Accueil > Les « flics » de Canal + s’expliquent au tribunal

Les « flics » de Canal + s’expliquent au tribunal

Publie le lundi 10 mars 2008 par Open-Publishing
10 commentaires

Les « flics » de Canal + s’expliquent au tribunal
Elisabeth Fleury

DEUX HOMMES au passé sulfureux s’affrontent, aujourd’hui, devant la 17 e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Pierre Martinet, un ancien membre de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), est poursuivi en diffamation par Gilles Kaehlin, un ex-policier des renseignements généraux, à propos de son ouvrage « Un agent sort de l’ombre »*. En toile de fond : les curieuses méthodes de la chaîne Canal + au sein de laquelle les deux hommes, recrutés à la fin des années 1990, ont croisé leur chemin.

Embauché en 1997 par le service de sécurité de la chaîne cryptée, Pierre Martinet est censé traquer les abonnés pirates sous la responsabilité de Gilles Kaehlin. En réalité, dans la tourmente que traverse la chaîne, c’est à un tout autre emploi que l’affecte son supérieur hiérarchique. A l’en croire, Gilles Kaehlin le charge d’espionner le créateur et ex-animateur vedette de la célébrissime émission « les Guignols de l’info », Bruno Gaccio. A l’époque, ce dernier s’oppose avec véhémence à l’éviction du patron de la chaîne, Pierre Lescure. Il est considéré comme le meneur d’une véritable rébellion contre la nouvelle direction. Un « Che Guevara » local dont Gilles Kaehlin aurait décidé d’avoir la peau, à en croire Pierre Martinet .

La traque

Gilles Kaehlin , ancien flic de choc, a bâti sa gloire, au début des années 1980, sur la première arrestation des membres d’Action directe. Il fut chargé de veiller sur Mazarine Mitterrand. Son nom apparaît dans l’affaire des écoutes de l’Elysée. En habitué des coups tordus, l’homme aurait demandé à Pierre Martinet d’espionner l’animateur des « Guignols » et de lui tendre des pièges afin de le discréditer. Six mois durant, dans le plus grand secret, Bruno Gaccio - affublé du nom de code Golf, son sport préféré - est suivi, photographié, enregistré. Ses e-mails sont épluchés, ses appels téléphoniques passés au crible, son entourage surveillé. Pierre Martinet va jusqu’à confesser qu’un projet d’agression avait été fomenté contre l’humoriste. La traque, relatée en détail dans son livre - sans que jamais le nom de Gilles Kaehlin ne soit clairement cité - finit par échouer. L’animateur, apparemment, ne s’est jamais douté de rien. Furieux de ce qu’il découvre dans le livre, Bruno Gaccio dépose plainte contre X, en mai 2005, pour « atteinte à la vie privée ». L’affaire, qui a notamment donné lieu à la mise en examen de Gilles Kaehlin, est toujours à l’instruction. Entre-temps, Bruno Gaccio a quitté Canal +.

Pierre Martinet a-t-il dit la vérité dans son livre ? Canal + a démenti avoir eu recours à des pratiques illicites. Gilles Kaehlin a réfuté toute demande d’enquête sur Bruno Gaccio. Après avoir démissionné de la chaîne cryptée « pour mieux répondre aux attaques », l’ex-flic a déposé une plainte pour « diffamation » contre son ancien subordonné qui, de son côté, n’a jamais démenti ses affirmations. L’examen de sa requête pourrait conduire les magistrats de Paris à arpenter, aujourd’hui, de bien curieux méandres...

* « DGSE : service action. Un agent sort de l’ombre ». Editions Privé. 2005.

Messages