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La droite française mord la poussière

Publie le lundi 17 mars 2008 par Open-Publishing
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La droite française mord la poussière

Le socialiste Philippe Duron savoure sa victoire à Caen. Des fiefs UMP comme Reims et Amiens sont aussi tombés.

FRANCE. Les socialistes s’emparent d’une série de villes symboliques lors des municipales.

Sylvain Besson, Paris
Lundi 17 mars 2008

Pas de miracle pour Nicolas Sarkozy. Malgré les efforts de son parti pour remobiliser l’électorat de droite avec l’équation « Voter à gauche =+ d’impôts et - de pouvoir d’achat », les socialistes ont remporté haut la main le second tour des élections municipales. Au niveau national, la gauche aurait obtenu 49,5% des voix, la droite 47,5%, selon une projection de l’institut CSA. Surtout, les candidats du parti présidentiel UMP ont mordu la poussière dans plusieurs villes clés.

Ainsi, la gauche a reconquis Strasbourg et enlevé Toulouse, la métropole du sud-ouest qui avait voté Ségolène Royal à la présidentielle de 2007, mais dont la mairie était à droite depuis trente-sept ans. Les socialistes ont accru leur emprise sur Paris. En revanche, le camp présidentiel conserve Marseille, où le maire UMP Jean-Claude Gaudin l’a emporté après une campagne très disputée.

Bayrou battu à Pau

Ailleurs, des villes autrefois solidement ancrées à droite comme Caen, Metz, Amiens ou Reims ont basculé. Le ministre de l’Education nationale, Xavier Darcos, a perdu son siège de maire à Périgueux. Maigre consolation pour le pouvoir : le centriste François Bayrou, qui a adopté une ligne d’opposition dure à Nicolas Sarkozy, a été battu de justesse à Pau, mais par une candidate socialiste.

Plusieurs responsables gouvernementaux ont pris acte, dimanche soir, du recul de leur camp. Selon Jean-François Copé, chef du groupe parlementaire de l’UMP à l’Assemblée nationale, son parti a été victime d’une « conjugaison des impatients et des mécontents » - les premiers se recrutant parmi les électeurs de droite déçus par la lenteur des réformes, les seconds parmi les sympathisants de gauche inquiets des mesures mises en œuvre depuis l’élection de Nicolas Sarkozy.

Deux questions

Dans l’immédiat, les déconvenues du pouvoir amènent deux questions. Un vent de révolte va-t-il souffler à droite après les mauvais résultats de dimanche ? Si l’apparition d’une dissidence ouverte face à Nicolas Sarkozy semble peu probable, les élus de droite auront sans doute plus de mal à suivre un chef qui les a conduits à la défaite.

L’autre question porte sur l’avenir des réformes engagées par le président et ses ministres. Tous assurent que la perte de quelques villes ne ralentira en rien leur agenda - au contraire, le tempo devrait s’accélérer pour répondre à « l’impatience » des Français. « Nous allons donner encore plus de force à notre politique de changement », a annoncé hier le premier ministre François Fillon.

Le menu des prochains mois est déjà chargé : une loi de « modernisation de l’économie » doit être votée ce printemps afin d’augmenter la concurrence dans le secteur de la distribution ; des discussions vont s’engager sur l’augmentation de l’âge de la retraite ; la réforme de la représentation syndicale pourrait mettre à rude épreuve le « dialogue social constructif » que Nicolas Sarkozy se vante d’avoir instauré avec les syndicats.

Mais il est difficile d’imaginer que les résultats des municipales resteront sans effet sur le climat politique du pays. Certains fidèles du chef de l’Etat avaient demandé aux électeurs de se mobiliser pour soutenir les réformes. Ils ne l’ont pas ou peu fait. Nicolas Sarkozy lui-même a dû renoncer à s’engager pleinement dans la campagne, de peur qu’une présence trop visible de sa part n’aggrave le résultat final. Son image de gagneur, capable de réaliser la « rupture » à vitesse grand V, a été sérieusement écornée. Il reste à voir dans quelle mesure son appétit de réformes, et sa capacité à les réaliser, ont aussi souffert.

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De lourdes conséquences pour les deux camps
Un style plus sobre pour Nicolas Sarkozy et une ère nouvelle chez les socialistes.
Sylvain Besson
Le président Nicolas Sarkozy s’est engagé à tenir compte du résultat des élections municipales. Cela devrait se traduire cette semaine par un mini-remaniement du gouvernement : seuls des postes subalternes devraient changer de titulaires. En revanche, l’organisation de la présidence sera remaniée. Le porte-parole David Martinon, candidat malheureux à la mairie de Neuilly, a été démis de ses fonctions. Il pourrait hériter d’un consulat aux Etats-Unis. La liberté de parole des conseillers de l’Elysée devrait être restreinte, après une série de faux pas sur des sujets allant de la fiscalité à la surveillance des sectes.

Plus profondément, la campagne des municipales a changé le rapport de force entre le président et sa majorité. Dans son camp, l’aura d’invincibilité qui entourait Nicolas Sarkozy après sa victoire à la présidentielle de 2007 s’est dissipée. Du coup, des figures incarnant une droite plus conventionnelle, comme le maire de Bordeaux Alain Juppé ou le premier ministre François Fillon, reviennent à la mode. Après avoir vu sa cote de confiance divisée par deux depuis l’été dernier, Nicolas Sarkozy devrait opter pour des interventions moins nombreuses, mieux ciblées, et - dans la mesure du possible - pour un style plus sobre, plus posé.

Le tournant des municipales ouvre aussi une nouvelle ère chez les socialistes. Ceux-ci n’auront guère le temps de savourer les succès remportés dimanche : leurs leaders fourbissent déjà leurs armes en vue du congrès qui doit désigner, d’ici la fin de l’année, le nouveau dirigeant du parti. Ségolène Royal ne fait pas mystère de ses ambitions et a commencé à mobiliser ses soutiens. Facilement réélu à Paris, Bertrand Delanoë pourrait très vite revendiquer un rôle national. Enfin, le groupe des « reconstructeurs », qui rassemble les opposants à ces deux candidats potentiels, devrait se mettre en quête d’un candidat alternatif à la direction du PS.

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