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Une approche zaz sur l’Université

Publie le dimanche 9 décembre 2007 par Open-Publishing
1 commentaire

Avertissement :

Comme le lecteur le sait déjà, la mention "zaz" accompagnant nos textes indique une manière d’écrire légèrement décalée, qui ambitionne par un éclairage oblique à plus de perspicacité dans l’analyse politique.

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Le morceau émergé de l’iceberg universitaire tel qu’il apparaît dans la présente actualité nous dit-il bien toute l’ampleur, tout le sens des choses cachées, en bien ou en mal, sous la ligne de flottaison ?

Le mouvement contre la loi LRU ou loi Pécresse, est-il à tous, est-il à lui même, est-il en soi, à cette heure, parfaitement intelligible cinq sur cinq jusqu’au bout dans ses implications possibles ?

Un gros morceau du défrichage a sans doute été fait, et entendu, sur le sujet depuis deux mois, on sait parfaitement de quoi se nourrit le front du refus, il reste peut-être, nous semble-t-il, à produire une contribution plus nette et claire sur ce que pourrait être en définitive l’université et sa mission, si on ne l’a pas enterrée déjà, ou immobilisée pour de bon dans un fauteuil d’infirme. A quoi doit servir l’université ? Quelles sont ses fins ? voilà la question encore défaillante.

Mais d’abord : là, pourquoi cette loi LRU, soudaine, impromptue, sur l’université et pourquoi toute la révolte contre elle ?

Un article de Luc Cédelle dans le Monde (Cf. 21 nov.) ouvrait, si l’on peut dire compte tenu de la date de l’article, l’affaire de la manière suivante :

"Adoptée en août dans un relatif consensus, la loi Pécresse sur l’autonomie des universités suscite depuis la fin du mois d’octobre un vent de contestation qui n’a cessé de se renforcer.

Dans les assemblées générales, le message-clé, qui mobilise les étudiants est le suivant : cette loi organise la privatisation de l’université. Messages associés : son application mène à l’augmentation des droits d’inscription, à l’instauration de la sélection à l’entrée de l’université et à la suppression des filières non rentables."

"C’est faux !" rien de tel n’est écrit, observait en gros Luc Cédelle, lequel était bien sûr d’humeur à la fois formelle et espiègle ce jour-là.

De fait, la loi n’annonçait pas, elle s’en gardait, de turpitudes explicites pour l’avenir : en même temps, personne ne pouvait faire semblant d’ignorer l’air du temps, la ligne de pente qui mène vers l’indispensable fric

Car il est peu de dire que medias, politiques, et universitaires "branchés" poussent à des idées friquantes, "modernistes", libérales et nord-américaines : Fundraising, mécènat, chaires privées à la charge des entreprises, contrats de recherche, fric fric fric, blabla blabla, on connaît.

Ces idées n’ont dans l’immédiat, prudemment, principe de précaution, pas emballé les étudiants, lesquels savent que pour les cuistres compétents la martingale de la pensées futée tient en trois trucs infaillibles capables même de soigner les rhumatismes : excellence, sélection, pognon, par lesquels même des canassons deviendraient des purs sang.

Excellence, sélection, pognon. Braves gens étudiants, quels canassons voulez vous être ? : Plus exactement ça vise à quoi, l’université ? Les fins présupposables, hiérarchisées, contradictoires, enchevétrées de l’université

L’excellence est sans doute l’idée la plus radieuse qui nous soit débarquée dans le monde présent, avant on n’y avait pas forcément songé, excepté bien sûr pour les chirurgiens, les garde-barrière et les aiguilleurs du ciel. Car regardez bien, "excellent", ce n’est pas seulement bon, c’est bon de bon, très bon de très bon. Tu n’as pas aujourd’hui, un maître de conf. ordinaire, qui ne veuille te faire dans le super. C’est le maître-mot, c’est la magie du mot, c’est Noël toute l’année. Le géographe veut produire des géographes excellents (ce qui peut faire rigoler), le matheux des matheux d’excellence (ce qui peut faire parfois pleurer). Normalement dans la vie, il faut bien sûr fuir les produits mauvais, produire des produits bons, mais on pourrait imaginer que les faire excellent c’est de l’excès et de la déperdition, dans beaucoup de cas du gaspillage. Bof !

L’autre truc est le couple sélection-pognon. La pensée supérieure de l’enseignement supérieur a découvert au XXe siècle après énormément de réflexion que sélectionner, puis sélectionner de sélectionner, puis mettre plein de pognon donne un résultat sélectif de très bonne qualité. Un cheval super-sélectionné en effet court plus vite qu’un cheval moins sélectionné.

Sur ce principe, la France républicaine, égalitaire, a imaginé l’Ecole normale supérieure, Polytechnique, voire plus tard Sciences po pour ceux qui ne savent ni les maths ni les lettres. Un président de la France faillit même faire passer la création d’un Institut machin coiffant notre beau pays où n’auraient pu entrer que les polytechniciens et énarques, et même une section spéciale où n’auraient pu aller que les majors des promotions de chaque. Tu vois donc si c’était hautement sérieux. On ne sait pas pourquoi, devant ça, la France a in extremis reculé.

Le système sélection-pognon a été mis en place pour déborder les galeux, les sans-grades, les médiocres non sélectionnés a priori de l’université. on a donc construit méthodiquement un double système aristo-oripeaux. Tout était parfait il y avait plein de d’écoles grandes, mais petites de taille et de grand talent, et plein d’universités extensives de grande surface et de petit rendement.

La grande question à laquelle personne n’a répondu à ce jour, c’est pourquoi soudainement le gouvernement a envisagé de regénéré une université française qui deviendrait dès lors excellente dans un monde où il n’y a pas de boulot pour les géographes, ni pour tous les matheux, ni même pour les chimistes et physiciens excepté certains, qui comme vous le savez sans doute, peuvent faire encore carrière dans le démarchage des roulements à billes.

On comprend quand même que les étudiants soient restés perplexes pour quelque temps devant la nouvelle proposition. Où est l’arnaque ? se sont-ils dit.

Ah mais je vois qu’il n’a pas été répondu à la question : A quoi sert ou doit servir l’université ?

C’est important d’y répondre mais en fait cette fois on va faire vite. On reprendra en une autre occasion.

1° Réponse classique. L’université est globalement le conservatoire de certains très remarquables savoirs et le lieu de leur continuation ou expansion. Corollaire : elle a pour beaucoup en ce sens une logique disciplinaire, à tant faire d’être excellent pour rien, là ce n’est pas idiot (ça correspond, pour ceux qui l’ont lu, à cette déclaration de la dame présidente d’Harvard, qui a beaucoup circulé (la déclaration))

2° L’université est le lieu où l’on apprend un métier. Ca peut se dire, pour certains de ces métiers. En réalité on n’a pas assez réfléchi au fait que l’université t’apprend en quelque sorte un job que tu n’exerceras pas mais qui te permettra d’en exercer un auquel tu n’avais initialement en aucun cas exactement songé.

3° Où l’on voit que l’excellence est pipeau stricto sensu, mais que l’université atteste en ce sens d’un niveau, d’une polyvalence générale. C’est sans doute sa première vertu.

4° De là, nous passons à ce droit démocratique inhérent à la démocratie (Cf. le préambule de 46). Tout citoyen a le droit d’accéder à l’enseignement, yc quand celui-ci est de niveau supérieur.

Fermons le ban.

Dans un esprit enfin rasséréné, promenade sur un campus sécurisé, ocsénisé

Supposons donc que le gouvernement de droite qui nous gouverne présentement (et même un de gauche après) soit de manière prouvée définitivement débordant de bonté, de générosité, et ne veuille que notre bien, mais de façon concertée : ah ben là, on pourrait revoir la copie !

D’abord tous, étudiants, prof, biatos, battants, batteurs, pourrions, rassérénés, porter dans les campus comme à Roland Garros, Magnicourt et sur les mers du Vendée globe, les teeshirts et les couleurs de nos très généreux sponsors : Gooyear, Firestone, Société générale, que sais-je ? Nous aurions très à coeur de manger Macdo si Macdo soutenait nos restaurants U en produits frais et bio. Même, nous irions suivre des cours d’armements non-léthaux si ceux-ci étaient financés par les éditions Dargaux et si Dassault en contrepartie financait les cours de tintinologie à la Sorbonne littérature.

Nous tiendrions aussi, comme à Harvard, la boutique lingerie fine, si on était logé à petits prix en contrepartie.

D’ailleurs, pour le moment on y est encore hostile, mais même une UER boursière nous deviendrait sympathique si sans arnaque, les banques nous étudiaient des plans d’études non-risqués à taux éminemment rabaissés.

Un monde meilleur est probablement possible, nous restons ouverts à toutes propositions. La seule question pour nous, en attendant, c’est d’ouvrir l’oeil.

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Ocsena, Organisation contre le système-ENA... (et pour la démocratie avancée)

 http://ocsena.ouvaton.org

Messages

  • Importance démocratique de la haute culture universitaire

    Avant, tout le monde voulait parler latin, c’était parce que le latin était indispensable. Tiens ,tu voulais dire par exemple : "Dans le doute je m’abstiens." tu faisais comment ? Et une nana te sortait "Donec eris felix, multos numerabis amicos" tu comprenais quoi ?
     Le gros avantage avec les maths déjà c’est qu’elle te fait pas un coup tordu comme ça.