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Grande-Bretagne : Fichage ADN : les enfants de 5 ans aussi !

Publie le mardi 1er avril 2008 par Open-Publishing

La police britannique demande à ce que les enfants « turbulents » soient inscrits dans la banque de données ADN de Scotland Yard, afin de garder une trace de ces « criminels potentiels ».
Associations de défense des libertés, enseignants et parents d’élèves crient au scandale.

William a 6 ans. Ses parents viennent de l’inscrire dans une école primaire de la banlieue londonienne. Dès le premier jour, pour épater ses nouveaux camarades de jeu, il s’amuse à faire tourner la maîtresse en bourrique. « Encore un élément perturbateur », soupire cette dernière. Le lendemain, deux policiers viennent le chercher à la fin de la classe pour l’amener au commissariat. Un échantillon de son ADN y est prélevé. William est désormais considéré par les autorités comme un « criminel en puissance ».

Ce scénario hallucinant ne peut exister - pour l’instant - que dans les livres de science-fiction. Mais il pourrait bientôt s’appliquer à plusieurs milliers de jeunes enfants si le gouvernement britannique décide de suivre les recommandations de Scotland Yard : prélever l’ADN des écoliers de 5 ans et plus, jugés turbulents, afin de lutter « en amont » contre la criminalité.

"Si nous avions les moyens de repérer les gens avant qu’ils ne commettent un crime, alors, sur le long terme, cibler la très jeune population serait extrêmement bénéfique", affirme Gary Pugh, directeur de la police scientifique à Scotland Yard, dans une interview accordée dimanche dernier au journal britannique The Observer. "Plus ils sont jeunes, mieux c’est. Les criminologues disent que certains se détourneront du crime, d’autres non. Nous devons savoir lesquels seront peut-être une menace pour la société".

Pour appuyer ses propos, Gary Pugh met en avant plusieurs études de criminologie, réalisées par Scotland Yard, selon lesquelles il est désormais possible de détecter certains futurs « traits de caractère » de criminels - comportement agressif, tendances à insulter, etc. - chez de jeunes enfants dès l’âge de 5 ans. « Ces techniques de détection sont fiables. Notre société a maintenant besoin d’avoir un débat ouvert et mature sur la meilleure façon d‘éradiquer les crimes avant même qu’ils ne soient commis », a indiqué M. Pugh.

Mais de nombreuses questions se posent.

- Quid du consentement parental ?

- Comment seront utilisées ces données ? Les enseignants seront-ils obligés de dénoncer leurs élèves « agités » ?

- Pourquoi les stigmatiser ?

Shami Chakrabarti, directeur du groupe Liberty (défense des libertés civiles), dénonce fermement cette proposition : « La population britannique est très respectueuse des forces de l’ordre, elle est ouverte aux débats les plus excentriques. Mais là, on joue avec l’émotionnel, pour faire de la politique sur le dos de nos enfants innocents. Ca va beaucoup trop loin ».

Même son de cloche chez les enseignants. Chris Davis, représentant du syndicat des écoles primaires, accuse la police de vouloir « mettre une étiquette » sur certains écoliers. « La plupart des enseignants et parents d’élèves estiment que ce projet est dangereux. Cela revient à les condamner à un très jeune âge pour quelque chose qu’ils n’ont pas encore fait ! ».

Au pays de Big Brother, l’échantillonnage génétique est pourtant déjà une réalité.
Depuis 2004, la police britannique a le droit de prélever l’ADN de n’importe quelle personne âgée de 10 ans et plus en cas d’interpellation.

Même si l’innocence de l’individu est reconnue plus tard. Les chiffres sont édifiants : plus d’1,5 million de jeunes âgés entre 10 et 18 ans sont actuellement inscrits dans la banque de données ADN du pays (sur un total de 4,5 millions d’échantillons, record en Europe).

- A quand le fichage généralisé et systématique de la population ?

La réponse de Scotland Yard fait froid dans le dos. « Seuls le coût et des problèmes logistiques nous empêchent d’y parvenir ».
Pour l’instant...

Les couacs de Big Brother

Les Britanniques se souviennent encore avec colère de la disparition des données personnelles de 25 millions d’individus, le 20 novembre dernier. Contenues sur deux disques échangés par courrier interne entre le fisc et les allocations familiales, ces informations révélaient les noms, adresses, dates de naissances et coordonnées bancaires de la moitié de la population ! Cette affaire survenait un mois seulement après que l’administration fiscale « égare » un autre disque contenant les dossiers de retraite de 15 000 personnes...

Au Royaume-Uni, contrairement à la plupart des autres pays occidentaux, les procédures de contrôle des données (collectées par les administrations) sont quasi-inexistantes. L’Information Commissionner’s Office (l’équivalent de la Cnil) doit être « habilité » pour chacune de ses visites.
Et, si par le plus grand des hasards, il met à jour certains dysfonctionnements, cela n’a guère d’importance.

Légalement, le gouvernement britannique ne peut être tenu pour responsable en cas de perte ou de vol des données personnelles que ses services accumulent quotidiennement

Source : les-mains-sales Mercredi 19 mars 2008