La grenade des retraites dégoupillée !!!!

de BERNARD DELATTRE

Une "déclaration de guerre" . Un "missile" . Un risque de "conflit majeur" . "Une perversion complète de l’idée du dialogue social." Le climat social s’est brutalement tendu lundi, les syndicats montant aux barricades contre le Premier ministre François Fillon. Le leader du syndicat communiste CGT s’est même fait explicitement menaçant : "Nous allons vers des complications évidentes. Il risque d’y avoir du sport, et pas seulement dans les stades de rugby."

La veille, le chef du gouvernement avait quelque peu surpris en se disant "prêt" à tout moment, dès que le président Sarkozy en donnerait "le signal" , à réformer les régimes spéciaux de retraites. Ces régimes nés au début du XXe siècle bénéficient à 500 000 retraités et à 1 million de cotisants du secteur public (cheminots, électriciens-gaziers, marins, etc.). Ils sont avantageux par rapport au régime général à la fois en termes d’âge du départ à la retraite (parfois dès 50 ans), de calcul du montant de la pension, et de la durée de cotisation (37,5 ans).

La surprise résidait moins dans le fond de cette annonce - cette réforme fait partie des grandes promesses électorales de Nicolas Sarkozy - que dans la forme et le calendrier. En effet, le porte-parole du gouvernement Fillon venait à peine de démentir l’existence de tout projet de décret en la matière et le ministre du Travail Xavier Bertrand d’assurer que "rien n’(était) prêt" .

Deux échecs retentissants

Jusqu’à présent, on ne s’attendait pas à ce que le gouvernement se lance dans ce chantier avant 2008. Ne fût-ce que pour laisser le temps à d’autres réformes délicates (service minimum à la SNCF, privatisation de GDF, non-remplacement de 20 000 fonctionnaires, etc.) de s’installer et donc pour ne pas risquer d’ouvrir trop de fronts sociaux explosifs en même temps.

François Fillon, que les commentateurs ont pris l’habitude de railler pour son inexistence face à l’omniprésent chef de l’Etat, en a donc décidé autrement. Mais, ce faisant, c’est une grenade sociale qu’il vient de dégoupiller. Le dernier Premier ministre qui s’était attaqué aux régimes spéciaux de retraites était Alain Juppé, à l’automne 1995. Après trois semaines de manifestations et de grèves qui avaient largement paralysé le pays, il avait dû faire marche arrière. L’impopularité que lui avait value ce conflit social s’était ensuite enracinée et avait conduit au fiasco de la dissolution anticipée de l’Assemblée en 1997, qui avait renvoyé la droite dans l’opposition. Avant lui, en 1986, un certain Jacques Chirac, alors à Matignon, s’était lui aussi cassé les dents sur ce dossier.

Mais en 2007, le contexte a doublement changé. L’opinion, qui avait soutenu les grévistes de 1995, est désormais à 80 pc favorable à l’homogénéisation des régimes de retraite dans la fonction publique. Et le PS lui-même, hier très hostile à cette réforme, n’en critique plus aujourd’hui que la méthode. Ce qui ne veut pas dire que François Fillon aura la tâche aisée.

http://www.lalibre.be/article.phtml?id=10&subid=91&art_id=369589