L’insupportable profanation

A Herrlisheim, 127 tombes d’un cimetière juif du XVIIIe siècle ont été couvertes d’inscriptions néonazies et antisémites.

C’est un promeneur qui, vendredi matin, avait découvert l’ignominie, au pied d’une colline plantée de vignes, aux abords du village d’Herrlisheim dans le Haut-Rhin. Là, à deux pas de Colmar, dans un petit cimetière, reposent, depuis la fin du XVIIIe siècle, les restes des membres de la communauté israélite. Des 400 tombes, 127 ont été couvertes de croix gammées et celtiques, d’inscriptions néonazies et antisémites, peintes de rouge. Des stèles ont été recouvertes par deux drapeaux allemands, portant des slogans à la gloire du régime hitlérien. Le procureur de Colmar, Pascal Schultz, a ouvert une enquête de flagrance, confiée à la section de recherche de Strasbourg et à la brigade de recherche départementale. Il a indiqué que les investigations progressaient rapidement et que les inscriptions pro-nazies et antisémites avaient " vraisemblablement eu plusieurs scripteurs ".

Montée d’une violence judéophobie

C’est la quatrième fois en quarante ans que ce cimetière israélite est ainsi profané, la dernière agression remontant à 1992, suscitant l’émotion dans la population locale comme dans tout le pays. Émotion dans la communauté juive. Réactions en masse dans le monde politique et associatif. Condamnation par le président de la République et son premier ministre. Déplacement de Dominique de Villepin pour exprimer, sur les lieux même de la profanation, " la révolte de la nation tout entière ". Le sénateur socialiste et président du Conseil constitutionnel, Robert Badinter, évoque un " acte ignoble commis par quelques nazillons " et parle de la " montée d’une violente judéophobie inspirée par les islamistes fanatiques ". Le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) condamne l’" inqualifiable acte antisémite " et réclame la mise en oeuvre d’une enquête " pour identifier rapidement et châtier les auteurs de ces forfaits monstrueux ". Son secrétaire général, Mouloud Aounit, a ajouté que " cette profanation ne peut cependant être dissociée des attaques répétées récemment contre les lieux de culte et symboles musulmans dans la même région ". Elle révèle " au grand jour et tragiquement que l’antisémitisme et le racisme anti-musulman sont les deux faces hideuses d’une même pièce qu’est le racisme ". " Sommet d’infamie ", pour le Mouvement républicain et citoyen (MRC). " Horreur et indignation " chez la LCR qui appelle à une " très grande mobilisation contre tous les racismes et contre l’antisémitisme ". Marie-George Buffet, secrétaire nationale du PCF, a exprimé sa " totale condamnation des actes barbares que sont la profanation de tombes en Alsace ". " J’ai appris, poursuit-elle, avec une grande révolte, ces actes. Tout doit être fait pour retrouver les coupables et les punir. Ces actes antisémites, racistes, néo-nazis appellent, plus que jamais, à renforcer l’action de tous les démocrates contre les idéologies d’extrême droite, les idéologies de haine. C’est "Tous ensemble" qu’il faut réagir et se battre au quotidien contre ces dérives. "

Des mosquées et des tombes musulmanes

Samedi, Dominique de Villepin a rencontré les responsables du culte musulman. Il a évoqué les attaques " intolérables " dont cette communauté " est de plus en plus souvent victime ". Prenant l’exemple de Strasbourg - une région votant massivement pour le Front national, où des mosquées et des tombes musulmanes ont été récemment saccagées -, il a affirmé qu’en dix jours " cette communauté a subi deux tentatives d’incendie de lieux de culte, deux magasins ont été endommagés et des graffitis racistes ont été inscrits sur un mur de faculté ". " C’est intolérable, contraire aux principes les plus essentiels de notre République ", a conclu le ministre de l’Intérieur. Hier après-midi, un rassemblement a eu lieu à Herrlisheim. Aujourd’hui se tient, à Matignon, un comité interministériel, prévu de longue date, de lutte contre le racisme et l’antisémitisme.

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