié notamment sur le site Bellaciao en septembre 2006
 http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=34627

« Sortir la production de la tutelle du capital : pour une maîtrise citoyenne de la production » sur le site ATTAC France rubrique Démocratie et économie

 notes sur la séparation des pouvoirs :

1) C. EISENMANN L Esprit des Lois et la séparation des pouvoirs in Mélanges Carré de Malberg Paris 1933

2) Louis ALTHUSSER in "Montesquieu : La politique et l’histoire"

3) Atelier Démocratie : rencontre du grand ouest sur me Manifeste : Introduction : aller vers une autre démocratie, citoyenne et populaire

 http://www.local.attac.org/35/Introduction-ALLER-VERS-UNE-AUTRE
ou Alterdémocratie cf. Bellaciao

 notes sur la nécessité de sortir de la conception étriquée de l’Etat-nation

1) "Aller vers une autre démocratie, citoyenne et populaire" : une introduction relativement brève au regard de l’ampleur du sujet

 http://www.local.attac.org/35/Introduction-ALLER-VERS-UNE-AUTRE

2) LE RACISME COMME ANTI-MOUVEMENT SOCIAL OU LA PHILOSOPHIE POLITIQUE DE L’ANTIRACISME.
Note de lecture de "Philosophie politique, tome 2 : Ethique, science et droit" de Michel Terestchenko

 http://www.bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=50276

ou sur chrismondial
 http://www.blogg.org/blog-44839-date-2007-02-11.html

2 ALTERCITOYEN.
Citoyen confiné, séparé, exclus ou citoyen d’émancipation

 http://www.local.attac.org/35/spip.php?article731

Messages

  • Il peut y avoir des logiques marchandes qui ne sont pas capitalistes, il y en a eu, il y en aura, il y en a ....

    Pour revisiter les mots....

    Toujours pas compris ce que c’était que l’alter-démocratie, un relookage des mots ?

    Séparation des pouvoirs, le principe , c’est pour moi bon. Dans des systèmes imparfaits et même les meilleurs soient-ils, une partie de la séparation des pouvoirs est incontestablement une sauvegarde. Sans cela, c’est du sans filets... Mais effectivement il y a de "l’apprendre" et à laisser, si séparation veut dire une BCE indépendante et au service de la bourgeoisie par exemple avec des bourgeois qui se cooptent, c’est un pouvoir à contre la démocratie.

    Dans une société socialiste (où les travailleurs dirigeront les entreprises et pas d’autres, lesquelles entreprises commerceront suivant des critères et une nouvelle légalité compatibles avec le dépérissement de l’exploitation des hommes , affreux marchands) on ne peut avoir un système bouclé fermé, qui ne dispose pas des forces, pas seulement en termes de droits démocratiques, mais également en formes de pouvoirs, de séparations efficaces des pouvoirs, et de contre-pouvoirs.

    Cop.

    • D’accord avec toi Copas sur la distinction entre capital et marché
      D’accord aussi avec la séparation des pouvoirs : il ne faut pas tout jeter...

      Certains critique le marché pour ne pas critiquer le capitalisme mais d’autres font l’inverse. Je critique les deux car ce n’est pas séparé. C’est long à expliquer.
      Pour faire bref : Il y a les échanges marchands inscrits dans le cycle du capital et les échanges marchands de la petite production marchande précapitaliste. Cette dernière PPMP fonctionne bien souvent, sous le capitalisme avec une forte logique de concurrence de rentabilité et d’exigence de solvabilité. A défaut elle périclite. Son avantage réside dans son champ d’intervention territorial plus restreint, avec des circuits courts plus économes en énergie de transport.

      L’économie socialiste, c’est l’économie fondée sur la satisfaction des besoins et non pas sur la recherche du profit. Son avènement passe par l’extension des services publics qui ne fonctionnent pas en principe sous une logique marchande de prix et de solvabilité. Ils satisfont les besoins grâce à une tarification différente des prix de marché.

      Je livre des liens avec développements ;

      *LA MAITRISE DE LA PRODUCTION*

      http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=51004

      *mercredi 21 février 2007 (13h01) : *
      *ALTERCAPITALISME et/ou POSTCAPITALISME*
      Altercapitalisme et/ou postcapitalisme : Un monde meilleur, un monde plus juste ou un autre monde

      http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=43293

      *LA LONGUE RESISTANCE DU SERVICE PUBLIC A LA MARCHANDISATION*

      http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=34119

      I

      . I - QU’EST-CE QU’UN SERVICE PUBLIC - SP - ?

      A) Le service public " à la française" ne se réduit pas au service d’intérêt général - SIG - .

      B) Le service public véritable fonctionne selon des principes différents de ceux d’une entreprise privée.

      * Juridiquement un SP se définit par trois élements : il s’agit de s’en tenir à la racine, de partir de ce germe potentiellement libérateur de la logique marchande, en ignorant les évolutions débouchant sur la crise de la notion.

      Un élément fonctionnel : l’exercice d’une activité dans un but d’intérêt général, non dans un objectif de rentabilité pour réalisation d’un profit.

      Un élement organique : la prise en charge par une personne publique.

      Un élement matériel : la soumission à un régime juridique exhorbitant du droit commun, du droit du marché.

      La délégation de service public existe évidemement, mais c’est déjà du "sous-service public", du service public frelaté. Et, répétons-le, ce n’est pas à tort ou par confusion intellectuelle mais par choix politique en faveur de l’appropriation publique et de la démarchandisation et du refus de la mise en concurrence que l’on définit strictement le service public et que l’on critique la notion européenne de service d’intérêt général (SIG).

      * Economiquement la logique du service publique se heurte frontalement à celle du marché.

      II . - NEUF DISTINCTIONS POUR ROMPRE AVEC LA LOGIQUE MARCHANDE.

      http://www.local.attac.org/35/spip.php?article206

      Sur l’ALTER DEMOCRATIE :


      1 LA SOUVERAINETE-COMMISSION, UNE THEORIE TRANSITOIRE VERS L’ALTERDEMOCRATIE ?

      http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=35054

      En fait, la souveraineté-commission ne constitue une théorie transitoire que si l’alterdémocratie est clairement posée comme but. A défaut il s’agit d’une option mouvementiste, parfaitement compatible avec la "fin de l’histoire", avec ce monde-ci.

      2 VERS UNE AUTRE DEMOCRATIE

      http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=41764
      .../...

      4 - Nous voulons une "autre démocratie" !

      Les choix démocratiques peuvent porter non seulement sur des individus titulaires de mandats mais sur des stratégies d’investissement productif au niveau national ou régional. Modifier la nature des mandats et élargir le champ de l’intervention aux procédés de planification d’un alerdéveloppement (principalement producteur de valeur d’usage et moins de valeur d’échange) constitue deux ruptures franches avec la démocratie bourgeoise. On remarquera par rapport aux passages du Manifeste qu’il ne s’agit pas simplement de reconquérir les pouvoirs conquis jadis puis perdu avec la gouvernance néolibérale, un peu comme si un âge d’or démocratique avait précédemment existé. Il ne s’agit pas plus de se réapproprier un passé que le peuple n’a jamais conservé hors des rares périodes révolutionnaires.

      3 ALTER-DEMOCRATIE ET ALTER-ECONOMIE*

      http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=47228

      Christian