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Commentaires de la CGT sur l’étude Alpha / CGT sur les chartes éthiques...

Publie le jeudi 25 mars 2004 par Open-Publishing

Commentaires de la CGT sur l’étude Alpha / CGT sur les chartes éthiques
et codes de conduite des grandes entreprises françaises

L’étude réalisée par le groupe Alpha en collaboration avec la CGT participe de la volonté de la CGT de faire de la « responsabilité sociale des entreprises » un nouveau champ d’intervention sociale pour les salariés et plus généralement pour les populations (consommateurs et/ou habitants de proximité).

Cette étude est la première du genre d’abord :

 par l’étendue de son champ d’investigation (les entreprises du CAC 40 et les grandes entreprises françaises non cotées),

 par son objectif qui est de faire le bilan des chartes éthiques et codes de conduite mis en place par celles-ci et de proposer des voies d’actions pour les salariés leurs organisations syndicales mais aussi les associations et ONG,

 enfin par sa diffusion qui, mondialisation oblige, sera assurée auprès des organisations syndicales des pays concernés par l’activité de ces firmes d’origine française, aux fédérations syndicales internationales ainsi qu’aux institutions internationales.

Le fait que cette étude unique aujourd’hui soit réalisée en collaboration avec une confédération syndicale marque tout à la fois la préoccupation du syndicalisme sur ces questions et la volonté de celui-ci de « reprendre la main » sur des terrains dont il a été (avec son tacite consentement ou sans celui-ci) exclu.

Cette étude lourde s’inscrit dans une suite d’actions de la CGT sur ce thème de la RSE dont la première fût la réalisation d’un étude (toujours en collaboration avec le groupe Alpha) sur la façon dont les entreprises s’étaient acquittées en 2003 de leur obligation au titre de la loi NRE (Nouvelles régulations économiques) de rendre compte des conséquences sociales et environnementales de leurs activités. Le succès de cette première étude réalisée en octobre 2003 - largement médiatisée et parallèlement diffusée au sein de nos organisations et par l’intermédiaire du TUAC (Commission syndicale consultative auprès de l’OCDE) aux organisations syndicales des 30 pays membres de l’OCDE- nous ont encouragé à poursuivre ces travaux de réflexion et de propositions sur des thèmes peu stabilisés et très souvent déroutants pour les salariés.

Le scepticisme des salariés
Confrontés à la mise en place de démarches éthiques au sein des entreprises traduites par l’édition de chartes et autres codes de conduite, les premières réactions des salariés sont en général empreintes d’un fort scepticisme ; elles se traduisent parfois par un rejet ou au moins par des réticences, parfois par de l’indifférence.
Pour la CGT tout ceci est parfaitement compréhensible et souvent très salutaire !

Ainsi, comme le met en évidence de façon éclatante l’étude Alpha/CGT :

 les chartes éthiques et codes de conduite sont dans la quasi-totalité des cas des documents unilatéraux à la définition desquels ni les salariés ni leurs représentants ne sont associés. 80% des documents étudiés ne font même pas référence aux différents acteurs sociaux et en particulier les représentants du personnel ! 5 entreprises seulement sur les 40 étudiées ont mentionné une consultation du comité d’entreprise ou de l’instance de dialogue européen !

 Les engagements des entreprises ont tout du Canada dry : la couleur, le goût, l’odeur d’engagements mais ceci n’en sont de réels que dans de très rares exceptions. Ainsi, 70% des codes étudiés mentionnent des engagements qui ne peuvent donner lieu à une mise en oeuvre spécifique et immédiate. 9 entreprises seulement (Accor, Arcelor, Axa, Carrefour, Dexia, Lafarge, Rhodia, ST Microelectronics et Vivendi Universal) définissent des objectifs concrets et mesurables. 35% seulement font référence explicitement aux conventions fondamentales de l’OIT et 15% aux principes directeurs de l’OCDE en direction des multinationales. Au surplus, ces codes usent et abusent de novlangue managériale, renforçant encore le malaise.

 Les contrôles des engagements sont inexistants ou réservés à des comités éthiques internes (70% des cas étudiés) composés de cadres dirigeants et souvent uniquement en charge de la rédaction d’un simple rapport annuel... Une seule entreprise (Carrefour) est dotée d’un contrôle externe pour sa Charte contre l’exploitation des enfants et le travail forcé qu’elle impose à ses fournisseurs et sous traitants (collaboration avec la FIDH) mais là encore les salariés n’y sont pas associés.

 Le périmètre d’application des codes et chartes est en général réduit. Il ne prend en compte que les personnels « stables » et excluent les salariés improprement baptisés « de second rang » c’est-à-dire ceux des fournisseurs et sous-traitants en cascade.
Ce bilan sévère mais qui s’appuie sur une étude exhaustive des pratiques des entreprises en la matière, montre qu’aujourd’hui les chartes et codes éthiques sont avant tout des outils au service du management des entreprises (dans des logiques de protection et/ou de motivations des salariés). Pour la CGT, ceci doit changer !

Normes sociales et contre-pouvoirs à l’ère de la mondialisation
Le rejet ou l’indifférence légitime qu’inspirent aujourd’hui ces documents ne relevant souvent que du marketing éthique ou pire reportant sur les salariés des responsabilités qu’ils n’ont pas les moyens d’assumer (prescription supplémentaire et injonctions contradictoires) n’ont pas vocation à être éternels.
Dans le cadre de la mondialisation, la création de normes sociales à l’échelle internationale est un objectif pour le syndicalisme. C’est donc d’abord les contenus qu’il faut pouvoir débattre comme les moyens de contrôle à y associer.
Les pouvoirs publics (nationaux, européens et internationaux) ont un rôle décisif à jouer pour accompagner des dynamiques sociales fondées sur des négociations entre acteurs sociaux.

Pour la CGT, il apparaît ainsi décisif :

 De renforcer les droits d’intervention des salariés et de leurs institutions représentatives dans la gestion des entreprises et le contrôle de leur activité. Ceci suppose de donner une place aux salariés au sein des gouvernements d’entreprise (ce que ne prévoit pas le projet de l’OCDE en cours de négociation sur ce point).

 D’engager la négociation d’Accords cadres (« Framework agreements ») entre multinationales et fédérations syndicales internationales, afin d’agir dans le sens de l’émergence d’un droit social international qui fait aujourd’hui défaut. Il s’agit de durcir la « soft law » qui caractérise les chartes et codes de conduite aujourd’hui existants.

 De renforcer les pouvoirs des institutions internationales telle l’OIT

Des propositions immédiates pour les organisations syndicales
Au-delà, la vocation de cette étude qui sera très largement diffusée auprès notamment des organisations de la CGT est de mettre en évidence des points pratiques et immédiats à défendre lors de la mise en place des codes et chartes d’entreprises.

Parmi ceux-ci :

 Exiger la négociation de ces codes et chartes avec les organisations syndicales, ceci sur l’ensemble du périmètre de l’entreprise (pour les différents pays d’implantation de l’entreprise et pour les sous-traitants et fournisseurs).

 Définir des engagements concrets et mesurables, notamment en systématisant les références aux conventions de l’OIT.

 Mettre en place des dispositifs de contrôle indépendants de ces engagements sociaux et environnementaux.

Le site de la cgt : http://www.cgt.fr/