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QUAND LE LEADER DE LA CFDT TROMPE LES SALARIES !

Publie le vendredi 7 novembre 2008 par Open-Publishing
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Extrait du livre de Jacques Cotta, « Riches et presque décomplexés »
(Fayard), p 125.

LA CFDT ET M. CHÉRÈQUE, EN PRIVÉ

Compte rendu de la rencontre organisée le 27 mars 2007, entre leader de la centrale et le cercle patronal « ETHIC », dirigé par Mme Sophie de
Menthon.
Extrait du livre de Jacques Cotta, « Riches et
presque décomplexés » (Fayard), p 125

Quelques jours après le petit-déjeuner en compagnie de deux cents membres d’Ethic et de François Bayrou, mon téléphone sonnait. On me demandait si je désirais participer à un remake, cette fois-ci au Cercle interallié et en compagnie de François Chérèque. Le leader de la CFDT face à des patrons déterminés à la veille de la présidentielle sur des
thèmes sociaux, politiques et économiques ne pouvait laisser
indifférent. Mais une mauvaise surprise m’attendait, la veille dudit
petit-déjeuner : un contrordre fut donné dans des termes qui ne
pouvaient qu’aiguiser ma curiosité :

- Sophie de Menthon vous fait dire que si cela ne tenait qu’à elle il n’y aurait pas de problème, mais c’est M. Chérèque qui pose comme condition l’absence de tout journaliste.

- Même en demeurant
discret ?

- Même, nous sommes désolés. Il nous a dit que
c’était une condition absolue à sa venue.

Le lendemain matin, je
décide de passer outre. Je gravis les marches du Cercle interallié,
passe le petit perron de l’entrée surmonté d’une imposante et
néanmoins gracieuse marquise, ignore un valet de pied en jaquette
noire et gilet rouge et pénètre dans le petit salon réservé pour
le leader de la CFDT. Étonnement de la secrétaire d’Ethic préposée
aux badges, air confus de ma part, incompréhension feinte pour
obtenir enfin l’autorisation de m’installer dans un coin de la salle
avec engagement strict de ne pas piper mot.
Devant une assistance
très réduite comparée à celle venue assister à la prestation du
leader de l’UDF, Sophie de Menthon accueille l’invité :

- Cher François Chérèque, c’est un grand plaisir. Mais laissez-moi
vous dire, à vous qui avez eu par le passé le courage de soutenir
des réformes difficiles, que je déplore l’absence de la presse.
Vous auriez dû au contraire médiatiser au maximum cet événement,
vu l’importance de votre discours.

- Merci de m’accueillir.
Et commençons donc par la presse. J’ai demandé à ce qu’elle ne
soit pas présente car j’ai décidé de vous parler franchement, sans
détour, directement. Entre nous, sans journalistes, ce sera plus
simple !

- Pour nous confier des secrets ? plaisante la
salle.

Je connaissais la connivence qui peut exister entre les
partenaires sociaux. « Les réunions à répétition rapprochent »,
dit-on. Mais là, il s’agit de tout autre chose. François Chérèque
promet le discours de la vérité comme s’il se trouvait dans une
réunion de famille qu’il ne faudrait pas perturber.

Durant une
heure, je vais de surprise en surprise. Le leader de la CFDT réserve
à ses hôtes très satisfaits un discours des plus politiques.
« L’économie est poussive » et « le premier des problèmes concerne
l’investissement » car nous « n’avons pas décliné les objectifs de
Lisbonne ».

- Plus clairement ? demande Sophie de Menthon.

- Les réformes de la recherche, des régimes sociaux, des retraites,
de l’assurance-maladie, de la santé, des hôpitaux n’ont pas été
accomplies.

En une phrase, François Chérèque fait siennes
l’ensemble des mesures qui ont pesé dans le vote négatif du peuple
français le 29 mai 2005. Mais qu’importe, la salle communie.

Il
aborde ensuite « l’organisation du marché du travail », « l’existence
de la précarité », mais aussi d’une « trop grande rigidité pour
les entreprises ». Il dénonce le développement de la sous-traitance
comme « facteur d’augmentation des inégalités ».

-
D’inégalité pour qui ? demande un curieux dans la salle.
J’attends
une réponse syndicale. Surprise !

- Pour les petites
entreprises, répond du tac au tac le leader de la CFDT.

Je me
tourne vers mon voisin de table :

- Je croyais qu’il parlait
des employés. Pour un syndicaliste il est assez ouvert, non ?

- Oui, mais si les entreprises ne vont pas bien, les employés non
plus. Ce qui compte, c’est l’entreprise, et lui, il a compris !

Au micro, François Chérèque en est à la dénonciation de « la
culture du conflit », condamne « la CGT qui pousse à la grève dans
les ports de Marseille », ou « FO qui fait la loi chez les
communaux », « la nécessité d’y imposer une CFDT qui aujourd’hui y
a des problèmes ».

- Comment ? questionne Sophie de
Menthon.

- Par tous les moyens !

- Je suis
troublée, vous reprenez nos positions, que nous exprimons
publiquement, intervient la présidente d’Ethic.

Galvanisé,
Chérèque annonce la nécessité de « faire évoluer le contrat de
travail », de ne « pas opposer la flexibilité à la rigidité », de
réaffirmer « l’attachement à l’Europe » alors que « nous avons mis
le drapeau bleu blanc rouge le jour anniversaire du traité de Rome,
ce qui était lamentable ».

- Reste la méthode ? demande
Sophie de Menthon.

Alors le président de la CFDT parle de
« représentativité ». Il a déjà rencontré à plusieurs reprises
« les conseillers de Sarkozy et le candidat lui-même » avec qui ils
sont « plutôt tombés d’accord ». Il faut « reconnaître les
syndicats dans les entreprises », et non plus au niveau national
indépendamment des élections à la base.

- Atomiser
l’interlocuteur, c’est ça qu’il faut, me glisse à l’oreille mon
voisin attentif.

François Chérèque, comme s’il lui répondait
en écho, développe l’exemple de Renault. « S’il n’y a pas de
licenciement », c’est uniquement parce que « les ouvriers prennent
aujourd’hui les jours qui correspondent aux 35 heures de 2008 ». À
l’inverse, à Sandouville, « la production est à flux tendu », donc
« ils font 42 heures par semaine ».

- Mais c’est génial !
s’exclame Sophie de Menthon.

- En discutant à la base, la
flexibilité s’organise et s’impose d’elle-même.

- Pourquoi, avec ce discours, êtes-vous au premier rang dans les
manifestations ?

- J’ai manifesté contre le CPE car le
ministre avait été ridicule dans la forme. Mais sur le fond, nous
sommes bien sûr d’accord pour revoir le contrat de travail.

Dans
la salle on est au bord de l’applaudir.

- Votre différence
n’est pas assez marquée avec la CGT, insiste Sophie. Même si
Thibault est assez positif, il existe des possibilités de
débordement.

- Sur le terrain, c’est parfois compliqué,
mais plus on va vers l’entreprise, je vous le répète, plus les
salariés acceptent tout cela. Prenez l’accord Bosch sur le temps de
travail. II y a 200 accords du même type, mais personne n’en parle.
Laissons les choses se faire dans les entreprises, il y a une
adaptation !

- Vous avez des priorités ?

- La
protection sociale sera le gros morceau. Il faut finir le travail sur
les retraites après ce qui a été commencé sur les régimes
spéciaux. Puis reconnaître que les CDD en lieu et place des CDI,
c’est trop paralysant. Donc redistribuer vers l’assurance chômage
qui sera plus sollicitée. Enfin, la sous-traitance, dossier
difficile...

- Pas tant que cela, intervient un des vingt
membres d’Ethic installé dans la salle.

- Si, par exemple,
prenez Airbus. À vous je le dis : l’État n’a pas à mettre un sou.
Il faut faire à Airbus ce qui a été fait à Boeing ! Augmenter et
développer la sous-traitance et mettre tout cela en concurrence.

- Mais vous y êtes arrivé sur les retraites ? C’était bien
plus chaud, non ?

Le leader syndicaliste en serait presque à
bicher.

- Vous accepteriez d’être ministre du Travail de
Nicolas Sarkozy ou de Ségolène Royal ?

- Non, je suis
beaucoup plus utile à la place que j’occupe. Je peux faire de la
pédagogie. Ségolène a compris sur les retraites, par exemple, et
elle n’est plus pour l’abrogation de la loi Fillon. En mettant la
gauche face à ses contradictions, on aboutit au discours de
Villepinte où la candidate socialiste fait de la dette sa priorité
et reconnaît l’économie de marché. Mais pour cela, il faut être
là où je suis.

- Puisqu’on est entre nous, vous voterez
pour qui ?

- Je peux vous dire que nous avons vu tous les
candidats, outre l’extrême droite ou l’extrême gauche. Surtout les
deux principaux et Buffet par respect pour elle et aussi parce que
sur des notions comme la flexisécurité, elle serait sans aucun
doute d’accord. D’ailleurs, l’extrême gauche a aussi fait un pas.
Elle reconnaît le marché et la décentralisation.

- Vraiment ?

- Mais oui, Arlette a pris un coup de vieux, vous
savez !

Dans la salle on s’esclaffe.

- Vous voyez bien le
mal que j’aurais eu si la presse avait été présente.

- Pour qui voteriez-vous donc ? insiste Sophie de Menthon.

- Nous ne donnons jamais de consigne à la CFDT.

- En privé ?

- Sarkozy nous a présenté un calendrier pour les
réformes et moi et ça me va très bien. On s’y met dès juillet.

Sourire de Sophie de Menthon et satisfaction de la salle.

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