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Le crépuscule des jeunes

Publie le dimanche 25 novembre 2007 par Open-Publishing
6 commentaires

de Jean-Yves DENIS

Il y a quelque chose de pire qu’être vieux, c’est d’être un ancien jeune.

La défaite syndicale concernant la régime des retraites, c’est paradoxalement une victoire de vieux.

Mais c’est un faux paradoxe, il faut être un ancien jeune pour détester à ce point l’idée de devenir vieux.

Pauvres vieux qui crachent leurs haines des grévistes preneurs d’otages, qui ne peuvent que témoigner pour les jeunes absents de l’écran, absents de leurs vies, absents de leurs espaces de vieux inactifs.

Pauvres vieux qui imaginent que le blocage de leur vie morte est un complot contre leur liberté d’être égoïstes.

Putain, je me sens vieux moi aussi, je comprend la détresse des quasi morts.

"Il faut que la France se remette au travail", comment un vieux peut prendre cela autrement qu’une insulte à son état d’inutile futur et presque immédiat cadavre ?

Voilà la France Sarkozyste, une France de vieux qui déteste sa vieillesse.
Et qui pense que le jeune est un ennemi.

Des vieux qui ne veulent pas arrêter de travailler, et qui reprochent aux jeunes d’exister en trop grand nombre.

Une France triste, terriblement grise et sans horizon.

Pauvres anciens jeunes des années 60 qui avaient des chemises à fleurs plutôt que des vestes à boutons, parce qu’à l’époque de votre jeunesse vous aviez une longueur d’avance sur la saison des vieux de votre temps.

Pauvres anciens jeunes, qui radotent maintenant sur les vertus du travail et de l’effort, alors que vos muscles ne pourront bientôt plus vous porter.

Pauvres de vous, pauvre de moi, futurs morts, futurs bourgeois honnêtes.

En ouvrant les yeux, on constate que les jeunes pauvres n’ont pas de logement et des boulots à la con, et les pauvres vieux un logement mais plus de boulot car trop vieux, donc futurs expulsés.

Le destin commun des pauvres du 21eme siècle est donc d’être SDF.

Regardez cette petite vieille, Dominique Voynet, ancienne écologiste.
Devenue VRP de Mac Donald, alors qu’elle a déjà une retraite à vie de sénatrice de la république Sarkozienne.

Moi je la comprend, je suis assez vieux pour me rappeler l’époque où il n’y avait pas de Mac Donald partout.

Dans les années 80, il fallait aller à Paris pour trouver un Fast Food, c’était un truc tendance.

D’ailleurs les fils de pauvres allaient à la cantine, alors que les rejetons de bourgeois aisés snobaient les cantines d’écoles communales pour se nourrir de viande morte libre américaine.

J’étais jeune à l’époque, et je me rappelle bien que j’avais envie de savoir comment c’était un Mac Do.

Car en Banlieue il n’y en avait pas encore à chaque zone commerciale de supermarché.

Maintenant, le Mac Do c’est clairement un truc de pauvre, plus aucun bourgeois branché ne va mettre les pieds dans ce qui est devenu une cantine payante pour pauvre, avec toujours la même viande morte standardisée et aseptisée.

De la même manière qu’il est devenu vulgaire, pour un membre du P.S ancien jeune, de dire clairement et sans hésitation qu’il est pour la grève par principe, c’est pareil pour un ancien écologiste, c’est vulgaire de se rappeler sa jeunesse en étant contre la bouffe graisseuse.

ça fait pas moderne, ça fait vieux, et donc ça fait peur, à partir de plus de 50 ans.

C’est difficile à expliquer à un jeune, le crépuscule de sa propre jeunesse.

J’espère qu’un lecteur jeune excusera l’approximation de cet article, qui pourtant je le jure tente d’être sincère.

La révolution ne peut pas être autre chose que jeune, c’est en cela qu’un lecteur jeune doit faire preuve s’il le peut d’un peu de tolérance pour tous les futurs vieux comme moi.

Mais par contre, en tant que néo-vieux, je n’éprouve aucune sympathie pour toute cette racaille vieille qui fait semblant de ne pas admettre cette évidence, les jeunes sont l’avenir.

Eux, les éternels anciens jeunes qui ne veulent jamais s’arrêter, qui pensent qu’il seront toujours actifs jusqu’à la fin.

Qui veulent cumuler plusieurs travails, avec retraites complémentaires en plus de leurs placements banquiers.
Eux, ils sont les tueurs modernes.

Qu’ils crèvent.

Alors si les jeunes sont l’avenir, admettons que nous sommes leurs passés, et acceptons d’être des retraités.

Et admettons que pour qu’ils puissent payer nos retraites de vieux, il faut plus de justice sociale, une politique de logement massivement favorable aux revenus faibles, une politique de lutte contre le chômage massif qui passe par l’acceptation de notre génération de vieux d’arrêter de travailler pour laisser la place aux jeunes.

Sinon, cela sera le crépuscule des jeunes, et un monde de vieux.
Moi, personnellement, je préfère être un vieux con inactif dans un monde de jeunes.

Messages

  • j’ai vu ce preportage ou des retraité pas pauvres bossent comme des malades afin de tenir leur chambres d’hôtes , la femme au ménage, à la cuisine , faisant les courses, le mari qui bricole toute la journée , super retraite, terminé les vacances, les voyages . Ils finissent leur vie, larbins pour touristes anglais fortunés !

    Ils devaient rager contre les grévistes et les jeunes étudiants ces vieux accrocs du travail qui ne veulent pas raccrocher pour "3 francs 6 sous" !

    Moi à la retraite promis juré , Je joue aux boules , bateau, ballades, lecture, manif, calins en bref super actif, juste pour le plaisir !

    Boris

    • Les vieux ne bossent plus ou alors seulement parfois du bout des mains
      Même riches ils sont pauvres, ils n’ont plus d’illusions et n’ont qu’un lendemain
      Chez eux ça sent l’Chérèque, le crade, la balance et la céeffedété
      Que l’on vive à Paris on vit tous en précaires quand on bosse trop longtemps (...)
      Et s’ils tremblent un peu est-ce de voir vieillir le nabot fatigant
      Qui ronronne comme Fillon, qui dit oui qui dit non, qui dit : je vous attends...

       :)

      Jacques Brunz

    • Brel...Brel... Je comprends mieux maintenant pourquoi il n’a même pas atteint les 50 piges.
      Ce à quoi nous assistons maintenant est-il autre chose que la mise au grand jour de l’incommensurable connerie humaine ?

  • C’est ben vrai, ça, Père Denis. En ce qui me concerne, j’ai fait un petit calcul : compte tenu de ce que l’etre humain peut vivre cent vingt ans, j’ai encore devant moi plusieurs décennies de retraite, et quand je pense à tous les REACS, de TOUS les sexes et de TOUS les ages que je vais pouvoir emm....... j’en salive de contentement. Ou bien alors, peut-etre que je vais acheter une ile déserte. Mais si je m’y installe, elle ne sera plus déserte. P.....que c’est compliqué. Vieux stal borné.

  • Nous sommes des centaines de milliers d’anciens jeunes à partager ton point de vue, Jean-Yves. Tu as raison sur tout. Mais surtout tort d’avoir raison en ces temps d’absurdité triomphante où la crétinerie, règnant en maîtresse absolue, a révélé (à qui l’ignorait encore) les limites de la nature humaine. Hélas, il faut en passer par cet abysse, pour que, sur les cendres du désastre, la nature humaine progresse à nouveau. Malgré ma tignasse blanche, je me sens plus jeune de jour en jour, prêt à en découdre avec le dangereux Sarkozy et sa bande de fous. Malheureusement, sans les "vieux" jeunes qui ont voté majoritairement pour lui, le "salut" n’est pas pour demain !

    Verdi

  • T’as à t’excuser de rien. Ce que tu dis est bien mieux dit que dans tous ces argumentaires avec les points en bas au bout, et les virgules qui rangent tout ça comme il faut.

    Ton texte est vivant. Et nous nous sommes morts, peut-être pas autant que ceux qui sont écrasés de la tête au point de gueuler pour que les maîtres les écrasent encore.

    On est morts, on a une vie de comptes, de routines, de fatigues et d’écarts dans la tanière, dans la rue ou l’hopital si ça va pas. On a vie qui se dit tous les jours, "c’est pas moi ça". On a vie qui est mal, tout le temps, des cernes du matin aux cauchemars de la nuit.

    Et nos amis, et notre femme qui disent de ces mots à moitié morts, qui vous serrent de rien et qu’on a envie que tout ça s’arrête.

    Soleil Sombre