Accueil > De ce jeudi 30 à fin novembre, expo photos sur la jeunesse rebelle

De ce jeudi 30 à fin novembre, expo photos sur la jeunesse rebelle

Publie le jeudi 30 octobre 2008 par Open-Publishing

Galerie F. MOISAN, 72 rue Mazarine, metro Odéon, Patrick Mourral qui fréquente les milieux alternatifs et marginaux , ces jeunes qui fuient la vie d’ esclave en usine pour tenter de prendre à pleines mains une vie totalement différente, conviviale et festive, présente depuis ce Jeudi 30 son reportage photographique.
Ci dessous, le contexte historique et social de cette jeunesse rebelle est décrit par un ethnologue.

Patrick Mourral, photographe de la retribalisation.

Le point de vue d’ un ethnologue.

Le mouvement littéraire beatnik l’avait annoncé : la civilisation occidentale est au bout du rouleau. Les jeunes lecteurs enthousiastes de Jack Kerouac, d’Allen Ginsberg, d’Alan Watts, de William Burroughs, de Ken Kesey (qui inspira le film « Vol au-dessus d’ un nid de coucou », expression anglaise pour « bande de fous » !) jusqu’au dernier Aldous Huxley, celui des « Portes de la perception », se lancèrent à fond dans le mouvement hippie.
Le pape du L.S.D.Timothy Leary donnait trois mots d’ordre à la subversion psychédélique :
Turn on, Tune in and Drop out = Tourne le dos au vieux monde, Branche-toi et Barre-toi, fou le camp, laisse tomber les conneries du monde des adultes !
Patrick Mourral observe avec tendresse depuis des années ces jeunes qui « foutent le camp ».

Tandis que la vieille Europe tentait encore de rejouer la geste héroïque des révolutions seulement sociales en essayant de ressusciter le cadavre marxiste : cette façon désuète de lancer une nouvelle fois des luttes ouvrières : les 10 millions de grévistes dans la France de Mai 68, les ados de Mai, eux, préféraient la Contre-Culture hippie.

Cette jeunesse intrépide et contestataire se voulaient « freaks », pacifiste, romantique, pleine de fleurs dans les cheveux, plutôt que soldats (« miles »= militaire ou militant) d’une énième secte ouvriériste trotskiste ou non.
Face à l’ arrivisme, l’obsession de l’ascension sociale, ils hurlèrent hilares :

« Ne perdons pas notre vie à la gagner ! »

A la place du militantisme sacrificiel des « établis » en usine, ils lancèrent cet appel à l’utopie, à la vie en communauté, des chèvres des Cévennes aux moutons du Larzac ou aux chevaux de Mérens en Ariège en passant par les tipis qui apparurent alors en Pays de Galles comme en Bretagne :

« Vivons nos rêves au lieu de rêver notre vie ! »

Fini, la « société de consommation » (Henri Lefebvre, Jean Baudrillard) . Herbert Marcuse montrait comment les révolutions à venir n’auraient plus rien à voir avec la vieille partition seulement économiciste en classes sociales. Ce qui va ébranler la société occidentale viendra de ses marges, de cette jeunesse « trans-classes » et jouisseuse, lectrice de la « fonction de l’orgasme » (Wilhem Reich) et intriguée par les spectacles orgiaques du peintre actioniste viennois Otto Muehl, apologue de la sexualité collective dans le lit gigantesque de Friedrichhof, cette jeunesse prompte à adopter la révolte féministe et la remise en cause des anciennes catégories masculin/féminin, comme la remise en cause de la vie de famille misérablement étriquée dans le seul triangle « Papa/Maman/Enfant »…
Cette jeunesse autant bourgeoise qu’ouvrière qui se moque de l’espoir d’être riche un jour, qui ne rêve plus de possessions matérielles, mais vise directement le bonheur à travers l’éthique d’une vie simple, belle, harmonieuse. Cette pauvreté volontaire qui est le contraire de la misère, comme l’a démontré Majid Rahnema dans son ouvrage déstabilisant de 2003.

« Faisons de notre mode de vie une œuvre d’art »

pouvait-on lire dans ACTUEL ou dans SEXPOL. Abondance des caresses, doux bisous dans la fusion collective, amour de la nature. Pour la première fois une branche des sciences devient porte-parole de la subversion : l’écologie.
Par elle, le vieil anthropocentrisme issu de l’hérésie du Moyen-Orient :
l’étrange monothéisme orgueilleux qui ose mépriser tant la femme –au corps diabolique, donc à voiler- que la nature qu’il faut maîtriser, « violer » dira Bacon et Descartes nous assignera d’en être « comme maître et possesseur », charpentant ainsi la Religion du Progrès,
cet anthropocentrisme délirant qui fera de nous hélas des occidentaux s’ effritera au profit du retour au biocentrisme. Les visions cosmiques des religions d’Asie comme les visions du monde des Indiens d’Amérique ou des Aborigènes d’Australie eurent les préférences des « enfants-fleurs » de la révolte.

Patrick Mourral va en rencontrer les descendants : ces « guerriers de l’arc-en-ciel » qui tentent de donner corps
corps nus pour subvertir les injonctions à voiler le corps et diaboliser la sexualité que voulurent nous inoculer les missionnaires venus des trois religions du Livre
donner corps donc, à la prophétie des indiens Hopi :
« Notre Sainte mère la Terre va être entièrement ravagée par les outrecuidances de l’Homme Blanc, mais au dernier moment vont apparaître les Rainbow Warriors, guerriers de l’arc-en-ciel qui vont in extremis sauver la planète ».

« Soyons ces guerriers de l’arc-en-ciel, soyons ces mutants qui choisissent de bouleverser notre mode de vie pour lier l’utile à l’agréable : un mode de vie en harmonie avec les équilibres écologiques, par respect pour nos sœurs les plantes et nos frères les animaux, et à la fois un mode de vie jouissif qui mène au bien-être, au bonheur, hymne à la beauté, à travers une vie d’artiste et d’artisan ».

Sous l’un des trois tipis plantés au festival de Woodstock l’été 1969, fut lancé l’idée d’un gigantesque rassemblement annuel en pleine nature, sans électricité, des « Rainbows ». Le premier eut lieu en Oregon en 1971, et pour l’Europe, ce fut à la frontière italo-suisse en 1981, cette même frontière qui vit naître pour la première fois au monde le mouvement hippie (avant la lettre ! ) vers 1900 avec Gusto Gräser (1879-1958) et la communauté de Monté-Vérita, près d’Ascona. Hermann Hesse et la danseuse Isadora Duncan en furent certains des plus célèbres visiteurs…
Car déjà, sortis de la société la plus horriblement industrielle de l’époque : l’Allemagne, apparurent les premiers contestataires de la modernité occidentale, les premiers à oser hurler : « A bas le Progrès » ! Bientôt suivis en France par le mouvement des Naturiens : juillet 1894, sortie du premier numéro du « Sauvage ou l’Etat Naturel » de l’artiste peintre Emile Gravelle et de Henri Zisly.

L’ artiste photographe Patrick Mourral a su saisir avec son objectif les frémissements des mondes nouveaux qui percent à travers toutes les failles d’une civilisation enfin agonisante, ces failles prometteuses décelées par le sociologue Michel Maffesoli qui voit venir le « temps des tribus » (2000) à travers toutes les lézardes salutaires d’un monde qui s’écroule.

Quelle joie ! Il était grand temps !
Car si on avait laissé faire ce monde matérialiste devenu fou, il nous aurait mené d’ici peu aux pires horreurs prophétisées par George Orwell, ce « cauchemar climatisé »( Henry Miller, 1945) ou cette « modernité-merdonité » de Michel Leiris, à coup de fichage généralisé avec les puces R.F.I.D. incluses sous notre peau et autres monstres engendrés par les apprentis-sorciers des nanotechnologies.

Patrick Mourral est un pionnier. Un témoin du 21e siècle entrain de naître, le vrai. Le 21e siècle de la liberté enfin reconquise. Pas le 21e siècle des conservateurs, ceux qui veulent conserver benoîtement les antiques idéaux marxistes et capitalistes, ces frères jumeaux de la même sinistre farce : la civilisation industrielle. Une utopie folle, absurde, car écologiquement impossible.

A bas la civilisation, vive les sylvilisations multiples et discrètes. A bas le développement : vive l’enveloppement, ou art de vivre en occupant peu de place sur cette planète, pour laisser libres les immenses espaces dont a besoin la vie sauvage.
A bas la vie indigne d’ animal domestique ! rugit l’enragé de Mai 68, René Riesel qui continue à fourbir les jeunesses rebelles d’aujourd’hui d’armes situationnistes infiniment subversives depuis sa cachette en Lozère.
Vive la vie sauvage. A bas la police et la « polis ». Insurrection de la vie !
La sagesse d’un Pierre Rabhi rencontre l’intrépide rébellion des jongleurs et des cracheurs de feu, saltimbanques qui inventent sous nos yeux les nouvelles vies tribales qui vont dissoudre la prétention occidentale, les Etats tentaculaires et pointilleux, les folies mondialisatrices des multinationales !
« On va gagner ! » pensent-ils (et elles) malicieusement. Sans le dire, sans « manifs » . Il suffit de vivre de suite la révolution : « Pour nous, le Grand Soir commence tous les matins »(André Gorz). « Dans nos camions-habitations, nos roulottes, nos yourtes et nos tipis. Plus besoin de ces vieilles structures que sont les partis politiques, organes antédiluviens de « l’administration du désastre » (René Riesel 2008). Nous, gais lurons et joyeuses luronnes, nous révolutionnons l’art de faire de la politique. »

Quelle joie ! Cette exposition de photos tombe pile au moment même où les signes de l’agonie de l’économie industrielle font les grands titres de la presse en cet automne 2008.

Cette exposition démontre que nous pouvons sortir de l’impasse.
Le bonheur est possible.
« D’autres mondes sont possibles ».
Voyez ces visages éclatants de bien-être. Patrick Mourral a fixé sur la pellicule les « Nomades de la plénitude », et non les « Nomades du vide » comme osa intituler son étude sur la jeunesse allant de festival en festival un sociologue englué dans une vision conservatrice. Non ! ces nomades nous montre le chemin ! Le seul possible car le Titanic de la civilisation coule. Il est temps d’expérimenter tous les chemins de traverse.

Voici venu le temps du « Retour des Tribus » comme disait le poète beatnik Gary Snyder.

Manquer l’exposition de Patrick Mourral, c’est manquer l’aube de la révolution qui est entrain de poindre.

Vive la crise !

Paris, ce 29 octobre 2008…
Thierry Sallantin, ethnologue, élève de Robert Jaulin, Pierre Clastres, Jean Monod, et Jacques Lizot..

Pour en savoir plus sur cette révolution, outre les auteurs cités dans ce texte on lira les ouvrages d’ Ivan Illich, de Serge Latouche, de Gilbert Rist et surtout de Majid Rahnema : son dernier qui vient de paraître fin octobre 2008 : « La Puissance des Pauvres », chez Actes Sud.

Pour visiter l’ exposition : du jeudi 30 Octobre au samedi 29 novembre 2008
du mardi au samedi de 11H à 19 H=L’ archipel, exposition photographique. Patrick Mourral Galerie Frédéric Moisan 72 rue Mazarine, 75006 Métro Odéon tel. 01 49 26 95 44 ; 06 79 64 80 78
Téléchargement des visuels à partir du site :
www.galerie-fmoisan.fr/presse
puis taper le code = archipel ; contact presse = Anne-Flore Mazet = 01 49 26 95 44 et = contact@galerie-fmoisan.fr