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MP8. Montaigne. Poker perdu contre la pensée cuistre. Monde philo (zaz)

Publie le vendredi 14 mars 2008 par Open-Publishing
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1° Montaigne, père de la pensée critique

En définissant d’entrée Montaigne, comme père de la pensée critique française, ainsi que s’y prend Antoine Compagnon, que pouvait-on faire de mieux ? on est tellement ok ! Et pourtant, cela a-t-il servi ? voilà la question seconde à laquelle, nous, on ne pourra échapper.

Antoine Compagnon, qui attaque donc dans le Monde par cette "fondation" critique, fut premièrement polytechnicien : d’après ce qu’on sait de lui pour la suite, ça ne le dévalorise pas pour parler de notre homme, il le connaît, il "se sent bien dans les Essais", il le, les, fréquente avec attention depuis tantôt quarante berges.

En vérité, la grande masse des Français fréquente aussi Montaigne, plus modestement mais depuis un sacré bail, Jean-Luc Senez, prof. à Yvetot, qui est là aussi dans le Monde pour dire son juste mot ne serait pas étonné que ce soit depuis la terminale, nous on parierait encore plus tôt que ça remonte à la seconde, au plus tard à la première. Depuis "les humanités" ou la "rhétorique" comme auraient dit certains de nos vieux profs archaïsants coquets. Bref, peu importe, Montaigne fait plus qu’aucun autre auteur partie du patrimoine de décollage intello, philosophique, individuel, français, il est sans doute inscrit pour un morceau gros dans notre personnalité de base en tant que "manière de connaître et art de vivre" (Senez).

Tout le monde a lu les Essais à un moment, serait-ce en version très abrégée, mais qui n’est pas à rejeter : on en a retenu diverses choses pèle-mêle, vous savez, stoïciennes, épicuriennes, paysanno-naturelles, pédagogiques, "la tête bien faite plutôt que bien pleine", certains ont même retenu que l’intéressé avait été supposément, ce qui n’est pas vrai c’est son précepteur, l’inventeur ingénieux de la méthode assimil de latin : Lingua Latina sine molestia, laquelle devient quand même rare dans le commerce.

Compagnon rappelle la tournure apparemment désordonnée du livre (sans doute une technique), la prudence et la modestie tempérée du savoir concerné, la certitude simplement des fautes ordinaires de l’humanité (cruauté, barbarie, tyrannie, trahison, etc.), il rappelle en quelque sorte que l’humanisme de Montaigne c’en est d’abord l’humanité, avec en parallèle l’absence toujours de grosse tête, chapeau !.

"Usage du monde", vie à propos : voilà Montaigne. Bien sûr ce n’est pas que ça.

2° L’appareillage conceptuel de Montaigne

Derrière Montaigne, il y a tout l’appareillage sceptique de la philo antique : une raison qui est une pratique, une expérience raisonnable, raisonnée, du monde. Pas moyen d’en faire accroire à Montaigne, que ce soit sur les prodiges, les prières, la consultation des devins.
 "Il y a ici tout plein d’ex-voto pour remercier d’avoir été sauvé de la mer" !?
 Bien sûr ! il ne peut pas y avoir les ex-votos des malheureux qui ont été noyés.

Ah, la raison de Montaigne ! Un bon sens intournable. Il ne se laisse pas mener par les afféteries, les artifices, Et d’abord Montaigne a conscience de la limite très concrète de la vie humaine, cette réalité terrible fragilise notre être, mais en consolidant les têtes.

Calme, Montaigne, calme !

Mais dites-moi ? pas gai ! pas très gai !

Montaigne certes ne se tape pas explicitement sur les cuisses, même quand ça va bien !

Pas zaz, pas marrant ! pas le clic humoristique ! A première vue non, mais à deuxième, ça se
reconsidère ! Montaigne ne te fait jamais rire en son nom à lui, il prend un prête nom ! Compagnon a bien vu que tout chez Montaigne passait par la citation ! De ce côté il abonde, à des moments ça prend de drôles de tours ambigus, Montaigne nous la joue pince-sans-rire à la british.

Tiens ! Les drôles de façon pour mourir quand vraiment on le veut. L’homme jeté au cirque, qui demande comme une faveur d’aller à la toilette ; puis qui se plonge l’éponge à cul jusqu’au fond de la gorge et s’en étouffe.

Montaigne n’est pas étranger au déclic du zaz. si on l’entend à deuxième vue.

Montaigne en revanche n’est pas sensible à "l’emphase", on a le sentiment que le "souffle" de l’esprit ne sera jamais perceptible, jamais de nature à le troubler. Ce n’est pas Montaigne qui pourrait dire, avant Hegel, avoir vu passer l’âme du monde à cheval, même en croisant le pape de près.

Pourtant il y a maintes fois des choses qui ressemblent chez lui à un presque étonnement, une presque admiration, vous avez pu le tester dès engagé dans le bouquin (I,1) : "L’Empereur Conrad III ayant assiégé le Guelphe Duc de Bavière, ne voulut pas adoucir ses conditions, quelques viles offres on lui offrît.

Il permit seulement aux Dames qui étaient assiégées avec le Duc, de sortir sans qu’il fût porté atteinte à leur honneur, à pied, avec ce qu’elles pourraient emporter sur elles. Et elles d’un cœur magnanime, eurent l’idée de charger sur leurs épaules leurs maris, leurs enfants, et le Duc lui-même.

L’Empereur fut tellement impressionné par la noblesse de leur attitude, qu’il en pleura de contentement, et que l’inimitié mortelle et totale qu’il éprouvait envers le Duc s’adoucit ; et à partir de ce moment, il le traita humainement, lui et les siens."

A quelque chose de grand, Montaigne sera toujours très vif à opposer immédiatement ensuite quelque chose de miteux, c’est que le miteux est tout autant et tout le temps dans l’homme-monde-réalité.

Ce balancement de méthode atteste d’un balancement dans l’être. On a le sentiment que Montaigne aspire toujours à mieux mais sur fond de réalité passablement désespérée et à terme connue comme condamnée. Cette situation fait sans doute tout le pessimisme. de Montaigne. Nous voudrions prendre ici comme exemple d’application, d’analyse, de devenir, sa très célèbre pédagogie.

3.Poker perdu contre la pensée cuistre

La grande charge de Montaigne se porte avec constance contre les pédants. "Je hais par dessus tout un savoir pédantesque" "Dans les comédies italiennes, un « pedante », ou précepteur, tenait toujours le rôle du sot, et le surnom de « magister » n’avait guère parmi nous de signification plus honorable".

Montaigne, lu dans le texte, est intarissable donc contre les cuistres. Les cuistres c’est son machin ! Nous avons tellement été instruit de cette (apparemment) très juste prévention qu’on se dit que la leçon de Montaigne sur le sujet est faite depuis plusieurs siècles. Voire ! Tant de gens sérieux ont fait partout des abrutis intelligents. Lesquels quand ils ne furent plus latinistes s’empressèrent de se faire mathématiciens dans la période la plus récente. On l’a beaucoup vu avec les jeunes économistes qui ne purent pas devenir économistes , puis avec les jeunes médecins qui ne purent pas devenir médecins.

Le monde avait changé, il fallait du savoir au sens de la science, carrément. N’avoir pas le baccalauréat, qu’on croyait somme toute peu de choses, devint une grave cata. Nous ne connaissons que Hugo, Guitry et Jean-Louis Debré à s’en être dispensé, encore Guitry le reçut-il dit-on au calcul des annuités, à l’ancienneté.

Le balancement Montaignien impose sans doute de se dire que, depuis l’histoire de la tête bien faite opposée à la tête bien pleine, le concept sur la question des têtes a dû évoluer. C’est très net par les temps qui courent, pas un professeur, pas un bienfaiteur de la nation qui n’aspire à l’excellence pour tous, c’est à dire à un nombre très calculé d’excellence ! juste mais sévère, très sévère s’il le faut ! Nous avons relaté dernièrement comment, cette année, 80% des étudiants en première année de médecine, avaient été recalés en France, c’est vous dire l’excellence. La grande excellence !

On voit que ça cogite en France, la loi LRU est sans doute un truc transcendant techniquement. Cela dit, et le monde ayant comme on disait changé, même Montaigne reconnaîtrait volontiers qu’il n’est plus nécessaire de fabriquer un gentilhomme de qualité, un agent d’excellence, de dense quantité, voilà ce que l’on doit exiger si l’on veut des prix Nobel et de la compétitivité enfin sur les marchés !

Puisqu’il faut conclure, nous dirons que la pensée critique de Michel de Montaigne, sa pensée supposément intelligente a fait long feu et s’est plantée. Il n’y a qu’une manière de procéder dans le top niveau, sélectionner à mort et y mettre beaucoup de blé, pourquoi crois-tu qu’on a été obligé d’agir ainsi même dans le rugby, sport d’aristocrates biarrots, bordelais, méridionaux

Montaigne a été démenti : les alpha ne sont pas réductibles à des bêta, et inversement, c’est de l’inconséquence. La démocratie fait faire tout plein de conneries. Mais on vous parlera du haut niveau d’excellence de la démocratie française, si vous le permettez, une prochaine fois.

Alain Serge Clary et les Inoxydables philosophes de l’Ocséna vous saluent bien !

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Les Pensées zaz de l’Ocséna

Ocsena, Organisation contre le système-ENA... (et pour la démocratie avancée)
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