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Bush joue au golf, la mort oublie Cuba.

Publie le dimanche 4 novembre 2007 par Open-Publishing
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MIAMI (Reuters). 1/11/2007 - "La tempête tropicale Noël a balayé jeudi le nord-ouest des Bahamas et s’est renforcée en s’éloignant des Caraïbes, où ses pluies torrentielles ont causé la mort de plus de cent personnes. Au moins 66 personnes ont péri en République dominicaine, la plupart emportées par des coulées de boue dans la localité de Villa Altagracia, près de Saint-Domingue. A Haïti, les services de la Protection civile ont confirmé la mort de 34 personnes. Une personne a été tuée en Jamaïque.
A Cuba, des milliers d’habitants de zones inondables ont dû être évacués mais aucun décès n’a été signalé. »

Le 19 janvier 2006 se tenait à l’EHESS (École des hautes études en sciences sociales), Bd Raspail, à Paris, un colloques au cours duquel, Jean Marie Théodat, géographe, maître de Conférences à l’Université Paris-I a exposé sur [« Trois modèles contrastés de perception, prévention et réaction face au risque climatique : Haïti, Cuba et Etats-Unis. »]

 A Haïti, en août 2004, le cyclone Jeanne a causé la mort de 3000 personnes. […] Pour l’orateur, avec la dissolution de l’État (suite à l’enlèvement le 29 février 2004, du président Jean-Bertrand Aristide par les forces armées françaises et états-uniennes) « personne ne s’est senti responsable. La population accepte le risque de manière fataliste. Aucune prévention n’a lieu. À l’annonce de l’arrivée du cyclone, les habitants n’ont pas bougé de chez eux et se sont contentés de protection magico-religieuse vaudou, mais face à l’aléa, de nombreuses personnes ont eu des réactions de panique. En l’absence de service public, seuls les ONG et les organismes internationaux tels que la Croix Rouge ont pu intervenir, mais uniquement après le désastre, car ils ne peuvent pas prendre l’initiative d’évacuer la population ».

 S’agissant des USA il a noté la « défaillance totale des moyens collectifs de secours » devant le cyclone Katrina. Lorsqu’il a frappé « les plus jeunes, les plus motorisés et les plus riches se sont mis à l’abri. Les victimes ont été les plus vieux et les habitants des quartiers défavorisés. Le dilettantisme des autorités politiques a choqué la presse internationale : Georges Bush jouait au golf lorsqu’on lui a annoncé les désastres du cyclone à la Nouvelle-Orléans ; il a terminé sa partie avant de s’en préoccuper. Or dans ce système, chacun est jugé responsable de sa propre survie. »

 « A Cuba, la population est sur le qui-vive depuis l’embargo de 1962 et la menace d’une intervention américaine contre le régime de Castro. L’ouragan Wilma, malgré sa violence, y a fait très peu de victimes. « Cela fait 45 ans que nous sommes préparés à cela », a déclaré Castro. La population a reçu une préparation quasi militaire à l’invasion américaine. Il existe un système de mobilisation par quartier pour une évacuation vers des abris avec l’aide de l’armée et à chaque quartier est affecté du personnel médical. Malgré des moyens économiques faibles, la population ne se sent jamais abandonnée par l’Etat, et l’organisation d’une police populaire minimise les risques de pillage. En revanche, les déplacements se font de manière autoritaire ; le respect des consignes d’évacuation est conçu comme un devoir civique. Le prestige de ce régime autoritaire est en jeu dans de telles situations ».

Et le géographe conclut ainsi : La perception du risque climatique est totalement liée aux aspects culturels, économiques et surtout politiques. La prise en compte par l’État de la fonction sanitaire est fondamentale. Les différents pays de la région caraïbe présentent des situations très contrastées, voire extrêmes. À l’engagement civique des citoyens et la gestion autoritaire des risques par l’État cubain qui permettent de minimiser les dégâts, s’opposent d’une part le système libéral et individualiste des États-Unis et d’autre part l’absence de prévention et la dilution totale des responsabilités en Haïti, tous deux générateurs de désastres. »

Passons - car l’essentiel est ailleurs, et il l’a assez bien dit - sur le choix des mots par le conférencier : le « régime de Castro » est « autoritaire » (martelé trois fois).
Katrina est arrivée le 29 août 2005 sur les côtes de la Nouvelle Orléans.

Les Etats-Unis sont un pays exposé à de gros risques naturels. Mais les habitants n’ont bénéficié d’aucune aide efficace, d’aucun retour d’expérience, d’aucune sollicitude du gouvernement. Mal renseignés, affligés d’un taux d’analphabétisme qui complique la communication, sans consignes, invités à prier ( !), ignorant que les digues avaient cédé, beaucoup n’avaient pas reçu l’ordre d’évacuation et ceux qui l’avaient reçu étaient méfiants envers la police et les Autorités. Ils craignaient de surcroît de laisser leur maison aux pillards. Quitter la métropole ? Par quels moyens ? Vers où ? A eux de se débrouiller.

L’impéritie s’est traduite par l’engorgement des routes, des entassements dans des stades, des pénuries de nourriture, d’eau, de couvertures, de toilettes.
Bilan de la rupture des digues : 80 % de la ville de la Nouvelle Orléans inondée, 230 000 km2 de terres dévastées, 270 000 logements, détruits, 200 milliards de dégâts, plus de 1000 morts.

George W. Bush a refusé l’aide de Cuba et du Venezuela. Puis, sa mère a exprimé sa crainte de voir les survivants, réfugiés au Texas, vouloir s’y installer (Des pauvres ! Noirs de peau !).

Marjorie Cohn, est professeur de Droit à la Jefferson School, vice présidente du Syndicat National des Juristes et représentante du Comité Exécutif de l’Association Américaine des Juristes. Dans un texte intitulé « Les deux Amériques », elle pose la question :

[« QUEL EST LE SECRET DU PRÉSIDENT FIDEL CASTRO ? »]

"En Septembre dernier [2004] un typhon de catégorie 5 a frappé la petite île de Cuba avec des vents de de 290 Km à l’heure. Plus d’un million et demi de Cubains ont été évacués sur des hauteurs. Bien que le cyclone ait détruit 20 000 habitations pas un seul Cubain n’est mort.

Quel est le secret de Fidel Castro ? Selon le Dr Valdes, professeur de Sociologie à l’Université de New Mexico et spécialiste de l’Amérique Latine « toute la société civile de défense est engagée dans la communauté pour travailler de concert. La population sait d’avance où elle doit aller ».

Le dirigeant cubain intervient d’avance à la Télé. Cela contraste avec la réaction de Bush au Cyclone Katrina. Le jour après que Katrina eut atteint la côte du Mexique, Bush jouait au golf. Il attendit 3 jours avant d’apparaître à la Télé et 5 jours avant de visiter les lieues du désastre. Dans un éditorial cinglant de Jeudi le New York Times disait « Rien dans le comportement d’hier du Président- qui semblait désinvolte au point d’en être imprudent- rien ne témoignait qu’il comprenait la gravité de la crise en cours » .
« Coincer simplement des gens dans un stade est à Cuba impensable » dit Valdes. « Tous les abris sont pourvus en personnel médical de voisinage. Ils ont à Cuba des médecins de famille qui sont évacués en même temps que leurs voisins et savent d’emblée par exemple qui nécessite de l’insuline ».

« Ils évacuent aussi les animaux et les vétérinaires, les télés et les réfrigérateurs « ainsi la population n’est pas réticente à partir ne craignant plus que ses biens ne soient volés » remarque Valdes.

Après le cyclone Ivan , le Secrétaire Nations-Unis pour la Réduction des Catastrophes a cité Cuba comme modèle de prévention face aux cyclones. Son Directeur a affirmé « La voie Cubaine pourrait être facilement appliquée à d’autres pays ayant des conditions économiques semblables et même dans des pays ayant de plus grandes ressources qui n’hésiteraient pas à protéger leur population comme le fait Cuba ».

Le 6 septembre 2005, la journaliste italienne Emanuele Giordana écrivait dans Lettera 22 :

« Avec Ivan, La Havane n’enregistra aucune victime alors qu’aux Caraïbes on en compta 112, dont 35 aux Etats-Unis. Si on remonte plus loin, en 1998, l’ouragan George tua 4 personnes à Cuba et 600 dans le reste des Caraïbes. Pendant l’ouragan Charley, le dernier dans l’ordre chronologique, l’île de Fidel Castro enregistra 4 autres victimes. La Floride, 30. On pourra objecter que les chiffres de la population cubaine ne sont pas les mêmes que ceux des Usa (même si le bilan encore incertain de Katrina apparaît inimaginable) mais il est vrai que la stratégie préventive de Cuba est très valorisée à l’ONU, si bien que, comme Il Manifesto l’a déjà rapporté, quand le Sri Lanka post-tsunami demanda des informations sur le type de modèle futur de prévention à adopter, il se vit conseiller « un voyage à La Havane ».

La station de prévision cyclonique située dans la pointe ouest de Cuba est dotée d’un équipement moderne et de personnel compétent. Cependant, les moyens sont dérisoires si on les compare à ceux des USA. La différence est que Cuba, dans ce domaine, comme dans d’autres, investit beaucoup sur des ressources inépuisables et apparemment performantes qu’il trouve (qu’il a su mettre) dans le cœur de ses citoyens.

A Cuba, l’armée et la protection civile sont impliquées dans la gestion des catastrophes, mais aussi toutes les organisations sociales : syndicats, comités de quartier, coopératives. C’est-à-dire : la population. Du temps où il était en forme, Fidel Castro se rendait sur les lieux des cyclones annoncés, veillait à la mise en place des mesures de sécurité, expliquait la situation à la télévision. Autant d’excentricités qui lui attirèrent les sarcasmes des médias télévisés français : « Il est aussi chef de la Météo ! »

Aux USA, dans les premiers jours de la catastrophe, le général Blum a précisé que 27 000 soldats de la Garde nationale étaient déployés en Louisiane et dans le Mississippi et que ce chiffre atteindrait 40 000 la semaine suivante. Le gouverneur Kathleen Blanco a été explicite : « 300 soldats de la garde nationale viennent juste de rentrer d’Irak. Ils ont une certaine expérience des combats. Ils rétabliront l’ordre dans les rues. Ils ont des M-16 prêts à tirer. Ces troupes savent comment tirer et tuer et elles sont plus que jamais prêtes à le faire ».

Quant à Bush, le golfeur débonnaire, bonasse, libéral, dévot, chef de « la plus grande démocratie du monde », il fut, il est et il sera épargné de la folle impertinence bien connue de nos journalistes. Il est vrai qu’il est malaisé de persifler sur un chef d’Etat physiquement courageux, attentif au bonheur de son petit peuple et de celui des pauvres du monde entier.

D’autant plus qu’avec son armée pédagogue, il rêve tout haut de libérer quelques pays pour leur apprendre à se gérer à la mode de Louisiane.

Maxime Vivas

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