Accueil > Pourquoi les 35 h sont et doivent rester la loi pour toutes et tous

Pourquoi les 35 h sont et doivent rester la loi pour toutes et tous

Publie le mercredi 2 juillet 2008 par Open-Publishing
1 commentaire

Non au vandalisme social

de Gérard Filoche

Il faut une loi pour régler les durées du travail. S’il n’y a plus de loi, c’est l’esclavage, sans limites, cynique. Il a fallu 60 ans pour passer de la journée de 14 h qui tuait les salariés en 1840 aux journées de 12 h, de 11 h, puis de 10 h en 1920… L’inspection du travail a été créée en 1892 pour contrôler les durées du travail, le ministère du travail en 1906 en même temps que fut institué le repos dominical.

Nos aînés défendaient alors à juste titre les « trois-huit » en une journée : huit heures de travail, huit heures de loisir, huit de sommeil. Ils voulaient subordonner la productivité aux exigences humaines (biologie, santé, conditions de travail, besoins de vie) et non pas l’inverse. Nous sommes ainsi passés de 40 h hebdomadaires en 1936, à 39 h en 1982, à 35 h en 2002. Nous avons conquis des congés payés de 2 semaines puis de 3, 4 et 5 semaines, chaque fois avec la gauche. Nous sommes aussi passé de la retraite à 65 ans à la retraite à 60 ans, ce qui a assuré l’allongement de l’espérance de vie.

Tout cela était d’ordre public social et profitait à tous. En 70 ans, la France a prouvé au monde entier que l’on pouvait faire trois choses décisives à la fois : baisser le temps de travail, augmenter les salaires, augmenter la productivité ! Nous avons aujourd’hui la productivité horaire la plus élevée au monde. La durée légale du travail sert de référence au Smic, à la mensualisation, aux grilles de salaires, aux droits sociaux, aux repos hebdomadaires, aux conges payés. Dans le monde entier, les salariés nous envient et essayent de nous imiter en imposant des réductions de la durée du travail à leurs employeurs.

Voilà donc plus d’un siècle que nous avons une durée légale. Même Pétain dans sa loi du 28 août 1942 n’a pas touché aux 40 h. Sarkozy, Fillon, Bertrand vont-ils, avec le Medef, supprimer la durée légale du travail en s’appuyant sur une brèche d’un accord national interprofessionnel (ANI) signé le 9 avril par 2 syndicats sur 8 ? Parce que le patronat (Seillière, Kessler, Parisot, Gauthier-Sauvagnac) veut casser tout cela : il veut imposer les “horaires à la carte” et la “retraite à la carte ou par points” pour mieux casser tous ces progrès de civilisation humains, historiques et augmenter au maximum les profits.

Medef et droite veulent casser deux des durées du travail : la durée légale et la durée maxima. Les 35 h et les 48 h. Car ces deux durées s‘appliquent à 100 % des salariés. Tous les salariés, même ceux qui ne le savent pas, sont aux 35 h et aux 48 h. La loi s’impose toujours à tous et toutes dans 100 % des entreprises. Depuis 2002, aucune entreprise, petite ou grande, ni Bosch, ni Continental, ni la petite PME ou TPE, ne peuvent déroger aux 35 h, contrairement à des informations mensongères, elles les appliquent toujours, toutes. Ce que parfois, certaines entreprises ont fait, c’est de baisser, par chantage à l’emploi, le taux horaire de leurs salariés.

Mais les 35 h continuent de s’appliquer partout , elles sont « généralisées », elles ne « nuisent » à personne, les 35 h hebdomadaires, par définition, c’est anti-flexible. C’est un point de repère, de calcul du salaire, pour tout travailleur.

Un “temps partiel” qui fait 34 h est aussi… aux 35 h : c’est le seuil du déclenchement du temps partiel et de calcul de tout ce qui est afférent. Un salarié que l’employeur oblige à faire 39 ou 40 h est aussi aux 35 h, car le seuil de déclenchement des heures supplémentaires commence à la 36e heure. Pour tous, sans exception. Les heures supplémentaires doivent figurer sur une ligne distincte du bulletin de paie. Aucun salarié n’est « libre » de son horaire, tout salarié est subordonné. Seul l’employeur décide de la durée du travail. Il n’existe pas de volontariat en droit du travail. Les prétendues « heures choisies » n’existent que si le patron le veut. Les 35 h ne sont pas un « carcan » encore moins la « durée réelle » du travail : il y a place pour 13 h supplémentaires par semaine autorisées. Plus que du temps des 39 h. C’est énorme et il y a sans doute prés de 2 milliards d’heures supplémentaires réelles (dont plus de la moitié est hélas dissimulée, non majorée, non payée) ! Les heures supplémentaires devraient pourtant selon la loi être majorées de 25 % (à partir de la 36e heure) puis à 50 % (à partir de la 44e heure) puis à 100 % (au-delà du contingent annuel de 220 h). Des repos complémentaires sont théoriquement acquis à partir de la 41e heure à 50 %. La progressivité du taux des heures supplémentaires était censée limiter l’usage de celles-ci en les rendant progressivement plus coûteuses que l’embauche.

MM. Sarkozy-Fillon-Bertrand-Parisot veulent revenir sur ces majorations d’heures supplémentaires donc baisser encore les salaires contrairement à toute leur propagande mensongère sur la défense du pouvoir d’achat.

Toute attaque contre les 35 h vise uniquement à baisser les salaires en supprimant les majorations des heures supplémentaires. Si la durée légale était portée à 36 ou 37 h, les salariés perdraient la majoration de 25 % attribuée à la 36e ou la 37e heure.

Ce que veut faire le gouvernement qui n’ose pas encore frontalement supprimer la durée légale, c’est de permettre les « dérogations » : la loi Fillon datée du 4 mai 2004 permet des « dérogations » par le bas, en défaveur des salariés, aux lois existantes lorsque celles-ci le permettent. C’est « l’opt out » à la française. C’est le « droit » de contourner le droit. C’est la possibilité de déroger négativement au niveau le plus bas, par accord de gré à gré, à l’ordre public social commun. C’est ce qu’ils veulent faire pour « ronger » les 35 h.

Ils veulent permettre des « dérogations » signées avec des syndicats (qui signeront dans ce cas des accords contraires aux intérêts fondamentaux des salariés avec une prétendue « majorité » de 30 % des voix derrière eux). Ils veulent aussi pour y parvenir plus sûrement permettre aux employeurs de négocier avec des non-syndiqués à leur main (ANI du 9 avril repris dans la prochaine loi). Ils reviennent même sur ce qu’ils avaient récemment concédé : le premier niveau de majoration de 25 % pour les heures supplémentaires pourra être rabaissé par ces accords dérogatoires à 10 % voire à 0 %. Ils ont ainsi déjà permis de déroger au contingent annuel d’heures supplémentaires ( 230 heures dans la poissonnerie, 360 heures dans les HCR) Mais ils avancent masqués : ils dérégulent pour qu’ensuite, la durée légale n’ait plus de sens. Pareil pour la durée maxima : elle était de 48 h en Europe depuis la directive 93-104 (excepté l’article 18 permettant “l’opt out” pour les seuls britanniques) mais Xavier Bertrand, en réactionnaire achevé, a signé la mesure de régression sociale la plus importante, la plus brutale, la plus odieuse, depuis 100 ans : il a signé pour établir la semaine de 65 heures maxima en Europe.

Défendre les 35 h c’est défendre le progrès humain au travail. C’est défendre le salaire. Sinon, c’est laisser établir une dérogation sans précédent depuis plus d’un siècle. En revenir avec une dérégulation d’une telle importance que voleront en éclats, Smic, grilles salariales, mensualités, ordre public social. Supprimer toute durée légale du travail c’est du vandalisme social.

Messages

  • Défendre les 35 h c’est défendre le progrès humain au travail. C’est défendre le salaire. Sinon, c’est laisser établir une dérogation sans précédent depuis plus d’un siècle. En revenir avec une dérégulation d’une telle importance que voleront en éclats, Smic, grilles salariales, mensualités, ordre public social. Supprimer toute durée légale du travail c’est du vandalisme social.

    Pour que des millions de salariés descendent dans la rue, il faut que Sarkozy dévérouille complètement la durée légale du travail, fasse sauter le smig, supprime les grilles salariales, le code du travail, les prud’hommes, et même les syndicats dans l’entreprise. En faisant cela, Sarkozy rendra service à tous les salariés.