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Un social démocrate qui croit à la guerre des classes

Publie le samedi 11 octobre 2008 par Open-Publishing
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de Bertrand Rothé

Il fallait oser, écrire un livre sur la « Guerre des Classes ». Il fallait prendre le risque assumé de passer pour un crypto stalinien, un archéo quelque chose, ou, pour reprendre la phrase d’un des anciens patrons de "Libération", puis du "Nouvel Observateur", pour un "scout doux dingue".

La guerre des classes, voilà qui renvoie à l’histoire, à Marx, à de très vieux concepts. Aujourd’hui plus personne ne parle de ces réalités. Notre société a ses tabous, et en voilà un qui devrait sauter. La lutte des classes existe pourtant bel et bien.

François Ruffin croit en son sujet, il le travaille, comme un boulanger pétrit son pain. À bras le corps avec énergie.

Si la gauche « moderne » a un problème avec le concept, les riches, eux, parlent sans retenue de lutte des classes. Warren Buffett (l’homme le plus riche du monde), déclare : « Il y a une guerre des classes, c’est un fait, mais c’est ma classe, la classe des riches qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la gagner ». Les nantis quant à eux, vivent dans la crainte. Le « découplage entre faible progression des salaires et profits historiques des entreprises fait craindre (…) une montée du ressentiment, aux Etats-Unis comme ailleurs, contre le capitalisme et le marché ». Cette phrase est signée Alan Greenspan, qui en conclut qu’il faut augmenter les salaires.

Ce n’est pas un livre d’économie ou de sociologie imbitable. Mais un bouquin accessible, qui parcourt la France et l’histoire du XXè siècle. On y parle d’hommes, de femmes, de rencontres, avec beaucoup d’humanité. Le Vimeu rouge n’est jamais bien loin. Ça sent la sueur, car l’homme n’a pas le regard froid du sociologue pour les choses, et surtout les personnes qu’il étudie. Il cherche à comprendre. Il prend le temps – que trop peu de journalistes s’accordent –, de manger avec eux le Chili Con Carné à même une boite de conserve. Comme dans le précédent livre de François Ruffin, Quartier Nord, le lecteur s’associe facilement aux personnes croisées, qui a l’ouvrier, le militant abusé.

Ruffin ne sort pas indemne d’une lignée d’agriculteurs et d’instituteurs. Cette humanité bienveillante l’engage à se définir « comme un social-démocrate à l’ancienne… ». Un social démocrate qui croit en la guerre des classes, et qui en appelle à un nouveau rapport de forces.

L’auteur vient de la littérature. C’est un amoureux de Steinbeck, comme d’autres aiment Céline ou Léon Bloy. Il y a donc une musique François Ruffin. Un rythme qui lui est propre. Et qu’on apprécie.

La seule limite du livre, c’est peut-être son titre « La guerre des classes ». « La lutte des classes » aurait sans doute mieux convenu. La lutte renvoyant à Marx, la guerre à Buffett.

François Ruffin, « La Guerre des classes », Ed. Fayard, à paraître le 8 octobre 2008

François Ruffin est journaliste. Il a crée le journal amiénois « Fakir », collabore au « Monde Diplomatique », et est reporter pour l’émission de Daniel Mermet « Là-bas si j’y suis », sur France Inter.

http://www.bakchich.info/article5305.html

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