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Un plouc chez les bobos

Publie le vendredi 4 janvier 2008 par Open-Publishing

Un plouc chez les bobos
par Jean-Noël Cuénod
Après les Sarkovoeux, il est urgent d’urgenter

Par de nombreux ruisselets de fuites, l’Omniprésident avait alléché le chaland : ses vœux de Nouvel-An ne ressembleront en rien à ceux de ses ringards de prédécesseurs. Il est vrai qu’avec les discours chiraquiens – langue de bois clapotant dans de l’eau tiède – Nicolas Sarkozy ne risquait pas grand-chose à se comparer. Quant à faire oublier les derniers propos que François Mitterrand avait adressés aux Français au crépuscule de sa vie et à l’aube de 1994 – « Je crois aux forces de l’esprit, je ne vous quitterai pas » - c’est tout autre chose. La droite Rolex a le sens des paillettes mais pas celui du tragique. Or, pour régner en digne successeur de ces Rois qui ont fait la France – et qui continuent à la faire par présidents interposés - il faut allier les deux.

Il n’empêche que Sarkozy a réussi son coup dans un premier temps : les Français ont cessé d’ouvrir les huîtres pour se brancher sur les Etranges Lucarnes (le cumul des deux activités se révélant hautement préjudiciable à l’intégrité corporelle). Toutefois, une certaine déception n’a pas tardé à embrumer l’ambiance. Que le président nouveau ait innové en débitant son petit compliment en direct n’a pas rendu cette figure obligée plus attrayante. Pourtant, dans l’ensemble, Nicolas Sarkozy nous a offert une bonne prestation. Il n’a pas oublié les pauvres, les malades et ceux qui travaillent pendant que les autres festoient, tout en balayant l’ensemble des problèmes actuels avec, à la clé, la volonté farouche de les résoudre. L’Omniprésident a même piqué au grand sociologue de gauche Edgar Morin l’expression « politique de civilisation » tout en se gardant de nous en dire plus. Il serait pour le moins surprenant que Nicolas Sarkozy développe la même « politique de civilisation » que celle préconisée par Edgar Morin. Mais avec l’ouverture tous azimuts, sait-on jamais ? Le sociologue sera-t-il nommé « ministre de la civilisation » lors du remaniement gouvernemental qui se profile ? On imagine la tête de Jack Lang !

Alors d’où nous vient-elle cette légère frustration ? Risquons cette hypothèse. Trop de communication tue la communication (formule pratique, car on peut l’appliquer à tout bout de champs : trop d’impôts tuent l’impôt, trop de sports tuent le sport, trop de Ségolène tue Royal etc.). On espérait « quelque chose » d’inédit, sans savoir quoi. Mais on nous avait tant fait saliver… Alors qu’il est impossible – même au créateur du Magic Sarko Circus – de provoquer la surprise dans un genre aussi convenu.

Que restera-t-il de cette allocution ? Le mot « urgence » répété par le président à… douze reprises, des fois que l’on aurait de la peine à comprendre ! Il y a partout de l’« urgence » qui est pour Sarkozy comme « le poumon » pour Toinette qui se fait passer pour un médecin itinérant dans « Le Malade Imaginaire ». Rappelez-vous ces moliéresques échanges.

Argan : Je sens de temps en temps des douleurs de tête
Toinette : Justement, le poumon.
Argan : Il me semble parfois que j’ai un voile devant les yeux…
Toinette : le poumon
Argan : J’ai quelquefois des maux de cœur
Toinette : le poumon
Etc.

En sarkozien dans le texte, cela donne : pouvoir d’achat ? Urgence ! Autonomie des universités ? Urgence ! Régimes spéciaux des retraites ? Urgence ! Environnement ? Urgence ! Modernisation de l’Etat ? Urgence ! Et ainsi de suite. Reste à savoir si en accumulant tous ces états d’urgence, les réformes seront enfin appliquées ou si les erreurs commises dans la précipitation provoqueront leur paralysie durant plusieurs années. Ce n’est pas toujours en voulant aller vite que l’on parvient rapidement à bon port.

Mais Sarkozy demeure un homme pressé. C’est tout juste, s’il ne nous a pas souhaité une belle année 2009 !

Jean-Noël Cuénod