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11 Septembre 1973 : LES DERNIÈRES PAROLES DE SALVADOR ALLENDE (reportage photo)

par Roberto Ferrario

Publie le jeudi 11 septembre 2008 par Roberto Ferrario - Open-Publishing
11 commentaires

Rassemblement ce soir 18 h place Allende Paris 7

Mes amis,

C’est certainement la dernière fois que j’aurai à m’adresser à vous.
La force aérienne a bombardé les tours de Radio Portales
et de Radio Corporación. Mes paroles ne sont pas marquées
d’amertume mais de déception, et seront le châtiment moral
de ceux qui ont trahi leur serment : les soldats du Chili,
les commandants en chef titulaires et l’amiral Merino, qui
s’est promu lui-même, sans oublier Monsieur Mendoza, général
perfide qui, hier encore, manifestait sa fidélité et sa loyauté au
gouvernement, et aujourd’hui vient de s’autoproclamer directeur
général des carabiniers.

Devant ces faits, il n’y a qu’une seule chose que je puisse
dire aux travailleurs : je ne démissionnerai pas !

Placé à un tournant historique, je paierai de ma vie la loyauté du
peuple. Et je suis certain que la semence déposée dans la
conscience digne de milliers et de milliers de Chiliens ne
pourra être arrachée pour toujours.

Ils ont la force, ils pourront asservir, mais les processus
sociaux ne s’arrêtent avec le crime ni avec la force.

L’histoire nous appartient et ce sont les peuples qui la
font.

Travailleurs de ma patrie,

Je tiens à vous remercier de votre loyauté de toujours, de
la confiance que vous avez deposée en un homme qui ne fut
que l’interprète des grands désirs de justice, qui donna
sa parole de respecter la Constitution et la loi, et qui
l’a tenue.

Dans cet instant ultime, le dernier où je puisse m’adresser à vous,
je vous demande que vous mettiez à profit cette leçon : le
capital étranger et l’impérialisme, unis à la réaction, ont
créé le climat pour que les forces armées rompent leur tradition,
celle que leur enseigna le général Schneider et que réaffirma
le commandant Araya, qui tombèrent victimes de la même couche
sociale qui, aujourd’hui, attend bien au chaud qu’une main étrangère
lui rende le pouvoir pour continuer à défendre ses profits
et ses privilèges.

Je m’adresse tout d’abord à la modeste femme de notre terre, à la
paysanne qui a cru en nous, à l’ouvrière qui a travaillé plus, à la
mère qui a compris de notre préoccupation pour les enfants.

Je m’adresse aux travailleurs des professions libérales qui
ont eu une conduite patriotique, à ceux qui ont agi contre
la sédition encouragée par les organisations corporatives,
ordres de classe qui ne cherchent qu’à défendre les avantages
que la société capitaliste n’accorde qu’à une poignée.

Je m’adresse à la jeunesse, à ceux qui chantèrent et communiquèrent
leur joie et leur esprit de lutte.

Je m’adresse à l’homme du Chili, à l’ouvrier, au paysan, à l’intellectuel, à tous
ceux qui seront persécutés... car dans notre pays le fascisme
s’est déjà fait connaître depuis longtemps dans les attentats
terroristes, faisant sauter les ponts, coupant les voies
ferrées, détruisant les oléoducs et les gazoducs, bénéficiant
du silence de ceux qui avaient l’obligation d’assurer la
défense... L’histoire les jugera !

Radio Magallanes sera sûrement réduite au silence, et le
son tranquille de ma voix n’arrivera plus jusqu’à vous.

Peu importe, vous continuerez à l’entendre, je resterai toujours à vos
côtés ; mon souvenir sera au moins celui d’un homme digne
qui fut fidèle à la loyauté des travailleurs.

Le peuple doit se défendre, mais pas se sacrifier. Le peuple
ne doit pas se laisser cribler ni écraser, mais il ne doit
pas non plus se laisser humilier.

Travailleurs de ma patrie,

J’ai crois au Chili et en son destin. D’autres hommes sauront
dépasser ce moment gris et amer où la trahison prétend s’imposer.
Allez de l’avant et sachez que dans un avenir plus proche
que lointain s’ouvriront à nouveau les larges avenues par
où s’avancera l’homme libre pour construire une société meilleure.

Vive le Chili ! Vive le peuple ! Vivent les travailleurs
 !

Celles-ci sont mes dernières paroles.

J’ai la certitude que mon sacrifice ne sera pas inutile ;
j’ai la certitude qu’il sera tout au moins une leçon morale
pour châtier la félonie, la couardise et la trahison.

Salvador Allende

Le
discours qui fut transmis par A.M. Radio Corporacion


PLACE ALLENDE
Rassemblement le 11 septembre 2008 place Allende Paris 7

Messages

  • Le peuple doit se défendre, mais pas se sacrifier. Le peuple ne doit pas se laisser cribler ni écraser, mais il ne doit pas non plus se laisser humilier.

    Mais c’est trop beau. A chaque fois que je relis ou réécoute ce discours j’ai les larmes aux yeux.

  • Pour moi il y a qu’un seul 11 de septembre à ne pas oublier,11 de septembre de 1973,pourquoi vous croyez que les étasuniens ont crée un autre 11 de septembre ?
    Pour essayer de faire oublier l’AUTRE 11 de septembre,celui que 38 ans avant ils avaient organisé avec les fascistes chiliens d’après le Plan Condor.Ils sont presque réussi,mais le peuple parfois n’avale n’importe quoi..
    La force aérienne a bombardes les tours...dit le Pt.Allende dans son discours au peuple chilien.Quelle coïncidence,n’est pas ? 38 ans après,aussi de tours s’écroulent !!!
    Heureusement,le monde croit de moins en moins à leurs théorie de l’attentat made in Ben Laden .Mais c’est quoi 3000 personnes tués en échange de milliards qui rapportent leur excuse pour envahir des pays à pétrole.Mais les romains n’avaient pas fait la même chose pour "culpabiliser" les chrétiens ,et les nazis,l’incendie du Reichstag,mais c’est connu,les étasuniens sont nuls en histoire.
    El pueblo unido jamas sera vencido.La lutte continue..

  • Aucune rediffusion récente de "il pleut sur Santiago" l’excellent film sur le 11 septembre 1973 avec une palanquée d’acteurs renommés, depuis des années et des années. A peu près invisible également sur les écrans parisiens... Film relatant le déroulement du coup d’état et montrant avec une pédagogie et une éloquence rares la lutte des classes et l’écrasement fasciste. Vers la fin du film, le discours d’Allende...

    Je ne surveille pas les programmes télé, mais je regrette que ce fim soit aussi peu connu aujourd’hui...

    Olivier, SUD PTT Paris.

  • Que ceci nous serve de leçon,à nous communistes de tous partis qui savons que la bourgeoisie défendra avec toutes les armes dont elle dispose ses interets.
    Dés le début d’un mouvement révolutionnaire,d’une prise de pouvoir quelqu’en soit la façon :

    limogeage de TOUS les généraux .
    Désarmement de la police,des crs
    Substitution du commandement militaire par les syndicats,les travailleurs en collectif

    La réfléxion sur ce sujet dans la construction du NPA est absente et c’est une faute.

    chaque bourgeoisie a son Kornilov

    Damien

  • Mille fois merci pour ce sublime et tragique chant du cygne à l’heure où les tenants d’un capitalisme pur et dur affichent l’insolence de leur "triomphale" prise de pouvoir sur le monde. Nous sommes tous maintenant les otages d’une économie mortifère, et la seule résistance (mise à toutes les sauces) ne suffit plus. Il s’agit d’agir et non plus de démultiplier la parole ad infinitum, se mettre d’accord sur un projet minimum, en dehors des programmes idéologiques, des conventions groupusculaires, des querelles de partis. Nous connaissons l’ennemi, ses représentants, ses bases constitutionnelles., ses alliances .etc... Le dernier discours d’Allende a valeur de symbôle et de prévention : les forces du consortium financièr mondial ne lâcheront pas un pouce de terrain. Il suffit de se tourner vers la Bolivie, où Evo Moralès tente l’impossible contre le monstre qu’est devenu l’Oncle Sam. Nous sommes irrésistiblement entraînés dans une guerre impitoyable dont l’issue pourrait être un genre nouveau d’esclavage de masses (nouvel ordre mondial du village global). En France, le national-sarkoziste nous y prépare et l’alliance avec l’Amérique de Bush et de ses criminels seïdes est impardonnable. Un pas de trop à déjà été franchi. Fi donc des discours, des articles de presse à foison, des séminaires et réunions, des analyses toujours contreversées... Stop !!! Il faut AGIR !!! et cela suppose des risques inouïs, la fin du petit confort individuel qui consiste à râler inutilement, à protéger ses acquis. La solidarité, telle que je l’entends, est à ce prix. Vous pouvez consulter l’appel du poète Tristan CABRAL, ainsi que son projet de constitution pour une VIème République (non définitif) sur notre site DANGER POESIE: : http://poesiedanger.blogspot.com/search/label/Tristan%20Cabral.
    Salut et Fraternité, André Chenet