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Etienne Chouard : Le traité européen "est un viol politique"

Publie le jeudi 25 octobre 2007 par Open-Publishing
13 commentaires

Déjà pourfendeur du projet de Constitution européenne rejeté par les français en 2005, l’économiste et professeur d’informatique Etienne Chouard dénonce violemment le nouveau traité de Lisbonne. Une copie conforme du texte précédent, estime-t-il.

de François VIGNAL

Etienne Chouard s’était fait connaître en 2005 grâce à son site internet qui décortiquait et dénonçait la Constitution européenne. Il revient aujourd’hui à la charge contre le nouveau traité européen de Lisbonne. Pour ce professeur d’économie, de droit et d’informatique d’un lycée du sud de la France, il s’agit sur le fond de la même Constitution, pourtant rejetée par les Français et les Hollandais. Et appelle à la combattre. Entretien.

Le nouveau traité européen a été adopté vendredi à Lisbonne. Ce texte ressemble-t-il à la Constitution rejetée en 2005 ?

Ce n’est pas une version édulcorée, c’est la même version et je la combats violemment. On a retiré trois détails sans importance : le drapeau, l’hymne, la référence à la monnaie, le mot Constitution, comme si le fait de retirer l’étiquette retirait le danger. Et puis on nous impose par voie parlementaire ce qu’on vient de refuser par référendum. Pour moi, c’est un viol, un viol politique, c’est une cause de guerre civile. Et les journalistes qui défendent cela sont subordonnés. Ils ne font pas leur boulot de journaliste.

Pour vous, un nouveau référendum est un minimum ?

Oui, ça me paraît évident, pour cinq raisons. Parce que sur le fond, tout ce qui est dangereux est là : la confusion des pouvoirs dans les mains de l’exécutif, avec les « procédures législatives spéciales » ou les « actes non législatifs ». Le Parlement ne les contrôle pas et ce sont des normes obligatoires qui s’appliquent à tout le monde. C’est incroyable. Et cela peut concerner la concurrence, le marché intérieur, la circulation de capitaux, des choses très importantes, qui sont hors contrôle !

Deuxième point : la dépendance des juges européens vis-à-vis de l’exécutif pour leur carrière. Ils sont nommés pour six ans par les gouvernements, et renouvelables. Dans les démocraties, ça ne se fait pas comme ça. L’indépendance des magistrats est l’un des fondements de la démocratie.

Troisièmement : l’article 104 de Maastricht, c’est-à-dire l’interdiction pour les Etats de créer la monnaie. On est fou d’accepter ça. Les Etats l’ont accepté à Maastricht, c’est toujours là aujourd’hui. Maintenant, ils doivent s’endetter quand ils ont besoin d’argent et payer un intérêt aux banques. Mais on est fou ! C’est contraire à l’intérêt général. La souveraineté politique dépend de la souveraineté monétaire. Si vous l’abandonnée, vous avez tout perdu.

Autre point : la révision de la Constitution. Elle se fait sans les peuples.

Et enfin, dans cette Constitution, aucun organe n’est responsable de ses actes. A part la motion de censure, qui est théorique, parce qu’à la majorité des 2/3, il n’y a pas de mécanisme de responsabilité. Le Conseil des ministres, le Conseil européen, le Parlement ne peuvent être renversés ou dissous par personne. La Banque centrale n’a de compte à rendre à personne. Mais qui est responsable de ses actes là-dedans ?

L’article sur la concurrence libre et non-faussée ne figure plus dans le traité. Mais dans les annexes sur les dispositions pour le marché intérieur, il est toujours dit que la concurrence doit être non-faussée. Pensez-vous que les gouvernements veulent contourner les « non » français et hollandais ?

Ils ne les contournent pas, ils les violent. Ils ont retiré le mot Constitution et la partie III. Mais en réalité, elle est encore en œuvre. C’est le royaume de l’hypocrisie. C’est de la violence.

Pensez-vous que la chancelière allemande Angela Merckel a pris l’ascendant sur Nicolas Sarkozy ?

Non, pour moi, ils sont en collusion parfaite. Ils ont convenu du jeu que Sarkozy allait jouer. Il a dit du mal d’eux, mais il sait très bien qu’il ne peut rien faire. Il n’a qu’une envie, c’est de passer son traité en force, comme les autres dirigeants européens.

La contestation peut-elle monter, notamment par Internet, comme en 2005 ?

Ça dépend des journalistes. En 2005, il a pu y avoir une contestation car il y avait une perspective, un référendum. Mais si les gens qui vous gouvernent ont décidé de vous violer, c’est-à-dire de ne plus vous demander votre avis, de remettre le bâillon à la victime, eh bien elle ne peut plus crier. On ne nous demande plus notre avis, là. Pourquoi les gens se mobiliseraient dans ce cas ? Les visites sur mon site n’ont pas augmenté pour le moment. Mais je compte sur les journalistes pour être les sentinelles du peuple et l’alerter.

http://www.liberation.fr/actualite/politiques/286518.FR.php

http://etienne.chouard.free.fr/Europe/

Messages

  • j’ai reçu cette nouvelle du nouveau traité ,comme vous le dites si bien ,comme un viol.Je suis vraiment dégoutée de ces politiques qui n’ont aucun respect pour le peuple .Mais je tenais à vous dire que, quand j’ai besoin de me remonter le moral ; je vais sur votre site,et bien que ne comprenant pas toujours le "juridique et le constitutionnel", je me dis qu’il y encore de l’espoir pour faire changer les choses .un grand merci.
    marielle D.

  • Merci Etienne sur le diagnostic et la conscience de nos difficultés pour trouver une perspective et un levier de riposte à ce viol des principes démocratiques.

    Ce rajoute à ces difficultés les délais impartis qui sont absorbés par l’assaut au pas cadencé pour ne pas nous laisser le temps de convaincre et de riposter. Et c’est justement ce que nous avions eu en 2005, un peu de temps et une perspective centrale, le référendum.

    Mais au positif je pense qu’il y a plus de résistances à ce viol dans les couches populaires en Europe. Ce qui manque ce sont des facteurs de cristallisation à l’échelle européenne de cette résistance. ces facteurs n’existent pas, les terrains d’expression de la mobilisation ne sont pas trouvés , on nous bombarde à haute altitude.....

    Copas

    • "Mais au positif je pense qu’il y a plus de résistances à ce viol dans les couches populaires en Europe. Ce qui manque ce sont des facteurs de cristallisation à l’échelle européenne de cette résistance. ces facteurs n’existent pas, les terrains d’expression de la mobilisation ne sont pas trouvés , on nous bombarde à haute altitude...."

      Et alors ? Sortons nos armes anti-v(i)ols !! Il suffit de regarder autour de nous : une très large convergence du mouvement social est en train de se former, à l’initiative de l’Alternative libertaire, autour d’un facteur de cristallisation assez important, et qui s’appelle "droit à un revenu individuel décent" avec, pour référence, le "SMIC revalorisé et des droits sociaux afférents (logement, santé, transport, formation, points rétraite, progression de carrière ...)".

      Des débâts de concertation très intensifs sont en cours (RdV par exemple, à Paris, le 6 novembre, de 18h-20h, Bourse de Travail) entre les portes-paroles de syndicats (CGT chômeurs, FSU ...), des associations, collectifs et réseaux en lutte contre la précarité sous l’égide d’AC !, Attac, et la Confédération paysanne ...
      Un tel revenu individuel doit être reconnu à TOU(TE)S, il doit être INCONDITIONNEL et inscrit à la CONSTITUTION comme un DROIT DE L’HOMME.
      Angela Anaconda

  • Signez la pétition sur http://www.respecteznotrenon.org/europe/component/option,com_wrapper/Itemid,81/ :

    Le projet de "traité modificatif européen" nous concerne tous. Les citoyens doivent pouvoir se faire une idée par eux-mêmes et décider librement par leur vote comme ils l’ont fait le 29 mai 2005. C’est pourquoi nous exigeons un véritable débat public sur ce texte et la tenue d’un référendum.

  • Merci à Etienne de re-réagir.

    Lors de la bataille contre le projet de constitution, son intervention personnelle, a été un évènement positif.

    Qu’un individu engagé aux côtés des forces politiques a su créer plus de résistance de la part de nombreux amis.

    Pour ma part, engagé au sein du PCF, le combat était déjà d’une grande clarté, mais pour de nombreux copains, ce fut une bouffée d’air pur.

    Salut fraternel.

    Le Rouge-gorge

  • IL va encore falloir que je dépose plainte auprès du Médiateur européen... Marre ! De voir violée en direct live (!) la déclaration française de 1789 !?

    • Citons le pseudo-aristocrate Dominique Galouzeau de Villepin, lui-même cité par Franz-Olivier Giesbert (ancien directeur de la rédaction du Figaro) La tragédie du président (Flammarion)."page 284 :

      "La France a l’air a la ramasse. Mais observez là de près. Elle a les jambes écartées. Elle attend désespérément qu’on la baise : ça fait trop longtemps que personne ne l’a honorée."

      Notre gouvernement est un gouvernement de prox handicapés !

      Ils violent, ils exploitent et vendent des êtres humains, ils tuent... et n’ont pas d’odorat : la puanteur ne les fait pas fuir.

    • Villepin,beau gosse n’a pas de mal à "Baiser" les belles bourgeoises.Mais il ne doit pas confondre les femmes de la bourgeoisie à la France populaire qui divorce à tour de bras et qui peut "divorcer" très vite de Sarko avec son traité "pourri".Le passage en force causera des dégâts collatéraux comme en Irak et cette europe de Maastricht s’écroulera comme un château de cartes comme l’ex-URSS.Je ne crois pas à cette Europe avec des peuples si diffèrents dans leur histoire ,leur culture et leur langue .Les craquements se font déjà entendre en Irlande,en Ecosse,au pays de galles,en Flandre,en ex-RDA,en Lombardie,en ex-yougoslavie,en slovaquie,en Corse,en Catalogne,au pays Basque et peut-être bientôt en bretagne,en Alsace,en Savoie,en Provence et ailleurs .L’Union Européenne n’unit pas ,elle divise les peuples par le dumping social et le marché capitaliste .Retrouvons notre monnaie et notre indépendance en virant tous ces technocrates et politiciens qui nous appauvrissent et nous violent tous les jours sans nous demander notre avis .L’Europe c’est une mère "Maquerelle" sans foi ni loi .......Et je pèse mes mots ............Bernard SARTON,section d’Aubagne

  • Je ne sais pas ce que dit exactement le Traité de Lisbonne, donc je ne peut porter aucun jugement fiable sur ce sujet !! Mais en revanche je peut doutter de ce que veulent nous affliger nos dirigeants français et européens car j’estime que pour un sujet de pareil importance, car il nous cocerne tous, nous citoyens européens, le devoir des politiques et de nous en parler, de nous l’expliquer, et surtout nous demander notre avis. Dans le cas contraire les journalistes devraients enquéter afin de nous ouvrir les yeux. Mais tout le monde sai que nos amis les journalistes sont les "hauts parleur" du gouvernement, se sont les toutous de notre cher Présindet de la République, rien de plus. Mise à part nous raconter les histoires du couple de l’Elysée et nous dire que demain il va pleuvoir je ne vois pas à quoi lis servent !
    Z

  • Malheureusement poster des commentaires sur cet cet article n’y changera rien. Une action plus radicale et percutante doit être envisagée, il est vrai que le référendum aura lieu en Grande-Bretagne et qu’à priori il y a peu de chances que les brittaniques disent oui, mais mieux vaut prévenir que guérir.

  • pour avoir une idée de la complexité folle du Traité Modificatif,enteriné a Lisbonne
    il faut prendre connaissance de l’analyse detaillée (un vrai casse tete) :

    Projet de traité : ce qu’ils nous préparent

    "Les [dirigeants européens] ont décidé que le document devait être illisible... pour que les citoyens soient contents, de produire un document qu’ils ne comprendront jamais !" et ainsi d’éviter les appels à référendum... C’est dans ces termes hallucinants que l’ancien Premier ministre italien Giuliano Amato, co-auteur du traité constitutionnel et inspirateur du mandat de l’actuelle CIG, s’exprima le 12 juillet à Londres devant le "Centre pour la réforme européenne". L’Observatoire de l’Europe après le Non vous propose le décryptage complet, par Romain Rochas, de la méthode et du mandat qui président à l’élaboration, en ce moment même et dans la plus grande discrétion, du texte destiné à camoufler le recyclage de la Constitution européenne rejetée.

    Romain ROCHAS
    Chef de division honoraire de la Cour des comptes européenne

    http://www.observatoiredeleurope.com/Projet-de-traite-ce-qu-ils-nous-preparent_a725.html

  • Citant un article paru hier dans le Guardian, Richard Corbett, député européen, sur son blog,

    http://www.richardcorbett.org.uk/bl...

    rappelle aux Britanniques ce qu’il leur en coûterait de quitter l’Union européenne. C’est probablement aussi valable pour les Français !

    "La route vers la sortie [de l’Union Européenne] est parsemée d’embûches : quatre décennies de "directives" à déchiffrer et à remplacer, réexamen des subventions accordées ou sur le point de l’être, accords concernant la pêche, l’agriculture, le commerce, l’immigration à renégocier. Ce ne sera pas comme casser sa raquette et quitter le court en colère. Ce sera une affaire extrêmement sérieuse et qui prendra beaucoup de temps"
    Sans parler qu’il ne faut pas s’attendre à ce que nos partenaires fassent preuve de beaucoup de bienveillance à notre égard si nous décidions de claquer la porte de la maison que nous avons contribué à construire avec eux depuis des dizaines d’années. Ne comptons pas sur notre puissance économique : nous représentons moins de 10% du commerce de nos partenaires alors qu’ils représentent 62% du nôtre. Et une fois dehors nous n’aurons plus voix au chapître pour ce qui concerne les régles communes du marché commun - notre principal marché d’exportation aux règles duquel nos entreprises devront s’adapter de toute façon.
    Il faut être écervelé pour proposer ce scénario. Cela explique peut-être pourquoi certains le proposent….

    "The route to the exit is littered with obstacles : four decades’ worth of directives to unscramble and replace, funding promised or under way to be reappraised, fishing and agriculture deals to be haggled afresh, trade and immigration understandings to be understood again. This won’t be like breaking your tennis racket and storming off court. This has to be a long, deadly serious business"

    Not to mention that there would be precious little goodwill from our partners if we were to storm out slamming the door of the house we have helped to build over several decades. Nor could we rely on economic muscle : we represent a smaller percentage of their trade (under 10%) than they do of ours (62%). And once we were out, we would no longer have a voice around the table in making the common rules for the common market - our main export market which our producers have to adapt to anyway.

    Seems to be a no-brainer – maybe that explains who is supporting it !