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L’Etat au service du libéralisme

Publie le samedi 20 septembre 2008 par Open-Publishing
2 commentaires

Le capitalisme traverse une crise profonde. Personne ne peut prédire aujourd’hui l’ampleur de ses conséquences. Il faut en prendre conscience ; car le système a, malheureusement, largement entamé son « travail » de destruction de l’homme et de la nature.

Cette crise révèle par ailleurs une immense contradiction entre une pensée qui a fait du rejet de l’intervention de l’Etat son fondement même, et une pratique qui érige ce même Etat en gestionnaire essentiel des affaires privées des classes privilégiées. Car il ne viendrait jamais à l’esprit d’un dirigeant politique de faire intervenir l’Etat et dépenser des centaines de milliards d’euros ou de dollars pour sauver les emplois des salariés ! Bien au contraire. Les Etats capitalistes les détruisent volontiers en privatisant les services publics et en laissant faire le marché lorsqu’ il s’agit des entreprises privées. Un ancien premier ministre français, de surcroît socialiste, ne disait-il pas d’ailleurs, face aux licenciements par Michelin de milliers d’hommes et de femmes (7 500 exactement), que « l’Etat ne peut pas tout ».

Les conséquences de cette contradiction se répercutent d’une manière dramatique sur la majorité des citoyens. C’est au nom de cette doctrine que les libéraux ont privatisé nombre de secteurs vitaux pour la population notamment pour les plus démunis. Et c’est en invoquant ce même libéralisme que Monsieur Sarkozy s’apprête à privatiser la Poste, nonobstant le formidable démenti apporté par la réalité aux certitudes de cette théorie. Et ce « laisser-faire » a déjà mis au chômage et jeté dans la misère des millions de salariés.

Les Etats-Unis, selon les dires même du président de la Réserve fédérale américaine (FED) Ben Bernanke, vivent actuellement « l’un des environnements économiques et de politique monétaire les plus difficile jamais vu » (1). Ou encore « Il n’y a aucun doute : je n’ai rien vu de pareil et ce n’est pas encore fini, cela prendra encore du temps » déclarait Alan Greenspan l’ancien président de la même FED(2). Il ne s’agit donc pas d’un ralentissement conjoncturel, mais d’un profond dérèglement du système lui-même.

Les décideurs économiques et les hommes politiques, ne sachant comment faire face à cette crise, prennent dans l’urgence des mesures qui vont, paradoxalement, à l’encontre de leurs dogmes économiques en faisant appel à l’Etat ! Celui-là même que les libéraux ont décrié, fustigé et haï depuis Smith à aujourd’hui en passant par Ricardo, Mill ( père et fils), Walras, Friedman etc. etc. La réalité économique vient de montrer et d’une manière éclatante l’incapacité du marché à réagir face à cette situation. Le Dieu marché, tant vénéré par cette pensée, n’est pas autorégulateur pour utiliser leur propre jargon. Pour les libéraux, le marché se régule de lui-même grâce à la loi de l’offre et de la demande. Celle-ci jugée naturelle (comme la pluie qui tombe du ciel), est donc infaillible. L’intervention de l’Etat ne ferait donc que perturber le fonctionnement harmonieux du marché. Mais les faits, eux, sont têtus.

Ils montrent une réalité bien différente : l’Etat gère directement cette crise. Il suffit de voir les patrons des grandes banques, compagnies d’assurance et autres fonds d’investissement défiler devant Henry Paulson secrétaire au Trésor des Etats-Unis pour le supplier d’intervenir et de leur apporter l’aide précieuse de l’Etat. Leur foi dans le libéralisme s’efface devant les milliards de dollars dont ils ont besoin pour survivre. Car ils savent très bien que leur salut ne peut venir que de l’Etat.
Effectivement l’Etat intervient d’abord indirectement par le biais des banques centrales : la FED, la Banque centrale européenne (BCE), la Banque d’Angleterre (Bank of England, BoE) etc. Ces institutions ont injecté dans le circuit économique des centaines et des centaines de milliards de dollars et d’euros pour sauver ce qui peut l’être, mais en vain. On ne perd pas espoir pour autant. Le 15 septembre 2008 par exemple, la BCE injecte à nouveau 30 milliards d’euros, la FED 180 milliards quelques jours plus tard, pour calmer « l’angoisse » des spéculateurs en leur achetant, dans le dernier cas, des titres qui n’ont quasiment aucune valeur.

Les interventions de ces banques centrales se succèdent mais toujours sans résultats. D’autres injections vont suivre, car le système, à l’instar d’un drogué, ne peut s’en passer pour survivre. Sauf qu’il s’agit ici, indirectement tout du moins, des deniers publics c’est-à-dire des impôts payés par les citoyens.

Face à cette incapacité des banques centrales à sortir de la crise, on a fait alors directement appel à l’Etat. Bush va ainsi débloquer des fonds publics pour venir en aide aux intérêts privés (150 milliards de dollars) (3). Mais ce plan de sauvetage est resté sans effet. Alors on a tout simplement commencé à nationaliser. L’Etat prend donc directement en charge des banques privées incapables de sortir de la situation catastrophique dans laquelle la soif du profit les a conduites. Ainsi ont été rachetées par l’Etat deux grandes sociétés dont la fonction principale est d’assurer la fluidité du marché du crédit immobilier. Il s’agit de Fannie Mae et Freddie Mac dont le Trésor américain détient désormais 80% de leur capital social.

L’Etat américain participe également à hauteur de 80% du capital du géant américain IEG pour le sauver de la faillite. D’autres nationalisations viendront certainement allonger cette liste, car les racines de la crise sont toujours là.

Il ne s’agit pas seulement de la faillite d’un secteur de l’activité économique en l’occurrence ici le système financier de la première puissance du monde, mais de la faillite du libéralisme lui même qui ne s’est imposé à travers l’histoire que par la domination économique et idéologique de la classe qui le porte.

« Le pouvoir étatique moderne n’est qu’un comité chargé de gérer les affaires communes de la classe bourgeoise tout entière » (4). Une phrase d’une actualité troublante.

Mohamed Belaali


(1) Le Monde du 24 et 25août 2008, p. 10

(2) http://www.liberation.fr/actualite/economie_terre/352017.FR.php

(3) Le Monde 20 et 21 janvier 2008 page 10

(4) K. Marx et F. Engels dans le Manifeste du Parti communiste.

Messages

  • Bonjour,

    Reculer pour mieux sauter, au sens propre comme au sens figuré.

    La phase dangereuse de la finance et plus ou moins endigué, mais la phase économique elle, elle vas fauché touts les citoyens us et par déclinaison les pays "évolués"

    Il n’ y a plus qu’a attendre la révolution des citoyens américains.

    Hyoo

    • Un trader heureux rencontre un boursier euphorique.

      Ils décident donc d’aller ensemble boire une verre.

      Le trader dit au boursier : " Allez, tu reprendras bien un peu de cet excellent champagne ? "

      Le boursier répond : " Ouh la la, c’est déjà ma deuxième bouteille, cela coûte cher ! "

      Le trader : " Ne t’en fais pas pour l’addition, ce sont les enfants du voisin qui payeront ! "

      Le boursier : " Alors je veux bien, et en plus je reprendrai du caviar : cette fois-ci, ce sont les petits-enfants des voisins qui payeront ! "