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Appel contre les franchises médicales, et entretien avec Bruno-Pascal Chevalier

Publie le mardi 20 mai 2008 par Open-Publishing

Ensemble pour une santé solidaire

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Appel des usagers, professionnels de la santé, organismes et travailleurs sociaux opposés au sacrifice de la sécurité sociale sur l’autel du profit.

Le Président de la République et le gouvernement nous martèlent que la sécurité sociale c’est dépassé. Que ça ne fonctionne plus. Que le principe en lui-même est obsolète.

Ils nous affirment que ça coûte trop cher « à la société », que ce n’est plus possible, non, vraiment…

Ils nous expliquent que la solidarité est un obstacle au progrès. Que le service public c’est moins bien que le privé. Quitte à manipuler les arguments financiers, qui pourtant prouvent le contraire…

Ils nous préviennent que les changements – pudiquement baptisés « évolutions »- sont inéluctables, qu’il n’y a pas moyen de faire autrement.

Il y a une vérité dans leur discours : en effet, le système de santé français va mal. Et il pourrait aller mieux.

Beaucoup de « responsables » sont désignés d’un doigt accusateur. Les malades, d’abord, « consommateurs » de soins, qui « surconsommeraient » des soins pour la seule raisons que, quand on ne paye pas, ou pas cher, on gâche, et qu’il faut « responsabiliser » par une sanction financière : les franchises dites « médicales », qui ne sont pas plus médicales que franches.

Ces franchises qui, en opposant au principe de protection solidaire celui du « chacun pour soi » évacuent la question fondamentale du financement de la sécurité sociale. Financement actuellement assis sur la part salariale des revenus, qui a baissé ces dernières années au profit d’autres formes de revenus, du capital, non assujetties à la contribution sociale.

Ce n’est donc pas, comme on voudrait nous le faire croire, un problème insoluble de financement d’un système

Il s’agit avant tout d’habituer les patients à payer toujours plus, à les amener à désespérer du système d’assurance-maladie issu de la Résistance, dans lequel chacun, quelle que soit sa condition sociale, se voit garantir un égal accès aux soins, en cassant tout le système pour convaincre qu’il ne fonctionne plus. En le rendant exsangue pour prouver que l’Etat ne peut plus assurer cette mission de service public, en créant les conditions du chaos ou de la pénurie, il n’y aura plus d’autre choix que le privé.

Des médecins, des économistes de santé, des politiques, des syndicats, des associations de malades ont tiré le signal d’alarme.

Mais c’est une accélération des réformes qui est annoncée pour l’automne.

Les appellations positives de « réforme », « modernisation », pour « améliorer l’accès aux soins » sont l’habillage élégant de projets répondant à une seule logique : la diminution drastique de tous les moyens d’Etat pour la santé.

Après les déremboursements, remises en question du remboursement des affections de longue durée, « forfaits » sur les soins, « franchises », attribution de la CMU, etc… qui n’étaient que les amuse-gueule, le gouvernement nous concocte pour la rentrée le plat de résistance, dont la pièce maîtresse est le projet de « réforme » de l’hôpital.

Service public donc par nature dépensier et mal géré, l’hôpital a vu, en 2004, deux spécialistes, Philippe Douste-Blazy-et Xavier Bertrand, se pencher sur son cas, et lui administrer une potion miracle qui allait le remettre sur pieds pour 2008 : la T2A. Tarification à l’activité. LA solution.

On allait voir.

On a vu. Même les rapports des chambres régionales des comptes sont obligés de constater le lien direct de cause à effet entre T2A et déficit catastrophique des hôpitaux publics en 2008. Car on avait juste oublié une chose dans ce système qui voulait aligner les hôpitaux publics sur le privé : la prise en charge des malades les plus lourds, les plus fragiles, les plus dépendants… devenus, dans ce système, les moins « rentables ».

Au lieu de revoir les modalités de la T2A, le projet de réforme préconise la fermeture massive d’hôpitaux publics, pardon, leur « évolution » en services de gériatrie médicalisés. Et une forte réduction des personnels hospitaliers. Qui sont déjà en nombre insuffisant.

Ce qui est bien avec ce type d’arguments, c’est qu’on peut les décliner à l’infini. Certains ne s’en lassent pas.…

Au fil de ces mesures ridicules et obscènes, la notion même d’assurance-maladie solidaire est méthodiquement vidée de son sens, par ceux là même qui devraient la sauver, pendant que dans la coulisse les assureurs privés se frottent les mains.

En culpabilisant tout le monde, malades et médecins, hôpital et médecine de ville, en désignant un coupable après l’autre, pour que tout le monde se sente un peu « responsable » de la mort de la sécu, et puisse accuser l’autre pour se défausser, les fossoyeurs de la sécurité sociale se sentent à l’abri.

Plus pour longtemps.

Car les mensonges et les manipulations n’ont qu’un temps. Et les français, dans leur grande majorité, (plus de 70%) profondément attachés au système solidaire, commencent à se demander si on ne les prend pas un peu pour des imbéciles. Qu’ils ne sont pas.

Aujourd’hui, ce ne sont plus seulement les professionnels et les économistes de la santé qui dénoncent la politique gouvernementale de casse de la Sécu. Ce sont les usagers.

Des usagers qui, quels que soient leurs choix politiques, ne veulent pas d’une privatisation à l’américaine de notre système de santé, symbolisée par le discours du Directeur de l’Union Nationale des Caisses d’Assurance-Maladie, Frédéric Van Roekeghem, ancien cadre des assurances privées, nommé à la tête de la Sécurité sociale par Jacques Chirac en 2004, qui se félicite ouvertement de l’effet-franchise et de la décélération des remboursements de Sécurité Sociale.

Tandis que, pendant ce temps, dans le monde réel de nombreux malades sont amenés à repousser certains soins ou à y renoncer

Des représentants d’associations d’usagers, Les travailleurs sociaux, les personnels des CPAM, les professionnels de la santé et du monde social alertent sur les retards de soins et sur l’augmentation des demandes d’aide auprès des fonds d’aide sociale des CPAM ou des mairies.

Les médecins généralistes constatent la diminution du nombre des consultations, le retard à certains accès aux soins, la complexité grandissante de certaines consultations trop tardives.

Des infirmiers et généralistes sont menacés de sanctions (financières bien sûr) s’ils pratiquent « trop systématiquement » le tiers-payant, seul moyen pour de nombreux patients d’accéder aux soins de ville en utilisant l’avance de frais

La casse de la protection sociale et de l’assurance maladie, du service public de la santé, de l’hôpital, avec pour seul recours le privé n’est pas « la » seule solution.

Un système de santé solidaire, organisé, moins coûteux, articulant médecine de ville, notamment les médecins généralistes, et hôpital, médical, paramédical et médico-social, pour la prévention, l’éducation à la santé et un meilleur accès aux soins, pour tous, est possible. Des propositions concrètes, chiffrées, étayées, existent.

Il faut permettre aux usagers de décider de l’avenir de leur système de santé.

Nous sommes tous usagers, ou usagers potentiels. Nous sommes 60 millions.

La Sécu nous appartient, nous ne la laisserons pas détruire !

Nous enjoignons tous ceux pour qui les mots « Sécurité sociale solidaire » ont un sens, celui de la justice et du progrès, à résister et se battre

Ensemble, Pour une Santé Solidaire !
Mouvement d’usagers, de professionnels de la santé, d’organismes et travailleurs sociaux

Parmi les 50 premiers signataires :
Bruno-Pascal Chevalier, Dr Christian Lehmann, Cécile Moutte, Dr Catherine Durazzi Duréault, Dr Jean Doubovetzky (médecin, auteur), Dr. Frédéric Pain, Gaëlle Gaudron, Dr. Bernard Rechatin, Dr. Bernard Elghozi, Dr Didier Joseph ; Gisèle et David Nadaud, Dr Jacques Rouillier ; Dominique Péhau, Erik Taillandier (les malades solidaires) , Kristin Couillaul, Dr Pierre Névians, Dr Martine Devries, Murielle Gilard (Présidente de l’association Agir ensemble pour la santé et l’aide sociale) ,Christian Cavalli (président de sidaventure) ; Jean-Michel Gognet, Julien Dray (député PS) ; Loulou King-Veras (Pdt Délégué MNT Essonne) Philippe chaperon, Ali Abdelhadi, Isabelle Sacchetti, Eric Gestin, Nathalie De Benedittis, Dr Mady Denantes, Dr Gilles Lazimi, Dr Guillemette Dufour, Thierry Bour ; Hélène Mouillac ; Yvan Lubraneski ; Dr Bernard Becel, Dr Pascal Bonnet, Jacky Blay ; Hubert Lasserre ; Cyril Hutin, Dr Yves Paubert, Dr Catherine Dormard, Marie Rallius ; Guy Abisou ; Michel Frémond ; Dr Jean Pierre Geeraert, François Pesty, Dr Renaud Cazalis

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Entretien avec Bruno-Pascal Chevalier

Malade du sida, figure emblématique de la lutte contre les franchises médicales, il a cessé sa grève des soins.

Il y a quelques mois, vous vous étiez lancé dans une grève des soins pour dénoncer les franchises. Vous avez décidé d’arrêter. Pourquoi maintenant ?

Bruno Pascal Chevalier. J’ai toujours dit que ma grève des soins n’était pas un acte suicidaire, l’intérêt étant de donner un visage à ce combat. J’estime qu’après après neuf mois, durée symbolique, il est temps de passer à un autre mode d’action. Et je pense qu’on a atteint notre but : les gens ont pris conscience de la réalité des franchises et les malades se sont engagés. Certes, le gouvernement n’a pas bougé d’un iota sur la question. Mais je me dis qu’à un moment il va se passer quelque chose. Notre pétition a dépassé les 600 000 signatures, nous sommes 60 millions d’usagers. Il faut que nos dirigeants s’intéressent à ce qui se passe.

C’est la raison pour laquelle vous lancez un nouveau mouvement ?

Bruno Pascal Chevalier. Effectivement. Ce mouvement Ensemble pour une santé solidaire est avant tout un mouvement d’usagers, de citoyens qui ont envie de s’engager et auquel participent également des professionnels de santé, des salariés d’organismes sociaux et des travailleurs sociaux. Ce qui est très intéressant, c’est que les malades euxmêmes s’engagent. Pourtant, quand on est malade, la mobilisation n’est pas la première des priorités. Cela me rappelle le début de la lutte contre le sida.
L’intérêt, c’est de permettre aux gens de s’exprimer et que chacun puisse mener des initiatives locales de proximité. Une action comme celle de vendredi, où nous avons interpellé les assurés devant les CPAM, montre que la sensibilisation porte ces fruits. À Évry, nous avons recueilli plus de 400 signatures sur la journée. Personnellement, je crois à l’action des usagers.

À l’issue de la mobilisation de vendredi, des délégations ont été reçues, un peu partout en France, par les directeurs et présidents de CPAM. Qu’en est-il ressorti ?

Bruno Pascal Chevalier. Le président de la caisse de l’Essonne nous a expliqué que, comme plusieurs de ses confrères, il avait pris officiellement position contre les franchises et interpellé le gouvernement en ce sens.
Tenu par le devoir de réserve, le directeur a rappelé qu’il devait remplir sa mission. De notre côté, nous avons exprimé nos craintes et notre opposition. Une chose est apparue clairement : l’effet « franchises » n’a pas eu, dans l’Essonne, sur les cinq premiers mois de l’année, l’effet de décélération de la consommation pharmaceutique dont se réjouit le président de la CNAM. Pour ne citer qu’un exemple : dans l’Essonne, il y a actuellement en souffrance 50 000 lettres de créance destinées à récupérer deux ans de franchises et forfaits sur les malades dispensés d’avance de frais

Propos recueillis par Alexandra Chaignon

Notre vidéo ci-dessous avec Bruno-Pascal Chevalier en décembre 2007 :

 http://www.humanite.fr/Entretien-av...