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Le racisme post-colonial en France avant 1972

Publie le dimanche 2 mars 2008 par Open-Publishing
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LE RACISME POST-COLONIAL EN FRANCE AVANT 1972

Extrait de "Les minorisés de la République" Ed La Dispute.p 143 (cf note de lecture de J Trémintin)

Avant l’adoption de la loi antiraciste de 1972, une forme d’apartheidisation des étrangers avait cours dans le pays. Les refus de servir un étranger dans les cafés ou restaurants étaient fréquents comme à la brasserie Paris-Londres à Paris, en 1963, au café La Puce à Paris, en 1965, au restaurant Orion à Mulhouse, en mais 1965, ou au café des Deux-Hémisphères à Nancy, en 1970. Des salles réservées aux travailleurs étrangers existaient dans certaines gares parisiennes. Les offres d’annonces d’emploi des grands quotidiens invitant Noirs et Arabes à s’abstenir étaient ordinaires, de même qu’à l’entrée d’un établissement privéla mention "Etranger s’abstenir" ou " Pas de gerns de couleur". En fin les offres d’emploi diffusées dans les grands quotidiens ou par l’ANPE comportaient la mention "Nord-africain ou Africain s’abstenir" ou "Nationalité française seulement" étaient courantes.

La loi de 1972 n’a pas éliminé les discriminations racistes qui perdurent sous des formes plus pernicieuses notamment dans l’emploi et le logement.

Les minorisés de la République

http://www.lien-social.com/spip.php?article1305&id_groupe=4

Auteur(s) : Fatiha et Hacène Belmessous, Laure Chebbah-Malicet, Franck Chignier-Riboulon - éd. La Dispute, 2006 (180 p. ; 14 €)

Si l’on s’en tient à notre modèle républicain d’intégration, l’insertion dans la société relève d’une bonne volonté individuelle facilitée en cela par une école qui socialise et favorise l’assimilation aux normes sociétales et culturelles collectives. Or, si l’on assiste effectivement à un processus de fusion sociologique qui voit se multiplier les mariages mixtes, s’accroître l’évolution anthroponymique des prénoms, se développer l’obsolescence de certains interdits religieux et se poursuivre l’appropriation matérielle et symbolique de la culture commune, un certain nombre de pratiques discriminatoires persiste. Il ne suffit pas d’adopter les règles du groupe dominant pour s’en faire accepter.

On évoque facilement celles qui se déploient sur le marché du travail, moins souvent celles qui s’imposent sur celui du logement. Malgré les tensions de l’emploi et le déclassement de la valeur des diplômes dont elles sont les premières victimes, les jeunes générations issues de l’immigration ont réussi à percer au niveau socio-économique. Une couche moyenne a émergé, nommée « beurgeoisie », qui a manifesté une légitime aspiration à concrétiser cette réussite sociale par l’accession à une mobilité résidentielle. Cette demande d’installation sur des territoires jouissant d’un certain prestige s’est heurtée à la permanence des stéréotypes qui amalgament immigration, Maghreb, surpopulation, insécurité, délinquance et depuis peu terrorisme islamique. Le législateur a donné les moyens de combattre des pratiques qui jusqu’alors permettaient d’interdire un commerce ou un poste de travail à une catégorie de la population (loi de 1972 et de 1982). Mais le nombre d’affaires faisant l’objet d’un traitement judiciaire n’a guère décollé comparativement à la fréquence de ces infractions (elles sont passées de 3 en 1997 à... 29 en 2002). Découragées, les populations concernées ont fini par penser la discrimination comme inéluctable, la banalisant et utilisant des stratégies d’adaptation pour y faire face. Première réaction, l’évitement spatial : l’autocensure ainsi adoptée aboutit à ne pas poser de candidature de location dans les quartiers réputés peu accueillants. La seconde correspond à une justification de la discrimination (en évoquant d’emblée ce « handicap » face au bailleur). La dernière démarche consiste à utiliser d’autres biais (sous-location, achat, communautarisation des lieux des résidence).

La persistance de cette discrimination raciale est un vrai défi lancé à notre modèle républicain. Mais tant que l’on continuera à l’attribuer aux seules réactions individuelles et qu’on ne s’attaquera pas à la construction différentialiste qui gît au cœur même de l’universalisme français, il n’y aura guère d’évolution. « La lutte contre les discriminations exige de travailler à changer la société française, pas ses moutons noirs » (p.173).

Jacques Trémintin

Messages

  • Années 70, un groupe de 5 lycéens de banlieue parisienne dont l’un vient juste d’avoir le permis roulent sur la route des vacances. Il fait beau, la route est belle. Ils font halte à Poitiers pour une pose café bien méritée et jettent leur dévolu sur l’établissement Le Printania près de la gare. Stupeur, le personnel refuse de servir le groupe parce que parmi eux se trouve un Arabe . Explication : la veille, il y aurait eu une rixe entre Arabes et chauffeurs de taxi, depuis les Arabes ne sont plus admis." Mais c’est absurde, on est jeune, on vient de Paris, on s’arrête 15 mn et on reprends la route". Rien n’y fait. Les cinq calmement décident d’aller se faire voir ailleurs, sans autre forme de procès. Cette histoire a dû se passer des milliers de fois. Je m’en veux, avec le recul, de ma lâcheté.
    Mais j’avais tellement bien intégré le racisme que je n’ai même pas cherché à faire d’esclandre. En fait, je culpabilisais, finalement le responsable c’était moi. J’étais presque gêné d’avoir importuné mes camarades indirectement. D’autres incidents similaires se produisirent au cours de ma vie.

    P.S L’histoire ne dit pas si par souci d’équilibre les chauffeurs de taxi ont également été interdits de café...On vous laisse deviner.