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Politique de civilisation : Nicolas Sarkozy, Henri Guaino et Edgar Morin.

Publie le jeudi 3 janvier 2008 par Open-Publishing
5 commentaires

Nicolas Sarkozy est notoirement inculte et bien incapable d’élaborer la moindre pensée un peu complexe. C’est "l’intellectuel" Henri Guaino, principal conseiller et plume des discours officiels, qui livre au Président de la République les références utilisées dans ses opérations de brouillage historique et rhétorique. C’est à lui que l’on doit notamment l’instrumentalisation de la lettre du jeune résistant communiste Guy Môquet ou encore la récupération des noms de Victor Hugo, Charles de Gaulle, Léon Blum et Jean Jaurès.

On reconnaît facilement la patte d’Henri Guaino dans les archaïques discours présidentiels, à la fois par les relents maurassiens, voire pétainistes, de nature patriotique, nationaliste et raciste (Discours de Dakar du 26 juillet 2007) qui s’en dégagent, et par la façon dont il s’approprie sans vergogne et à l’évidence sans les comprendre des concepts élaborés eux par d’authentiques intellectuels humanistes.

Le discours des voeux télévisés du chef de l’Etat pour l’année 2008 n’échappe pas à la règle. Nicolas Sarkozy, ne quittant pas des yeux le texte de son prompteur, a annoncé aux français "une politique qui touche davantage encore à l’essentiel, à notre façon d’être dans la société et dans le monde, à notre culture, à notre identité, à nos valeurs, à notre rapport aux autres, c’est-à-dire au fond à tout ce qui fait une civilisation".

Il a évoqué en vrac le "retard de la France", les "Droits de l’Homme", "le goût de l’aventure et du risque", "l’environnement", etc, pour appeler de ses voeux rien moins qu’une "nouvelle Renaissance", "une politique de civilisation" pour la France du XXIe siècle qu’il prétend incarner. Qu’on se le dise, le sarkozysme est un nouvel humanisme et la France sarkozyste de 2008 déploiera sa grandeur dans toutes ses dimensions éthique, esthétique et morale, comme elle a d’ailleurs commencé à le faire en 2007 avec le Fouquet’s, Kadhafi, Vincent Bolloré, Rolex, Gala et Carla Bruni à Eurodisney.

La formule, bien soulignée, de "politique de civilisation" — titre d’un livre du sociologue Edgar Morin — a immédiatement fait florès.

Reprise par le premier ministre François Fillon, dont le gouvernement est évidemment "prêt à des réformes de civilisation", elle suscite toutefois quelques interrogations auxquelles ont tenté de répondre sans grand succès de vieux rhétoriciens de la droite extrême comme Roger Karoutchi et Patrick Devedjian, qui ne peuvent toutefois que montrer la limite de leurs talents sur ce coup là. Préférant ne pas trop s’attarder sur l’idée d’une France qui, comme au bon temps de sa période coloniale, exprimerait sans complexe sa supériorité et son "rôle civilisationnel" pour le reste du monde, la "politique de civilisation" sarkozyste est ainsi pour le premier "un souffle nouveau, une Renaissance au sens italien", et pour le second "une grande ambition pour la France". L’opposition est un tantinet plus ironique et ne se prive pas de railler cet historique message présidentiel qui se voulait en outre "de foi et d’espérance", histoire sans doute de faire oublier les précédents discours va-t-en guerre et les contrats commerciaux bassement matériels. Le porte-parole du Parti Socialiste, Julien Dray, n’y voit qu’un "concept fumeux" en cette première journée sans tabac, et le député socialiste européen Vincent Peillon, philosophe de formation, reste "perplexe".

Plus sérieusement, Arnaud Montebourg dénonce pour sa part un "concept nouveau qui ne veut absolument rien dire" hormis "une sorte d’intégration au bloc anglo-saxon" et "une espèce de croisade de l’affrontement des civilisations".

De fait, sous la plume d’un Henri Guaino — ancien économiste commissaire général au Plan, ex-conseiller de Charles Pasqua — et dans la bouche d’un Nicolas Sarkozy dont le but affiché est d’américaniser la société française, la notion même de "politique de civilisation" sonne assez bizzarement.

Il y a comme un hiatus entre l’idée même de civilisation et la politique menée par ce "président" plus adepte de la culture du résultat que de la culture de la Renaissance. Celui qui entend gouverner la France comme un PDG des années ’80 dirige une entreprise, qui aligne intégralement sa politique étrangère sur celle des Etats-Unis — dont les incessantes aventures guerrières dans le monde entier ne sont pas vraiment un exemple "civilisationnel" —, qui met en oeuvre un programme de réformes renvoyant les français modestes à une situation sociale digne du XIXe siècle, qui se comporte comme un monarque corrompu de République bananière entouré d’une Cour de financiers, de journalistes et de vedettes du show-bizz, et celui qui, entre autres régressions, "modernise" la vie politique française en installant le service de communication de l’Elysée à la rédaction de l’hebdomadaire du gotha et de l’actualité heureuse, n’est à l’évidence pas l’homme le mieux placé pour parler de Renaissance et de Civilisation.

Il l’est encore moins pour se référer au livre d’Edgar Morin, La politique de civilisation, publié en 1997.

Écrit avec le politologue Sami Naïr à la suite du mouvement social de 1995 contre la réforme Juppé, cet ouvrage tente d’analyser la question de la réforme du service public français sans laisser désintégrer ce dernier par le "libéralisme économique européen généralisé". Pour Edgar Morin et Sami Naïr, "La politique de civilisation vise à remettre l’homme au centre de la politique, en tant que fin et moyen, et à promouvoir le bien-vivre au lieu du bien-être". Le livre développe plus globalement un concept d’écologie politique présent dès les années ’60 dans l’oeuvre du sociologue, notamment dans Anthropolitique : Introduction à une politique de l’homme (1969).

Edgar Morin, ex-membre de Socialisme ou Barbarie (avec entre autres Cornélius Castoriadis et Claude Lefort), fondateur de l’Association pour la pensée complexe (APC), actuellement directeur de recherche émérite au CNRS et président de l’Agence Européenne pour la Culture (Unesco), est en matière politique et économique très loin de prôner les thèses néoconservatrices et néolibérales aujourd’hui mises en pratique par Nicolas Sarkozy et ses amis milliardaires du grand patronat et de la finance réunis.

Edgar Morin est un "keynésien" libertaire, un des premiers penseurs d’une écologie radicale appliquée à tout l’écosystème de la société humaine, non seulement environnemental mais aussi social, économique et politique.

À travers sa notion de "complexité systémique" et ses analyses sociétales formulées dans de nombreux livres — de L’Homme et la mort (1951) à L’an I de l’ère écologique (avec Nicolas Hulot, 2007) en passant par La Méthode (6 volumes, 1977-2004), Terre-Patrie (1993),
La Complexité humaine (1994) ou encore Le monde moderne et la question juive (2006) — il aborde les problèmes fondamentaux de notre temps et s’efforce de concevoir la complexité anthropo-sociale en y incluant les dimensions biologiques et imaginaires.

Edgar Morin appelle à se saisir de la complexité du réel et s’attache, notamment dans La Méthode, à proposer aussi bien une éthique qu’un nouveau "filtre d’intelligibilité" qui n’a rien à voir avec l’approche plus que simpliste du monde et de l’homme proposée par Nicolas Sarkozy, si tant est qu’il en existe une.

La pensée d’Edgar Morin, inspirée par des auteurs comme entre autres Ivan Illich, est plus proche des idées de "décroissance" que des chiffres du CAC 40, plus proche des idées de ’68, dont Nicolas Sarkozy veut faire table rase, que de celles d’Alain Minc.

Elle est surtout d’un niveau intellectuel un petit peu plus élevé que celle d’Henri Guaino, ce pourfendeur de "pensée unique", dont le titre du dernier livre, La Sottise des modernes, s’applique parfaitement à cette fameuse "modernité" sarkozyste.

La République des Lettres, mercredi 2 janvier 2008

 http://www.republique-des-lettres.f...

Messages

  • de la culture de la civilisation, piqué par Guaino sur une étagère ....

    Pour l’ump au pouvoir tout discours doit fonctionner avec un slogan, une phrase, un mot pour faire tourner la presse.
    Un slogan : on le lance, ca marche ou ca ne marche pas, mais cela occupe la pensée nationale en faisant écran de fumée devant les problèmes sociaux.
    Perte de pouvoir d’achat ? Franchise médicale ? Grève des urgentistes ?
    Non ! culture de la civilisation !
    Ca a quand même plus de gueule !

    Attention tout de même ! Bush avait utilisé cette notion de civilisation dans un de ses discours...
    Le plumitif de service joue donc sur deux niveaux, celui du mot pour le mot trouvé sur l’étagère et piqué à Morin, l’autre existant dans le discours de Bush ...
    Chacun y trouve son compte et l’UMP son conte !

    Sarko - sur son prompteur - débite , sans bien saisir. Il a l’air hagard de l’élève qui, au tableau, lit un texte qu’il ne comprend pas bien.
    Les mots s’enfilent... vides, creux, coupés de toute réalité : il y a ceux qui ceux qui sont seuls ... et ceux qui pensent qu’il va trop vite alors que d’autres croient qu’il est trop lent...
    La classe (pauvre France !), devant la TV, se demande ce que ce type raconte. Elle n’écoute plus !
    Qu’importe ! Les amis du fouquet’s, quant à eux, les poches pleines sont attentifs et s’exclaffent : "ils vont encore gober".

    Gober quoi ?
    La civilisation ? La culture de la civilisation ? L’inculture de cet incivilisé rollexé ?
    Ou l’incivilité de cette vulgarité du fric porté au pinacle.
    Les Portes de l’Elysée se sont ouvertes : splendeurs des courtisanes, misères des courtisans !
    La France grogne et alors....rue St Honoré, on y joue de la guitare.

    Le 8, SarkoL’UMP "cause" (conf de presse de 2h). Montrons que nous sommes un peuple qui a le sens de la culture de la civilisation : coupons nos TV !
    Tous bénéfices !
    1) Opération médiamétrie : baisse d’audience !
    2) Economie d’energie !
    3) Du temps pour reprendre la lecture de Bouvard et Pécuchet. Sous SarkoL’UMP .... on les aurait nommés ministres !

     "La culture de la civilisation ... mon cher Bouvard, me laisse songeur !"
     "Tu as raison... mon cher Pécuchet... c’est un concept qu’il faut rajouter à notre dictionnaire des idées reçues.

    Marie 75

  • Sûr Lolita, parce que de la France, il n’en a cure, ce pays n’est que la première marche qui le conduira à égalité aux côtés de son idole de toujours. Le Pays qui le fascine (depuis DYSNEY,SALUT LES COPAINS et le Golf Drouot où on copiait mal les succès américains) où il aurait dû naître, le pays où tous les rêves se réalisent avec du fric, où on mesure ta réussite aux dollars que tu entasses, ce sont les States. Sarko président des States européens quel destin : gloire et fortune. JdesP

  • Histoire Mon Amour : Nicolas Sarkozy est notoirement inculte. a lire : http://histoiremonamour.blogspot.com/2008/01/le-baptme-de-clovis-revu-et-corrig-par.html
    cette "homme" c’est du vent ! du Disneyland pour gros con riche !

    • "Politique de civilisation", c’est juste de la novlangue : dire le contraire de ce qu’on fait. L’exemple le plus célèbre est PAIX au lieu de GUERRE.

      Donc "Politique de civilisation" signifie "Politique de destruction de la civilisation" = retour à l’état sauvage où le plus fort massacre le plus faible pour lui piquer sa proie, où n’existent ni l’entr’aide, ni la vie de l’esprit (seulement des religions abrutissantes), ni l’histoire et ses enseignements, ni la pensée de ceux qui ont vécu auparavant, etc...

      Notre Parti-de-rien-et-arrivé-à-pas-grand-chose ne sait, effectivement, même pas ce qu’il fait. De la même façon que l’aveugle ignore la lumière. Pas une raison pour le laisser faire.

      (Pour comprendre la novlangue, lire "1984" de Georges Orwell)

  • Je pense à un truc , comme ça ! Ce type est dans l’fauteuil à de Gaulle . Et , par vanité , il ne touche point terre . Le prompteur défile , les mots de Guaino aussi . On attend la fin miraculeuse , et au moment de la chute finale , sa majesté S. , au lieu d’appuyer sur le bouton " Fin " , se gourre . Il frappe le bouton rouge de l’urgence , avec violence . Apparaît comme par erreur sur le plateau , et comme chez Cendrillon , le fondateur de la 5° ! Qui d’un seul coup répond , un tantinet courroucé , à l’oeuvre éminemment littéraire de l’académicien Henri G. : " Mais , c’est idiot ! " Français , bonne année 2008 !