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Rap et réflexions anti Sarko

Publie le jeudi 13 mars 2008 par Open-Publishing

Bonjour,

voici un rap de Belgique plutôt sympa :


Rap du "Casse toi pauvre con" Chanson Sarkozy "Castoapovcon"

Si vous ne trouvez pas ce rap assez abouti, voici pour vous
un beau concentré critique (si vous n’avez pas acheté le Libé des Ecrivains de ce jour) :
Je trouve qu’Annie Ernaux (que j’ai toujours aimé lire), livre ici une analyse des plus pertinente...idem pour Patrick Rambaud dans le domaine religieux ; sujet qui devrait inquiéter largement les français via les dérives verbales de Sarkom en ce domaine...

Hyppo

Rebonds
Le Président ou le présent à perpétuité
Annie Ernaux écrivain.
QUOTIDIEN : jeudi 13 mars 2008

Comment qualifier le climat de cet avant-printemps, de ce mois de mars dont le regretté Pierre Desproges prédisait autrefois ironiquement, « sans aucune arrière-pensée politique », qu’il ne passerait pas l’hiver ?

D’abord l’ahurissement, l’incapacité de saisir ce qui se passe et nous entraîne depuis dix mois. Dix mois seulement mais la durée, la sensation de durée ne veulent plus rien dire, non plus que la mémoire d’hier et la représentation de demain. Sarkozy dissout le passé le plus récent et rend illisible l’avenir. Il nous enferme dans un présent perpétuel d’annonces sans lendemain, de péripéties privées, dans un surgissement quasi quotidien de choses nouvelles aussitôt oubliées et remplacées par d’autres à l’image même des médias dominants qui ont favorisé, euphémisme, son élection : le virtuel et l’amnésie.

Une croisière sur le yacht d’un milliardaire, l’angine de Cécilia, un divorce, une « politique de civilisation », un remariage, l’adoption par un élève de CM2 d’un enfant juif mort en déportation, un échange d’invectives au Salon de l’agriculture : une accumulation de « jamais-vu » qui alimente sans arrêt les discours et suscite d’étranges émerveillements, Sarkozy lève tous les tabous, il est subversif.

On pourrait réagir par la dérision si l’on n’avait le pressentiment glaçant que « nous n’avons encore rien vu ».

Tandis que le Parti socialiste s’indigne poliment au coup par coup, que les médias s’échinent à commenter et à décrypter le langage, le comportement du Président, à définir son « style » - le story telling, paraît-il -, que les écoliers en récréation jouent à « touche moi pas », sous l’apparent « porte nawak » des phrases et décisions présidentielles, quelque chose avance. Une subversion, en effet - mais qui n’a rien à voir avec celle de 68 -, une destruction à grande vitesse des principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité. Nous avons déjà l’inimaginable cinq ans plus tôt : un ministère de l’Identité nationale et de l’Immigration, des « quotas » d’étrangers et des tests ADN pour prouver la filiation, tout ce qu’il faut pour distinguer entre « eux » et « nous ». Les « reconduites à la frontière », traduire « expulsions » musclées, se multiplient.

Et voici la « rétention de sûreté » prévoyant l’enfermement à vie par « mesure de précaution » des criminels ayant purgé leur peine de quinze ans mais susceptibles de recommencer, incarcérés donc pour des faits encore irréels ! Les sages du Conseil constitutionnel ont accepté cette loi parce qu’ils pensaient qu’elle ne pouvait pas s’appliquer avant quinze ans, et quinze ans c’est loin. Avec Nicolas Sarkozy, tout sage qu’on soit, on pense toujours trop tard. Il a demandé au plus haut magistrat de France un « moyen » pour violer un principe fondamental de la Constitution, la non-rétroactivité de la loi.

Cette tentative de coup de force, qui aurait suffi en d’autres temps à jeter au moins quelques milliers de gens dans la rue, a été en somme légitimée par l’opinion de 64 % des gens, favorables à l’application immédiate de la loi. Comment pourrait-il en être autrement dans une société prise depuis des années dans une aura d’insécurité, des discours victimaires qui alimentent le fantasme de catégories dangereuses, voleurs, violeurs, jeunes de banlieue. Mais jamais il n’est question des victimes de la « flexisécurité », de ceux qui font leurs courses chez Lidl et grattent un Millionnaire au bureau de tabac, parce qu’on ne peut pas vivre sans espérance.

Miroir du présent, une publicité pour une marque de lingettes vante la destruction de 98 % des germes et des bactéries. Mais il en reste 2 % en liberté ! Plus fort que les lingettes, Nicolas Sarkozy veut assurer une protection 100 % contre les « monstres », tout comme naguère il avait promis de nettoyer la « racaille » au Kärcher.

De la rencontre entre les peurs, du désir d’un « risque zéro » illusoire d’une grande partie des gens et de l’ambition aussi ombreuse qu’effrayante du chef de l’Etat peut naître l’acquiescement à un antihumanisme, un partage naturel entre forts et faibles, « honnêtes » et « voyous ». Un retournement des consciences. Sacrifier les principes de liberté, d’égalité et de fraternité pour la tranquillité, cela s’est vu.

Le résultat de dimanche ne changera rien aux desseins d’un président qui n’a plus devant lui d’élections, sauf celles qu’il décidera au gré de son humeur. Que signifie son « je ne céderai pas » en réaction à la fin de non-recevoir du premier magistrat de France ? Un référendum ? Pour reprendre la phrase favorite d’une ancienne analyste politique, les dernières nouvelles de demain ne sont pas bonnes. A moins que…

Rebonds
De la bondieuserie
patrick rambaud écrivain.
QUOTIDIEN : jeudi 13 mars 2008

Notre avide souverain ignore les actes gratuits. Derrière des mots que lui soufflent ses conseillers, derrière ses gestes et ses bourdes se cache bien souvent une manœuvre. Quand il affirme nos racines chrétiennes, à l’exclusion des autres, ces fameuses racines se révèlent plus politiques que pieuses. Sait-il que tous les miracles sont truqués ?

Dans les arènes de Rome, si le lion vient se coucher devant le chrétien jeté en pâture, au lieu de le dévorer, c’est que des malins ont auparavant gavé le fauve de viande fraîche, en douce, et qu’il digère en roupillant. Chez nous, l’Eglise est d’abord un pouvoir, qui commence avec l’agonie de l’Empire romain d’Occident. Partout, les évêques remplacent une administration qui défaille. Clovis s’appuie déjà sur eux pour nous conquérir. Normal : ils tiennent les villes, défrichent, inventent les horaires de travail, bâtissent, lèvent des impôts, organisent, tissent un réseau d’informations dans toute l’Europe puisque la religion court les fleuves et les sentiers avec ses moines et ses pèlerins. Lorsque Charlemagne, un Germain, veut unifier son empire, il doit instaurer une langue commune, sinon que peuvent se dire les Bavarois et un Saxon, comment comprendraient-ils les lois ? Cette langue, c’est le latin ; les évêques sont chargés de créer l’école obligatoire et de former les futurs cadres. L’Eglise établit ainsi son pouvoir pour des siècles, jusqu’à la Révolution française.

Et puis Napoléon règne. Il veut réhabiliter ce pouvoir mais à son usage. Comme notre Sarkozy, il sait que les prêtres sont de très efficaces auxiliaires de police et il le dit au Conseil d’Etat, en 1800 : « Avec mes préfets, mes gendarmes et mes prêtres, je ferai ce que je voudrais. » La religion est bien utile pour que les pauvres diables se tiennent tranquilles. L’année suivante, Napoléon signe un concordat avec le pape, et les prêtres sont désormais appointés par l’Etat. Je sais que les comparaisons historiques sont artificielles, mais parfois, comme ici, les méthodes des monarques se ressemblent. Voici pourquoi notre nouvel empereur, aujourd’hui mais depuis des années, cajole les religieux de toutes les religions autant que les policiers, et pour de semblables raisons.

Ira-t-il jusqu’à s’inventer par là un règne de droit divin, comme Napoléon quand il commande au vieux Portalis, qui en mourra de honte, un invraisemblable catéchisme impérial où on peut lire : « Dieu, qui a créé les empires et les distribue selon sa volonté, en comblant notre empereur de dons, l’a établi notre souverain, l’a rendu ministre de sa puissance, et son image sur la terre. Honorer et servir notre empereur est donc honorer et servir Dieu lui-même…, etc. »