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Écoute, mouton, tu vas travailler 60 heures et tu seras plus heureux

Publie le lundi 23 juin 2008 par Open-Publishing
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de Javier Adler

Nous méritons ce qui nous arrive parce que nous sommes des moutons, parce que nous sommes aveugles, ignorants, soumis. Une bande de gangsters se réunissent à Bruxelles et décident que nous, les Européens, nous allons travailler 20 heures de plus par semaine. Et en plus ils nous crachent à la figure en nous disant que c’est "un pas en avant pour les travailleurs".

J’imagine qu’une fois le pacte conclu, ils ont dû trinquer avec du champagne tous ensemble avec leurs copains les patrons.

Eh bien non ! ce n’est pas un pas en avant pour les travailleurs, c’est un recul d’un siècle des conquêtes sociales qui ont coûté tellement d’efforts, de sueur et de sang à un si grand nombre de travailleurs courageux qui se sont sacrifiés.

Ils l’ont fait pour eux mêmes et pour leurs familles, mais nous en avons profité. Et pendant ce temps, la classe des patrons n’a pas cessé d’essayer de reprendre son taux de pouvoir et d’exploitation. Ils ont tout utilisé : la force, la corruption, la propagande, selon les circonstances. Pour finir, ils y sont arrivés.

Bien entendu, ils nous disent que c’est bon pour nous ; vous ne vous attendez tout de même pas à ce qu’ils vous disent qu’ils veulent vous exploiter davantage et que votre vie familiale va partir à vau-l’eau. Et comme nous sommes des moutons, nous avalons ça. Tout est fait pour notre bien, pour la compétitivité, pour le progrès, pour une société moderne. Il faut faire aussi bien que les travailleurs des pays de l’Est qui font déjà autant d’heures et c’est même pour ça qu’ils sont tellement heureux. Est-ce que vous comprenez bien maintenant tout l’intérêt qu’il y a à élargir l’Union Européenne ? Nous aligner par le bas, jamais par le haut.

Notre quotidien “de gauche” : El País » malgré un semblant d’opposition à cette mesure la soutient sans le dire.

« En vérité cette mesure ne fait qu’autoriser la semaine de 60 – 65 heures ; elle ne l’impose pas. De sorte que dans les pays plus sensibles aux droits sociaux, comme le nôtre, elle ne sera pas appliquée ».

Comment ça « elle autorise mais elle n’impose pas » ? Par hasard, l’actuelle durée de 40 ou 48 heures hebdomadaires, a-t-elle été imposée ? Sont-ils obligés, les patrons, de nous faire travailler toutes ces heures-là ? NON. Mais, dites-moi un peu où il est ce petit malin qui va se présenter pour un entretien d’embauche et qui va exiger de faire 30 heures hebdomadaires ? On va lui dire : « Fort bien ; mais nous avons là une liste de candidats tous prêts à travailler un plus grand nombre d’heures. On vous écrira » C’est cela que veut dire « elle autorise » ; c’est la voie ouverte à l’exploitation.

Et quelle est cette blague comme quoi nous serions plus « sensibles aux droits sociaux » ? Pourquoi avons-nous voté pour le Parti Populaire alors ? Et pourquoi avons-nous voté pour un gouvernement « socialiste » (ajoutez 60 guillemets) qui fait pratiquement pareil que la droite, qui approuve les contrats-pourris, qui permet la spéculation sauvage, qui achète les syndicats pour qu’ils ne bougent pas, qui baisse les impôts des riches, qui sabote l’Education Nationale et qui augmente comme jamais le budget militaire ?

Notre « sensible » gouvernement « ouvrier » s’est ABSTENU lors du vote de cette loi d’exploitation. Sa sensibilité est allée jusque là. Que va-t-il se passer quand commenceront à se multiplier les contrats de 60 ou 65 heures par semaine et qu’ici, en Espagne, on en sera encore à 40 ? Y a-t-il quelqu’un d’assez naïf pour croire que le gouvernement en place aura le moindre scrupule à nous fourguer son « nous ne pouvons pas aller à contre-courant » et que « dans notre intérêt » nous devons faire comme les autres ?

Mais qu’est-ce que ça veut dire 60 heures par semaine ? Mettons une demi heure pour aller au travail et une demi heure pour revenir avec une heure pour le déjeuner. Cela veut dire, par exemple, sortir de chez soi à 7 H 30 du matin pour embaucher à 8 H, manger de 14 H à 15 H, travailler jusqu’à 21 H et rentrer chez soi à 21 H 30. Mais quel bonheur ! Vraiment c’est un grand progrès ! Je saute de joie face à un tel avenir. Bien sûr, nous pouvons aussi ne travailler que 10 H du lundi au samedi. Dans ce cas, nous pourrons rentrer à la maison à 19 H 30, débordants d’énergie, pour nous retrouver en famille. Et le dimanche : du foot !

Je me mets maintenant dans la peau d’un de ces grands patrons qui décident de nos vies. Ils gagnent beaucoup d’argent et leurs revenus grimpent infiniment plus vite que l’inflation, c’est-à-dire très au-dessus de la masse salariale moutonnière. Les horaires de travail ça ne les concerne pas. Leur vie à eux ce sont les repas d’affaires, les conciliabules avec leurs collègues sur les terrains de golf toujours très bien arrosés et aussi les croisières sur leurs yachts qui jamais ne manquent de carburant. Durant leur temps libre, c’est-à-dire celui qui est encore plus libre, ils assistent à des dîners de gala, ils fréquentent leurs complices les politiciens, ils sont interviewés à la télé pour nous donner des leçons de morale et ils reçoivent les hommages que leur vaut leur générosité. Qu’est-ce qu’ils ont dû rigoler et comme ils doivent se frotter les mains en pensant aux bénéfices supplémentaires qu’ils vont tirer de l’exploitation de leurs salariés !

J’ai dit que nous sommes des moutons parce que, comme les moutons, ils nous exploitent et nous ne nous plaignons pas ; ils nous mettent une carotte devant le nez et nous avançons ; nous devenons vieux et ils nous jettent. Mais nous ne sommes pas nés ainsi et nous ne sommes pas obligés d’accepter ce sort, même s’ils ont considérablement érodé notre non-conformisme naturel déjà depuis notre enfance. Nous savons ce qu’ils sont en train de manigancer et nous savons que nous n’en voulons pas. Après tout, Bruxelles, ce n’est pas si loin que ça.

Texte traduit de l’espagnol par Manuel Colinas pour Investig’Action

Source : Kaos en la Red

URL : http://www.rebelion.org/noticia.php?id=68785

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