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Du Bourbier Vietnamien au Merdier Afghan

Publie le mercredi 5 novembre 2008 par Open-Publishing

Dans l’indifférence générale, une guerre a été déclarée contre le peuple pakistanais.

Depuis deux mois, pas moins de 17 missiles ont été tirés sur les régions du nord-ouest du Pakistan, proches de la ligne Mortimer-Durand, séparant les zones tribales pachtounes de l’Afghanistan.

Il n’y a pas un jour qui passe sans que des drones US tels des charognards cherchent leurs victimes sur le sol pakistanais.

Le web site du "Pakistan Observer" compte 168 morts, en septembre, résultant des tirs américains.

Ces bombardements de civils + l’opération militaire dite "Tremblement de Terre", à laquelle participent les forces armées pakistanaises, ont entraîné un exode de près d’1 million de personnes.

Selon les dires des officiers pakistanais, cette "guerre contre la terreur", inventée par l’administration Bush, a déjà fait plus de victimes que les 4 conflits avec l’Union indienne.

On comprend que le premier ministre Yusuf Raza Gilani supplie le futur président des Etats-Unis d’arrêter le massacre, il en va de l’existence même du Pakistan.

Les observateurs sont perplexes quant aux raisons qui poussent le Pentagone à vouloir déstabiliser ce qui était selon les mots mêmes de Bush, "le plus fidèle allié des américains dans la région"...

Les raisons, semble-t-il, sont antérieures aux événements du 11-Septembre et plongent leurs racines, dans les six essais nucléaires pakistanais, opérés dans un désert non loin de la frontière iranienne, au cours de l’année 1998.

Dans le livre "Affaires atomiques", la journaliste Dominique Lorentz prétend, sans véritablement apporter de preuves, que trois de ces essais étaient commandités par l’Iran et que deux des essais indiens, qui ont eu lieu auparavant, dans le désert du Rajasthan, à Pohkram, étaient, en fait, des essais pour les israéliens.

L’implication de quatre puissances nucléaires, dans la trame des événements qui ensanglantent, depuis dix ans, la région, donnerait la hauteur des enjeux, qui dépasse de loin la guerre d’Afghanistan.

Si les choses étaient ainsi, cela expliquerait la volonté étatsunienne de porter la guerre au Pakistan, pays qui serait entrain de construire un axe stratégique avec l’Iran, la Chine et les pays du Golfe.

Inadmissible au regard de l’aigle américain.

HIMALOVE


Ci-dessous le point de vue de Tariq Ali, écrivain, journaliste, producteur de film ; il écrit régulièrement dans des publications telles The Guardian, The Nation, et dans le London Review of Books.

La guerre américaine s’étend au Pakistan.

Deuxième partie d’un article intitulé « Has the US Invasion of Pakistan Begun » publié sur Tom Dispatch

L’Administration américaine, actuelle et à venir, est décidée à étendre la guerre d’Afghanistan au Pakistan, comme elle avait étendu la guerre du Vietnam au Cambodge.

Un désastre en préparation auquel ne doit absolument pas participer la France qui se rend complice d’un marché de dupes...

La décision de rendre public un ordre présidentiel de juillet dernier, autorisant des frappes américaines à l’intérieur du Pakistan sans demander l’accord du gouvernement pakistanais, met fin à un long débat au sein et à la périphérie de l’Administration Bush.

Le sénateur Barak Obama, ayant eu connaissance de ce débat en cours pendant sa longue bataille contre la sénatrice Hillary Clinton, a essayé de la dépasser en soutenant une politique de frappes US au Pakistan.

Le sénateur John McCain et la candidate à la vice présidence, Sarah Palin, se sont fait l’écho de point de vue, et c’est devenu ainsi, par consensus, la politique officielle des Etats-Unis d’Amérique.

Ses effets sur le Pakistan pourraient être catastrophiques, créant une crise sérieuse au sein de l’armée et plus largement dans le pays.

La grande majorité des Pakistanais sont opposés à la présence US dans la région, la considérant comme la menace la plus sérieuse pour la paix.

Alors pourquoi les US ont–ils décidé de déstabiliser un allié crucial ?

A l’intérieur du Pakistan, certains analystes affirment que c’est une action soigneusement coordonnée pour affaiblir l’état pakistanais en créant une crise qui s’étend bien au-delà des zones troublées à la frontière avec l’Afghanistan.

Ils affirment que le but final serait de neutraliser le nucléaire militaire pakistanais.

Si tel était le cas, cela impliquerait que Washington soit effectivement déterminé à briser l’état pakistanais, car le pays ne pourrait pas survivre à un désastre d’une telle ampleur.

De mon point de vue, cependant, l’expansion de la guerre est beaucoup plus liée à l’occupation désastreuse de l’Afghanistan par l’Administration Bush.

Ce n’est un secret pour personne que le régime du Président Hamid Karzai devient encore plus isolé chaque jour qui passe, car la guérilla des Talibans se rapproche toujours plus de Kaboul.

Quand on doute, procéder à une escalade de la guerre est un leitmotiv impérial.

Les frappes contre le Pakistan représentent – comme les décisions du président Nixon et de son conseiller national à la sécurité, Henri Kissinger, de bombarder puis d’envahir le Cambodge (des actes qui finalement ont mis au pouvoir Pol Pot et ses monstres) – une tentative désespérée de sauver la guerre ce qui n’a jamais été la solution, mais a toujours mal fini.

C’est vrai que ceux qui résistent à l’occupation de l’OTAN traversent facilement la frontière entre le Pakistan et l’Afghanistan.

Cependant, les US ont souvent engagé des négociations discrètes avec eux.

Plusieurs ballons d’essai ont été lancés en direction des Talibans au Pakistan tandis que les experts des services secrets US rencontrent régulièrement le Mullah Fazlullah, un chef pro Taliban local, au Serena Hotal à Swat, pour discuter de certaines possibilités. Il se passe la même chose en Afghanistan.

Après l’invasion US de l’Afghanistan en 2001, tout une partie de la direction du moyen échelon des Talibans ont traversé la frontière pour se regrouper au Pakistan et planifier la suite des opérations.

Dés 2003, leurs groupes de guérilleros ont commencé à harasser les forces d’occupation en Afghanistan et pendant 2004, ils ont été rejoints par une nouvelle génération de recrues locales, bien loin d’être des djihadistes, mais qui se sont radicalisés à cause de l’occupation.

Bien que dans les médias occidentaux les Talibans ont été assimilés à Al Qaeda, la plupart de ceux qui les soutiennent sont en fait motivés par des problèmes locaux.

Si l’OTAN et les US quittaient l’Afghanistan, leur évolution politique se ferait probablement en parallèle avec celle des islamistes domestiqués du Pakistan.

Les néo talibans contrôlent maintenant au moins 20 districts afghans dans les provinces de Kandahar, Helmand, et Uruzgan. Ce n’est un secret pour personne que de nombreux fonctionnaires dans ces zones sont clandestinement des supporters des combattants de la guérilla.

Bien que souvent caractérisée comme une jacquerie rurale, ils ont gagné un soutien significatif dans les villes du Sud et ils ont même menée une offensive du style de celle de Tet à Kandahar en 2006.

Ailleurs, des Mullahs qui avaient initialement soutenu les alliés du Président Karzai s’insurgent désormais contre les étrangers et le gouvernement de Kaboul.

Pour la première fois, des appels au djihad contre l’occupation sont même entendues dans les provinces frontalières du Nord Est de Takhar et du Badakhshan.

Les néo talibans ont dit qu’ils ne rejoindraient aucun gouvernement tant que « les étrangers » n’auront pas quitté leur pays, ce qui pose la question des objectifs stratégiques des US.

Sont-ils réellement ce que le secrétaire général de l’OTAN Jaap de Hoop Sheffer a suggéré devant le public de la Brookings Institution en début d’année, disant que la guerre en Afghanistan a peu de chose à voir avec le développement d’une bonne gouvernance en Afghanistan ou même de détruire ce qui reste d’Al Qaeda ?

Cela fait-il partie d’un plan magistral, comme la décrit un stratège de l’OTAN dans la Revue de l’OTAN de l’hiver 2005 d’élargir le rayon d’action de l’OTAN de la zone euro atlantique, car « au XXIème siècle l’OTAN doit devenir une alliance… conçue pour projeter une stabilité systémique au delà de ses frontières. » ?

http://www.nato.int/docu/review/2005/issue4/englis/opinion.html

Comme l’a écrit ensuite ce stratège :

- « Le centre de gravité du pouvoir sur cette planète se déplace inexorablement vers l’Est. En même temps la nature du pouvoir change.

La région Asie Pacifique apporte beaucoup de dynamique et de positif à ce monde, mais ce changement rapide n’est pas encore ni stable ni incorporé dans des institutions stables.

Tant que cela n’est pas réalisé, c’est la responsabilité des européens et des nord américains, et des institutions qu’ils ont construites de montrer la voie…

L’efficacité de la Sécurité dans un tel monde est impossible sans à la fois la légitimité et la capacité ».

Une telle stratégie implique une présence permanente militaire sur les frontières à la fois de la Chine et de l’Iran.

Etant donné que cela est inacceptable pour la plupart des Pakistanais et des Afghans, cela créera un état permanent de désordre dans la région, ayant comme résultat encore plus de violence et de terrorisme, de même qu’un soutien accru pour les extrémistes djihadistes, qui à leur tour feront encore plus pression sur un empire déjà étendu outre mesure.

Les mondialistes parlent souvent comme si l’hégémonie US et l’expansion du capitalisme étaient la même chose.

Cela était certainement le cas pendant la Guerre Froide, mais le double objectif d’hier ressemble plus maintenant à la relation inverse.

D’une certaine façon, c’est l’expansion du capitalisme qui sape graduellement l’hégémonie US dans le monde.

Le triomphe du Premier Ministre russe Vladimir Poutine en Georgie a été de ce fait un signal dramatique.

La poussée américaine dans le Grand Moyen Orient ces dernières années, conçue pour démontrer la primauté de Washington sur les puissances d’Eurasie, a plongé dans un chaos remarquable, nécessitant justement le soutien des puissances qu’elle était supposée dominer.

Le nouveau président pakistanais élu indirectement, Asif Zardari, époux de Benazir Bhutto assassinée, un Parrain Pakistanais de premier choix, a fait part de son soutien pour la stratégie US en invitant Hamid Karzai d’Afghanistan à son intronisation, le seul dirigeant étranger à le faire.

Se jumeler avec une marionnette discréditée à Kaboul en a peut être impressionné quelques-uns à Washington, mais cela n’a fait que diminuer le soutien du veuf de Bhutto dans son propre pays.

La clé au Pakistan, comme toujours, c’est l’armée. Si les raids amplifiés des US à l’intérieur du pays continuent à croître, l’unité tant vantée du haut commandement militaire pourrait être sujet à tension.

Lors d’une réunion de commandants de bataillons à Rawalpindi, le 12 septembre, le chef d’état major, Ashfaq Kayani, a reçu un soutien unanime pour sa dénonciation publique relativement modérée des frappes US à l’intérieur du Pakistan tout en affirmant que les frontières du pays et sa souveraineté seraient défendues « à n’importe quel prix ».

Dire que l’armée défendra la souveraineté est différent de le faire en pratique. C’est là le cœur de la contradiction. Peut être que les attaques cesseront le 4 novembre.

Peut être que les cochons (avec ou sans rouge à lèvres) voleront. Ce qui est absolument nécessaire dans la région c’est une stratégie de retrait des US/OTAN, précédent une solution régionale impliquant le Pakistan, l’Iran, l’Inde, et la Russie.

Ces quatre états pourraient garantir un gouvernement national et une reconstruction sociale massive dans ce pays.

Quoiqu’il en soit, les US et l’OTAN ont abominablement échoué.