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ALTERDEMOCRATIE / AUTRE DEMOCRATIE : LE TRAJET ET LE BUT.

Publie le lundi 17 décembre 2007 par Open-Publishing
5 commentaires

ALTERDEMOCRATIE / AUTRE DEMOCRATIE : LE TRAJET ET LE BUT.

(Pour CN et ses camarades)

Il n’est pas possible d’expliciter l’intégralité du volet "démocratie" du Manifeste d’ATTAC dans le temps imparti . La commission " démocratie " d’ATTAC a fournie un immense travail et certain nombre d’analyses sur la "démocratie réellement existante", ses méfaits et ses limites. Certains membres ont de plus dégagé des éléments de rupture en vue d’une "autre démocratie". Je vais inscrire mon propos dans cette vision étant précisé que les thèmes de la démocratie dans l’entreprise et de la démocratie en Europe - ce que je nomme "gouvernance européenne" - sont exclus de cette introduction.

1 - Préliminaire spécifique : Altermondialisme et altermondialisation.

Tout d’abord il convient d’avoir à l’esprit que l’altermondialisme signifie deux choses qui vont ensemble mais qu’il faut distinguer : d’une part le but qui est un autre monde, une autre Europe, une autre France et d’autre part les processus sociaux concrets convergents vers cette perspective que l’on nomme altermondialisation. Evoquer continuellement le processus - l’altermondialisation - sans dire le but - l’autre monde- c’est ce que j’ai nommé ailleurs mouvementisme. Le mouvementisme qui lutte en oubliant le but et les ruptures nécessaires pour y accéder n’est pas l’altermondialisme. L’altermondialisme ne forme pas un programme stratégique élaboré " par en haut " et mis en application par un parti discipliné à cette fin mais un projet non exhaustif, " non bouclé ", construit collectivement " en avançant " par l’action et le débat. C’est là sans doute le fruit de la crise du mouvement ouvrier international dont ATTAC est l’avatar.

S’agissant de notre thème, que j’ai appelé alterdémocratie ou "autre démocratie", il constitue le but recherché et la démocratisation n’est que le processus qui conduit à cette autre démocratie citoyenne et populaire. Cela doit être clair, notamment au regard de la " généralisation de l’intervention citoyenne " évoquée par le Manifeste qui relève du moyen à proposer sans évoquer le but. Cette généralisation de l’intervention citoyenne mérite d’être précisée en notant bien qu’elle implique des changements structurels profonds, une révolution multiforme.

Sur ce point, pour construire un autre monde, le Manifeste d’ATTAC propose de " scier les principaux piliers du néolibéralisme " ; ce qui signifie d’abord rompre avec trois logiques profondes du capitalisme que sont la financiarisation du monde, l’appropriation privée des moyens de production (sans la supprimer partout), la distribution des biens et services par le marché nécessairement sélective et inégalitaire car fonction de la demande solvable. Il ne s’agit pas de supprimer totalement le marché mais de réduire sa place et son influence qui place, via la concurrence généralisée et la " main invisible " du marché, les forces du profit avant tout et notamment des firmes multinationales au lieu et place d’un espace de décision démocratique pour le peuple et les citoyens ordinaires. L’alterdémocratie suppose aussi cette appropriation sociale.

Mais cela signifie aussi rupture avec les institutions politiques et administratives qui reproduisent le mode dominant de gestion-distribution du pouvoir et des pouvoirs. De nombreux changements à engager concernent les institutions du pouvoir d’Etat, du pouvoir décentralisé, du pouvoir répressif pénal et policier, du pouvoir d’influence idéologique médiatique.

2 - LA DEMOCRATIE VERITABLE, c’est le pouvoir populaire, tout le pouvoir au peuple !

Le terme de démocratie a connu plusieurs définitions et s’est vu accompagné d’adjectifs divers venant préciser le type de démocratie évoqué. A s’en tenir à la racine, démocratie signifie pouvoir du peuple. Une définition forte qui oblige à engager une réflexion à la fois sur le pouvoir et sur le peuple.

 LE POUVOIR dans les sociétés modernes se décline en deux sphères problématiques : le pouvoir d’Etat et les pouvoirs dans la société civile. A ce stade je dirais qu’on ne saurait l’envisager que d’un bout, soit du seul côté de la société civile, soit du côté de l’Etat. Par ailleurs on se trouve devant deux gros monstres problématiques - la nature de l’Etat et la division Etat/société civile qui ne vont pas être abordé ce jour et qui pourrait donner lieu à une formation plus pointue.

 Quant au PEUPLE, il est le sujet collectif de la démocratie comme le sujet de l’émancipation altermondialiste. Il est possible ici de déblayer le terrain . D’autant que le terme ne figure pas dans le dictionnaire Alter. Patrick TORT inscrivait le peuple dans un rapport social dirigeant / dirigé, qui est plus large (car non réduit à la sphère étatique) que le rapport plus classique entre l’élite gouvernants et la masse populaire gouvernée. Pour les altermondialistes, le peuple est sur un territoire donné l’ensemble de la population résidente y compris celle d’origine étrangère.
* Un premier niveau de complexité est à souligner si l’on introduit la notion de citoyenneté puisque l’oligarchie peut être citoyenne tout en n’étant pas ou plus "du" peuple selon l’acception sociologique.
* Un deuxième niveau de complexité survient par compaison avec des notions proches : multitudes, masses, société civile, mais aussi "couches populaires" (qui ne comprend dans une société de classes que les catégories sociales les plus basses : ouvriers et employés par exemple). Le diaporama ne contient pas ces dernières précisions comparatives.

3 - LA DEMOCRATIE LIBERALE

A - Une "démocratie" très restreinte !

Si l’idéal démocratique recoupe la formule de A Lincoln du " gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple "alors il est aisé de remarquer que notre démocratie actuelle en est loin, très loin. Le peuple n’y est "souverain’ qu’en dernier ressort . Nous vivons dans une démocratie " peau de chagrin ", très restreinte voire rabougrie tant dans le temps que dans son domaine d’exercice et ses modalités. Le domaine d’exercice de la démocratie représentative consiste seulement à élire des représentants dans le champ politique. Les modalités de ce choix sont très encadrées par les grands appareils d’influence idéologiques qui réduisent de milles façons la portée du geste démocratique. Quant au temps démocratique, il est ridicule au regard du temps travaillé et du temps de récupération de la force de travail comme du temps consacré à la consommation marchande. Le temps aliéné et exploité est largement supérieur au temps ou l’on peut entrevoir en filigrane de l’acte démocratique " la maîtrise de son destin ". La démocratie est de fait confisquée par une minorité qui gère le processus démocratique en le mettant sous tutelle ainsi que le dit le Manifeste. On pourrait alors dire qu’il s’agit d’une démocratie bourgeoise, c’est à dire bénéficiant à une classe, à une oligarchie à condition de dire aussi qu’elle est une longue conquête ouvrière (du mouvement ouvrier français en tout cas) . Une contradiction qui pèse plus dans un sens que dans un autre mais qui permet aussi d’affirmer que la démocratie est à la fois manipulation et point d’appui . Elle est donc par nature conflictuelle (cf contribution "Démocratie et pouvoir"). Il ne s’agit donc pas seulement de critiquer une " démocratie formelle " pour la faiblesse de ce qu’elle affiche dans ses textes fondamentaux, bien que ce soit nécessaire. Il s’agit aussi de critiquer les processus d’appropriation du fait démocratique par des couches sociales précises, élites politiques, élites médiatiques, dirigeants économiques le tout sur fond de crise sociale qui accentue la dépossession populaire.

Pour sortir de ce type de démocratie confisquée par une minorité - qui est plus une classe possédante qu’une aristocratie (des meilleurs) - il nous faut maintenant dessiner à grand traits cette autre démocratie et faire des propositions qui organisent une transition vers elle.

Auparavant un détour critique s’impose par l’explicitation 1 de la démocratie représentative et 2 de la démocratie participative.

B - LA DEMOCRATIE REPRESENTATIVE : conceptions et critiques

La démocratie représentative se conçoit sous deux formes (cf diaporama sur le site attac 35) dont l’une et meilleure que l’autre mais même dans ce cas nous sommes encore dans un cadre restreint .
Diaporama Christian Delarue / démocratie
 http://www.local.attac.org/35/Diaporama-propositions-sur-la.html

Les avatars modernes de la démocratie représentative :

Face aux critiques scientifiques de la représentation et au discours sur la "crise de la représentation" deux axes de réforme sont apparus : l’un par le bas plaide pour la gouvernance, l’autre par le haut fait oeuvre d’inventivité via la démocratie participative.

a) La gouvernance néolibérale tend à substituer la démocratie représentative par l’institutionnalisation de lieux de décisions ou interviennent des experts, des élus (qui ne sont pas le cadre de leur mandat direct), des réprésentants de la société civile qui sont des patrons, des syndicalistes, des représentants religieux, des associatifs. L’intégration des délégués syndicaux dans ces instances notamment au niveau européen est un danger pour les syndicats, d’autant que sévit parallèlement partout dans le monde une forte répression contre les syndicalistes de terrain.

b) La démocratie participative* se conçoit à côté de la démocratie représentative pour l’améliorer . Elle vise à soumettre aux débats des citoyens des dossiers qui ne le sont guère. Quelle est sa nature ? Béquille complémentaire de la démocratie représentative ? ou point d’appui pour une transition ? La démocratie participative est l’objet d’un enjeux : soit elle ne reste qu’un complément - de surcroît aisément manipulé par les élus - de la démocratie représentative, soit elle subvertie son cadre et permet un dépassement vers autre chose. La démocratie participative s’inscrit alors dans un cadre subversif global plus vaste de démocratisation générale de la société. J’ai tendance à penser ce processus comme l’aboutissement d’un mouvement de contestation sociale qui débute " en contre " d’abord puis peu à peu s’émancipe et tend à vouloir prendre en main son destin dans tous les champs sociaux. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

4 - VISONS UNE AUTRE DEMOCRATIE, tout autre chose que ce que nous connaissons !

Les choix démocratiques peuvent porter non seulement sur des individus titulaires de mandats mais sur des stratégies d’investissement productif au niveau national ou régional. Modifier la nature des mandats et élargir le champ de l’intervention d’une part à la détermination de la stratégie de l’entreprise (ce qui ne signifie donc pas la fin des gestionnaires) et d’autre part aux procédés de planification d’un alerdéveloppement (principalement producteur de valeur d’usage et moins de valeur d’échange) constitue deux ruptures franches avec la démocratie bourgeoise. On remarquera par rapport aux passages du Manifeste qu’il ne s’agit pas simplement de reconquérir les pouvoirs conquis jadis puis perdu avec la gouvernance néolibérale, un peu comme si un âge d’or démocratique avait précédemment existé. Il ne s’agit pas plus de se réapproprier un passé que le peuple n’a jamais conservé hors des rares périodes révolutionnaires.

La démocratie dans l’entreprise et la démocratie des choix de production planifié suppose un haut niveau d’auto-organisation du salariat, principal acteur de l’abolition du rapport social capital/travail.

Christian DELARUE

Membre de la commission nationale " Démocratie " d’ATTAC
Texte modifié d’une conférence ATTAC Manifeste du 20 janvier 2007

http://www.local.attac.org/35/Introduction-ALLER-VERS-UNE-AUTRE.html

Messages

  • Je suis désolé de ce texte qui ne traite aucunement du champ de pouvoir le plus intense dans nos sociétés , les entreprises capitalistes , principaux centres anti-démocratiques existants. Celles-ci ploient le monde aux intérêts qui les gouvernent. Elles se payent médias, hommes politiques, polices privées pour tordre la démocratie dans le sens de leurs intérêts assis sur une logique anti-démocratique .

    Elles sont cela mais également le lieu où la plus grande partie de la valeur se crée et est produite par l’exploitation des travailleurs grace à leur alienation et le despotisme qu’ils sont obligés de subir.

    Les droits des despotes des entreprises sont hors normes dans nos sociétés. Le citoyen qui y entre pour travailler perd les plus précieux de ses droits : liberté de circulation, liberté d’expression, menaces et chantages économiques, liberté d’organisation, liberté d’habillement, possibilités d’élire ceux qui les dirigent, liberté de la presse, respect des personnes, etc....

    Laisser vide ce champ qui, en même temps qu’il est despotique est le principal champ de pouvoir de la société c’est un peu comme réduire la démocratie à qui ira poser une gerbe sur les monuments aux morts, visiter les hospices et serrer les cuillers dans la rue.

    Ce champ dominé par la bourgeoisie, principal pourvoyeur de richesses concentrées dans le monde, contrôle l’essentiel de l’état qui agit, quelque soit ses locataires dirigeants politiques (de fait) , comme son parti politique, son armée, à son service.

    L’enjeu de la pénétration de la démocratie dans ces entreprises, c’est à dire la suppression des intérêts bourgeois et l’apparition d’une démocratie ouvrière est donc un enjeu énorme du débat sur la démocratie.

    Le laisser en zone grise , non traité , ce n’est pas seulement tourner les talons à un dogme de lutte des classes, mais à la réalité de la lutte des classes dans nos sociétés.

    C’est ainsi depuis 1 siècle et demi. Les luttes sociales qui s’y déroulent ne sont pas seulement l’expression d’un désir de meilleur partage de gâteau mais toujours indirectement un champ de contestation de qui dirige et qui décide dans une entreprise.

    Le soutien à ces luttes c’est également lever un petit coin de voile légèrement sur la bataille démocratique dans l’entreprise, pour que la bataille démocratique s’y installe et construise d’autres logiques.

    Chercher les chemins qui permettent à la démocratie de s’y installer c’est l’enjeu majeur dans notre société.

    Un processus qui, une fois accompli, porte un nom : la révolution.

    Copas

    • Il s’agit ici seulement d’une introduction à la démocratie existante et à une démocratie différente ou "l’intervention citpyenne se déploie dans le temps et dans différents espaces dont l’entreprise. Déjà Copas avait répondu sur ce sujet de l’entreprise. Je suis d’ailleurs d’accord avec lui mais il se trouve que ce champ de la démocratie a été étudié par un autre que moi dans ATTAC. L’autre démocratie introduit aussi des champs de citoyenneté hors de l’entreprise.

      Sur la batterir de mesures citées de transitions entre l’existant oligarchique et l’autre démocrtie je suis aussi pour la discution de leur contenu. D’ailleurs cela a été fait.

      Donc pas de polémique globalisante ou imprécise. Que faire d’une critique qui est si imprécise que l’on ne peut rien rectifier ou préciser.

    • Je suis par ailleurs intervenu un certain nombre de fois pour préciser des pistes concrètes de la lutte sociale et politique dans l’entreprise, telles que je pense qu’elles peuvent exister (reconstruire le mouvement syndical par la base et la démocratie, mener les batailles sociales par la démocratie des AG qui se coordonnent et se centralisent pour qu’un seul interlocuteur apparaisse face au patronat ou l’état.

      Mises en musique au concret dans les batailles sociales sur les retraites, demain sur les salaires et les 35 heures, contre les licenciements , etc.

      Mener des batailles démocratiques sur les libertés d’expression, d’organisation, de circulation, d’habillement etc dans les entreprises, ....

      Bref, je n’allais pas ré-expliquer ça en détail...

      Là on a affaire à un charabia comme dit un intervenant, j’en suis le premier navré, et je m’attendais à mieux avec une signature aussi prestigieuse portant indication d’un collectif à forte renommée pour son sérieux.

      Copas

    • Christian, laisse tomber les propos méprisants du 158-9 mais relis toi avant de poster.
      Et continue.

      Pascal

    • Copas n’a pas compris qu’il s’agissait d’une introduction et que la démocratie dans l’entreprise avait été développée par un autre camarade de Rennes (cf ATTAC 35)

      AM