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Soutenir Patrick Pelloux, muté de force... et l’hôpital public

Publie le mercredi 8 octobre 2008 par Open-Publishing
9 commentaires

de Corinne Perron

Pourquoi faut-il soutenir l’urgentiste Patrick Pelloux ? La question doit être clairement posée aujourd’hui au lendemain de la mutation deu président de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf) au Samu de Paris sans qu’il en ait fait la demande - "Ce n’est pas une mutation choisie, mais obligée par le harcèlement devenu un mode de fonctionnement dans mon service" - et à la veille de la présentation du projet de loi "Hôpital, patients, santé et territoires" (HPST) par Mme Bachelot en conseil des ministres le 8 octobre.

Bien sûr, le Samu de Paris n’est pas un placard, encore moins un purgatoire ; tous les usagers et les professionnels de la santé reconnaissent les qualités remarquables et indispensables de ce service quand il s’agit de sauver des vies, ce qui n’est pas le moindre de ses mérites.

C’est la façon de faire qui est condamnable, le harcèlement qu’il faut dénoncer. Cette mutation peut être qualifiée de sanction disciplinaire à l’encontre d’un syndicaliste, quand on sait que les chefs de pôles et "les pontes des hôpitaux" s’acharnaient à tout mettre en œuvre pour l’atteindre moralement, pour le faire taire tout simplement.

Ce harcèlement est révélateur de l’agacement de quelques responsables qui ne comprennent pas qu’un médecin puisse avoir un investissement altruiste au sein d’un service public. Jaloux aussi de la médiatisation de Pelloux, mais surtout profondément inquiets de la portée convaincante de son discours dans les cerveaux disponibles.

Les malades sont taxés, coupables d’être malades et de creuser les déficits

Car tout le monde est d’accord avec Patrick Pelloux quand il dénonce l’indécence de quelques professeurs universitaires, « les conducteurs de Porsche », dont la vénalité s’accorde parfaitement avec leur serment d’hypocrites. Tout le monde, ce sont les malades, les familles des malades, les futurs malades… eh oui, vous, tout le monde quoi.

Depuis que le secteur privé a été introduit à l’hôpital et que certains en abusent sans scrupule, le service public ne s’est jamais aussi mal porté. Dans notre pays riche et soi-disant « civilisé », l’injustice face à l’offre de soins est une logique dominante totalement inhumaine mais toujours plus renforcée par les réformes successives. Déjà, plusieurs mesures ont instauré la solidarité à l’envers : les malades sont taxés, coupables d’être malades, coupables de plonger l’assurance maladie dans les déficits.

Et ce nouveau projet de loi HPST va instaurer encore moins de service public, moins de démocratie.

C’est sur un fond de dépenses de santé qu’a lieu le débat récurrent du « trou de la Sécu ». Il s’agit d’un faux débat car les comptes de la Sécurité sociale dépendent non seulement des sorties, mais aussi des rentrées financières.

Or, le déficit le la branche maladie -6 milliards d’euros en 2007- s’explique largement par le manque de recettes, le chômage entraînant une diminution de celles qui proviennent des cotisations sociales. Pire, de nombreux revenus échappent aux cotisations.

La Cour des comptes a calculé que, si les stocks options étaient normalement assujetties aux cotisations sociales, elles fourniraient 3 milliards d’euros, soit la moitié du déficit de la branche maladie de la Sécurité sociale. Le budget, finalement, résulte d’une décision politique…

Les multinationales attirées par le secteur de la santé français

La France consacre 11% de son PIB pour la santé. Les partisans du libéralisme contestent que ces sommes considérables échappent à la loi du profit, mais n’ont bien sûr rien à redire sur le coût des hospitalisations en milieu privé lucratif, dont la France détient le record européen (23%).

Ces cliniques appartiennent le plus souvent à des sociétés internationales comme la Générale de Santé et un nouveau venu, Vitalia, lié au fonds d’investissement américain Blackstone, dont les actionnaires exigent des taux de rentabilité du capital supérieur à 20%.

Le financement public enrichit ces sociétés privées et a permit à la Générale de santé de verser, en décembre 2007, 420 millions d’euros à ses actionnaires !

Le secteur de la santé français attire donc des capitaux internationaux en attente de vagues de privatisations. C’est dans ce contexte qu’a été mis en œuvre le financement appelé « tarification à l’activité » (T2A), dont le but déclaré est de diminuer le coût des hôpitaux. Et l’objectif, inavoué, d’augmenter le financement des cliniques.

La T2A est faite pour mesurer la quantité, pas la qualité ; les gestes techniques, pas l’acte intellectuel. Elle ne prend en compte ni la gravité, ni l’activité des services hautement spécialisés, ni la précarité, ni les problèmes psychologiques, ni l’éducation du patient… Elle se révèle complètement inadaptée aux services de médecine des hôpitaux publics.

Conçue à l’évidence en faveur des cliniques, la mise en place de la T2A, comme attendu, entraîne le déficit voire la faillite de 90% des hôpitaux publics.

Ce déficit permet aujourd’hui de justifier l’abandon de certaines activités, la restructuration d’autres, voire la fermeture pure et simple de nombreux hôpitaux de proximité. Certains seront vendus au privé…

Le patient qui se fait alors opérer en clinique est obligé de payer des dépassements d’honoraires devenus exorbitants. Il est commun de devoir payer des dépassements de l’ordre de 1 000 euros pour une cataracte ; pour une prothèse de hanche, 3 000 euros pour le chirurgien et 1 000 euros pour l’anesthésiste.

Opéré dans la semaine dans le privé, dans un an au tarif Sécu

Ces phénomènes ne touchent pas seulement les cliniques mais concernent également l’activité privée au sein des hôpitaux publics. Il s’y pratique des dépassements d’honoraires qui, bien souvent, ne correspondent plus à aucune règle éthique.

On retrouve là nos « conducteurs de Porsche », avec qui vous pourrez avoir un rendez-vous de consultation dans la semaine si vous y mettez le prix… ou dans un an si « vous vous contentez du tarif Sécu ». Et à ce tarif, ce n’est sans doute pas lui qui vous opérera, il laissera un interne « se faire la main ».

Pour contrer cette politique, les défenseurs du service public doivent lui opposer une réforme partant des besoins de la population et visant à garantir l’égalité d’accès aux soins.

Solidaire, le système de financement doit être assuré par les cotisations sociales, par l’impôt et la contribution de tous les revenus financiers. Notre système de santé, de soins et de sécurité sociale doit rester fidèle à ses valeurs de solidarité : chacun finance en fonction de ses moyens et reçoit en fonction de ses besoins.

A Carhaix et Saint-Affrique, la mobilisation a payé

Il n’y a aucune raison que le financement public, par les fonds socialisés de l’assurance maladie, continue à verser des dividendes colossaux aux actionnaires de sociétés à but lucratif telles que la Générale de santé ou Vitalia.

La réforme égalitaire et républicaine que nous voulons doit s’employer à la fois à rénover le service public et à remettre en cause les dérives mercantiles des pratiques médicales ainsi que celles des industriels de la santé.

Comme d’autres syndicalistes qui luttent en ce sens dans les hôpitaux, Patrick Pelloux subit aujourd’hui le harcèlement qu’on connaît.

Des mobilisations dans toute la France s’organisent et grandissent. Saint-Affrique et Carhaix sont de beaux exemples de résistance et de luttes victorieuses, et il y en aura d’autres. C’est un choix de société clairement revendiqué.

Ce combat passe aussi par le soutien de tous à ceux qui subissent une répression antisyndicale quand ils s’opposent à la marchandisation de la santé.

 http://www.rue89.com/2008/10/06/sou...

Messages

  • Mais... les "responsables" et "chefs de pôle" le deviennent JUSTEMENT parce-qu’il sont indifférents à toute considération humaine ! Seule compte la logique comptable qui devrait faire sous peu des hopitaux publics des cliniques privées. Convoitées par la Générale de Santé, entre autres. Les "responsables" et "chefs de pôles" en espèrent sans doute devenir les directeurs "roulant en porsche" ? les patients sont alors uniquement considérés comme des porte-monnaie sur pattes. Rien de plus.

    A condition qu’il subsiste, en France, suffisemment de gens qui peuvent s’endetter pour payer leurs soins...

    Les infirmiers (on les entend pas, vous avez remarqué ?), dûment "formés" depuis plus de 15 ans, par les potes à Tom Cruise, à la culpabilisation du patient, à la décharge de sa prise en charge sur sa famille, au recours à Dieu (on ne rit pas), sont d’une grande aide dans ce système inhumain.

    Tant qu’à faire de payer des dessous de table de 1000 Euros et plus... autant, si on le peut, aller se faire opérer à Cuba ! Ils sont nettement meilleurs ! Et nettement plus gentils !

    Patrick Pelloux doit se sentir bien seul, car les syndicalistes harcelés parce-qu’ils s’opposent à la marchandisation de la santé sont rares. Non pas parce-qu’ils ne seraient pas harcelés mais... parce-que les syndicats s’y opposent tellement timidement qu’on ne les entend pas.

    • formation des infirmiers et scientologie ...
      Des précisions ...????

    • Lire les "manuels diagnostics" des infirmiers (en vente partout), en usage dans les hopitaux et dans les écoles d’infirmiers, est déjà un bon départ. Les lire sans rire (jaune) est difficile. Exemple : mesurer le champ énergétique du patient... Celui qui ne rit pas est bon pour la sciento, donc pour la ruine de l’âme, et du porte-monnaie.

      Ces "manuels" sont d’origine canadienne, et toute la bibliographie est en anglais. La culture européenne y est totalement ignorée. La laïcité, n’en parlons pas.

      Les plus anciens rigolent franchement. Les plus jeunes, sortant de l’"cole qui les a formaté, sont désorientés. Ils y voient une acceptation du new-age qui ne leur déplait pas. Ils acceptent les dégoulinades de faux bons sentiments, car eux-mêmes en ont à revendre. Et surtout, ce qu’ils adorent, c’est le "pouvoir infirmier", prôné dans ces manuels (ça promet dès la couverture : les "diagnostics".). Donc, ils sont contents.

      L’origine de ces délires est plus difficile à démontrer, car c’est plein de faux-nez et d’associations à l’air innocent (comme les ONG) mais, en cherchant, on y arrive.

      Patient, ET FAMILLES DE PATIENTS, goûtez un peu du "pouvoir infirmier" : vous ne serez plus jamais malade. Encore pire que le pouvoir médical d’autrefois, car nettement moins instruit.

  • Je soutiens Patrick Pelloux depuis longtemps,mais il serait temps,"grand temps" ,( et ce serait aller dans le sens de ses actions),d’expliquer les dérives successives de "notre" Sécu (ministre communiste de 45 à ne pas oublier)/
    La Santé et l’Enseignement ne peuvent et ne doivent suivre les lois du "Marché"...
    Il est "abradabantesque" de constater la "toujours vigueur" des soutiens à ce "marché" qui vient pourtant,de nous faire casser la g... car "il" ne va pas tarder à recommencer,puisqu’"on" nous oblige à le refinancer .... pour mieux nous spolier......
    Il faut expliquer que l’"exonération des charges sociales" sur les salaires(heures sup) ,à part enrichir les patrons(je suis ringarde et l’assume) ,creuse un peu plus le budget de la Sécu(retraites etc...)
    Seule l’augmentation des salaires peut permettre une augmentation du pouvoir d’achat !
    ce qui me navre,c’est que même les moins riches ne rêvent que de s’enrichir...et aux dépens des autres.
    Cela s’appelle de la régression.
    C’est valable dans tous les domaines et lorsque l’on "dévoie" la Santé et l’Enseignement Publics ...c’est grave....Docteur !
    Patrick Pelloux a le mérite(rare) de parler vrai...pourvu que ça dure !C’est en l’imitant dans tous les domaines qu’on le soutiendra le mieux.... et nous tou(te)s avec) !

  • j’ai eu l’occasion de rencontrer Pelloux en Janvier 2000 alors que je m’étais étirer le ligament externe d’une cheville avec déchirure musculaire

    J"ai été assez surpris car humainement parlant je n’ai pas du tout accroché avec lui car il m’a paru suffisant et m’a dit qu’avec un calmant je pouvais rentre chez moi ce qui m’a surpris car je pouvais a peine posé le pied par terre

    pour autant ce gars est, comme moi, un défenseur acharné du service public et n’hésite jamais à dire ce qu’il pense même si cela heurte les hautes instances médicales qui en 2003 parlait de secret professionnel, comme s’il fallait qu’un médecin fermât sa gueule en oubliant qu’il est avant tout citoyen

    Pelloux est un citoyen et son métier n’influe pas sur ce fait : ca devient trop rare et les carabins de notre siècle devrait ce souvenir que défendre l’hôpital et les usagers c’est justement refuser qu’ils deviennent clients et que dans notre pays sauve momentanément les banques, pour des milliards d’euros, de leurs propres fiascos nos hôpitaux se doivent de soigner le moins cher possible et ne pas tomber dans le mercantile ce qu’il adviendra avec le T2A

    Nos hôpitaux sont en déficits ? a qui la faute ? et qu’est ce que 300 millions a coté des milliards de pertes des banques ??

    Pelloux dénonce et aussi propose : je le répète, ce monsieur manque à mon sens de psychologie,mais il est vital de le défendre, car nous avons besoins de médecins qui défendent le SERVICE PUBLIC DE SANTE