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Le cadeau de départ du clan Bush : un dernier pillage frénétique des biens publics.

Publie le samedi 8 novembre 2008 par Open-Publishing
7 commentaires

de Naomi Klein

Le hold-up américain des richesses financées par le public, sans aucune contrepartie : une véritable aubaine pour les grandes entreprises. Bienvenue au capitalisme sans risques.

Durant les derniers jours de la campagne présidentielle, beaucoup de républicains semblent avoir abandonnés la lutte pour le pouvoir. Mais ne vous y trompez pas : cela ne signifie pas qu’ils se reposent. Si vous voulez voir le véritable travail actif des républicains, vérifiez l’énergie qu’ils utilisent pour distribuer de gros paquets des 700 milliards de dollars qu’ils jettent par la fenêtre.

Lors d’une récente audition d’un comité sénatorial bancaire, le républicain Bob Corker s’est vu assigné cette tache, et avec une date butoire très claire en vue : l’investiture.

"Combien pensez-vous qu’il soit possible environ de dépenser actuellement avant le 20 janvier ?" demandait Corker à Neel Kashkari, le banquier âgé de 35 ans qui était avant lui en charge du butin.

Quand les colonialistes européens ont réalisés qu’ils n’avaient pas d’autre choix que de redonner le pouvoir aux citoyens indigènes, ils ont souvent concentré toute leur attention à dérober les trésors locaux de l’or et de tout le bétail qui avait de la valeur. S’ils étaient vraiment cruels, comme les portugais au Mozambique dans la moitié des années 1970, ils allaient jusqu’à verser du béton dans les ascenseurs des puits des mines.

Rien d’aussi barbare en ce qui concerne le clan Bush. Plutôt que d’utiliser le pillage ouvert, ils préfèrent les outils bureaucratiques, comme les actions "des actifs précaires" et le "programme d’achats de capitaux". Mais ne vous méprenez pas : le but est bien le même que celui utilisé par les portugais vaincus - un dernier pillage frénétique des richesses publiques avant qu’ils ne rendent les clés du coffre fort.

Comment autrement expliquer les décisions étranges qui ont dominé lors des discours sur l’argent du renflouement ?
Quand l’administration Bush a annoncé qu’elle voulait investir 250 milliards de dollars dans les banques américaines en échange de crédits, le plan était alors largement mentionné comme une "nationalisation partielle" - une mesure radicale indispensable pour que les banques puissent encore donner des emprunts. Henry Paulson, le Ministre de l’Economie et des Finances, a eu une idée de génie, nous a-t-on dit, et suivait l’exemple de Gordon Brown.
En fait, il n’y a jamais eu aucune nationalisation, partielle ou autre. Les contribuables américains n’ont gagné aucun contrôle significatif sur les banques, et c’est pourquoi les banques sont libres de dépenser ce nouvel argent comme bon leur semble.
Chez Morgan Stanley, il semblerait que la plus grande partie du butin servira à payer les primes annuelles. Citigroup a fait comprendre qu’ils utiliseraient leur 25 milliards pour acheter d’autres banques, alors que John Thain, le directeur général de Merrill Lynch, disait aux analystes financiers : "au moins pour le prochain trimestre, cela va juste nous servir de coussin".
Pendant ce temps, le gouvernement américain, est réduit à supplier les banques pour qu’elles utilisent au moins une partie du butin des contribuables pour des prêts - officiellement, la raison de tout le programme.

Quel est alors le véritable objectif du renflouement ? Mes craintes sont que cet empressement de transactions est quelque chose de bien plus ambitieux qu’un cadeau unique aux grandes entreprises : mais que la version de Bush d’une "nationalisation partielle" est une manipulation pour transformer le trésor américain en un distributeur de billets géant et sans fond pour les banques dans les années à venir.
Souvenez-vous que la préoccupation principale parmi les acteurs des grands marchés, en particulier des banques, ce n’est pas le manque de crédits mais le prix des crédits "toxiques".
Les investisseurs ont perdu toute confiance dans l’honnêteté des grands acteurs financiers, et avec de bonnes raisons.

C’est là que le renflouement du trésor public paie un maximum. En achetant des intérêts dans ces institutions financières, le trésor public envoie un signal au marché en disant que c’est un pari sûr.
Pourquoi sûr ? Non pas parce que leur niveau de risque a été finalement évalué avec précision. Ni parce qu’ils auraient renoncés aux sortes d’outils exotiques et aux taux variables à outrance qui ont créé la crise. Mais parce que le marché va maintenant être assuré que le gouvernement américain ne laissera pas ces entreprises particulières faire faillite. Si ces entreprises se mettent en difficultés, les investisseurs vont dorénavant assumer que le gouvernement continuera à trouver toujours plus d’argent pour les renflouer, puisque leur permettre de faire faillite signifierait perdre totalement l’investissement du capital initial, et pour beaucoup d’entre elles, cela se chiffrera en billions. (Il suffit d’observer le géant des assurances AIG, qui s’est déjà retourné vers les contribuables pour une rallonge, et qui semble apparemment prêt à en demander une troisième fois.)

Ce fait de relier les intérêts publics aux entreprises privées est le véritable objectif du plan de renflouement : Paulson choisit toutes les entreprises qui sont admises à ce programme - un nombre d’environ plusieurs milliers - une garantie implicite du Ministère de l’Economie et des Finances.
Pour les investisseurs capricieux et frileux qui cherchent des placements sûrs pour conserver leur argent, ces transactions de capitaux seront encore plus sécurisants qu’un triple A de l’agence d’évaluation Moody.

Une telle assurance est inestimable. Mais pour les banques, la meilleur partie du cadeau c’est que le gouvernement les paie pour qu’elles acceptent sa certification. Pour les contribuables, de l’ autre côté, la totalité du plan est extrêmement risquée, et pourrait vraisemblablement leur coûter bien plus que l’idée originale de Paulson d’acheter pour 700 milliards de dollars de dettes toxiques. Dorénavant les contribuables ne sont pas seulement dépendants pour les dettes, mais probablement, aussi pour le destin de chaque entreprise qui leur vend ces crédits.

Il est intéressant de voir que les géants des fonds hypothécaires Fannie Mae et Freddie Mac, ont tous les deux bénéficié de ce genre de garantie
tacite avant qu’ils ne soient "nationalisés" au début de cette crise.
Durant des décennies, le marché avait compris que, puisque ces acteurs privés étaient impliqués avec le gouvernement, on pouvait faire confiance à l’Oncle Sam pour sauver la mise.
C’était, comme beaucoup l’ont dénoncé, le pire de tous les maux de la terre. Non seulement les profits sont privatisés alors que les risques sont socialisés, mais le soutien implicite du gouvernement créait ainsi une incitation des systèmes de primes puissantes pour des pratiques d’affaires dangereuses.

Avec le nouveau programme de rachat des emprunts, Paulson a utilisé le modèle discrédité de Fannie et Freddie et l’a appliqué à une majeur partie du système industriel privé bancaire. De nouveau, il n’y a aucune raison de s’écarter des paris dangereux, particulièrement depuis que le Ministère de l’économie et des finances n’a posé aucune exigence aux banques (apparemment, ils ne veulent pas d’un "controle minimum")

Pour stimuler plus encore la confiance du marché, le gouvernement fédéral a également annoncé des garanties publiques illimitées pour beaucoup de comptes bancaires de dépots. Oh, et comme si ce n’était pas suffisant, le Ministère de l’économie et des finances a encouragé les banques à se regrouper, certifiant que les seules entreprises qui resteront seront "trop grandes pour faire faillite", et garantit ainsi leur renflouement.
De trois façons différentes, le marché est informé haut et fort que Washington ne permettra pas que les institutions financières subissent les conséquences de leur comportements. Il est possible que cela soit l’innovation de Bush la plus créatrice : un capitalisme sans risques.

Il y a une étincelle d’espoir. En réponse à la question du sénateur Corker, le Ministère de l’économie et des finances a en effet des difficultés à distribuer les fonds du renflouement. Jusqu’à présent environ 350 milliards de dollars ont été demandés sur les 700, mais la plus grande partie n’est pas encore sortie des caisses de l’état. Cependant, il devient de plus en plus clair chaque jour que le renflouement a été "vendu" à la population sous de faux prétextes. Clairement, cela n’a jamais vraiment concerné la fluidité des emprunts. C’était depuis toujours pour mettre en place ce qui est fait : tranformer l’état en une agence d’assurance géante pour Wall Street, un filet de sécurité pour les personnes qui en ont le moins besoins, subventionnés par les populations qui auraient le plus besoins de la protection de l’état dans la tornate économique qui arrive.

Cette duplicité est une opportunité politique. Qui gagnera les élections le 4 novembre aura une autorité morale énorme. Elle devrait être utilisée pour exiger un moratoire et l’arrêt de la distribution des fonds, non pas après l’investiture, mais dès le départ. Tous les contrats devraient être renégociés, cette fois l’obtention de garanties du public.

Il est risqué bien sûr d’interrompre le processus du renflouement. Rien ne pourrait être plus dangereux, cependant, que d’autoriser le clan Bush à faire ce cadeau d’adieu aux grandes entreprises - le cadeau qui va continuer à vider les caisses publiques.

Traduit par Anik le 8 novembre 2008.

www.naomiklein.org

Messages

  • l’autre cadeau de Bush a ses militaires en Afghanistan ; feu vert pour continuer les bombardements illegaux sur le Pakistan ...

    Et cela malgré les protestations de l’etat pakistanais (merite une traduction) :

    November 7th, 2008 9:16 pm

    ’No Predators Please’

    U.S. cross-border attacks on Pakistani soil are not helping the effort to fight the Taliban and Al Qaeda, says a high-ranking Pakistani official.

    By Ron Moreau / Newsweek

    Retired Army Maj. Gen. Mahmud Ali Durrani has been a key player in Pakistan’s national-security policy for the past few years. As ambassador to Washington from 2006 until April, he was at the center of his country’s strategic, and often difficult, relations with the United States. Now as National Security Adviser, he not only counsels President Asif Ali Zardari and Prime Minister Yousaf Raza Gilani, he also delivers tough messages to Washington, protesting military strikes inside Pakistani territory, and serves as a liaison between the country’s two top political leaders and powerful Army Chief of Staff, Ashfaq Kayani.

    In an exclusive interview with Newsweek’s Ron Moreau in his corner office in the prime minister’s secretariat in Islamabad, Durrani, 67, discussed how American attacks are undercutting the country’s struggle against militants, Pakistan’s commitment to battling extremists in its own way, and how the historically testy relations between the country’s political leaders and the military are, at least for now, proceeding smoothly. Excerpts :....

    http://www.michaelmoore.com/words/latestnews/index.php?id=12554

  • Dans la lignée du capitalisme du désastre, Naomie Klein décrypte fort bien l’utilisation des biens publics pour renflouer le privé. De la à penser que la déconfiture brutale des bourses a été orchestrée pour refinancer les banques déjà grosses au maximum des benefs des années précédentes, il y a un pas duquel il n’est pas interdit de mesurer la validité...

    Soleil Sombre

    • ENFIN ,ouvrons les yeux ?faisons fonctionner notre jugeotte,besoins d’experts ? VRAIMENT, ?

      QUELQUES MOIS AVANT LA FIN INEVITABLE DE SON MANDAT ?

      BUSH ET SA CLIQUE ONT L’HEUREUSE SURPRISE QUE "LA CRISE " SE DECLARE !
      cela faisait un moment que ça surchauffait et on aurait pu essayer de traiter le problème depuis longtemps, ou alors d’attendre les elections....
      NON ! il fallait faire du fric jusqu’au dernier momment !

      ET PUIS ,sous le quasi même scénario que le gros coup de l’émotion et de la surprise que le coup du 11sept,on fait voter en urgence par un congrès en fin de mandat , un HENORME plan de cadeaux financiers aux banques (qui ont foutu le bordel en se sucrant sans aucune sanction !!!)

      NOTONS AU PASSAGE QUE L’EUROPE ET EN PREMIER SARKO FIDELE CANICHE DE BUSCH L’A IMITE ILLICO(alors que "notre système bancaire",lui, était soit-disant au dessus de tous soupçons)

      VOILA MAINTENANT ,LE COUP EST FAIT,LES BANQUES BENEFICIENT D’AIDES PUBLIQUES AUSSI IMPORTANTES QU’INDECENTES

      ET NOUS N’AVONS PLUS DE RECOURS POUR SURVEILLER,CONTROLER(on n’ose même pas dire demander des comptes !!) ce que font les banquiers de toute cette mane.

      OUI ! C’EST UN TRES BEAU COUP MONTE !

      IL FAUDRA BIEN UN JOUR QUE CETTE ESCROQUERIE SOIT DEMONTEE,JUGEE,

      ET QUE LES RESPONSABLES :GOUVERNANTS,MINISTRES,REPRESENTANTS "DU PEUPLE" QUI L’ONT VOTEE ET LEGALISEE

      SOIENT TRADUITS DEVANT LES TRIBUNAUX POUR DETOURNEMENT D’ARGENT PUBLIC !!!

    • Mais c’est exactement ce que propose Sarkozy en France lorsqu’il lance "Tout le crédit de l’état pour les banques !" C’est sans contrepartie ! C’est même la raison pour laquelle il ne peut y avoir d’accord européen pour la rencontre du G20 : les allemands ultra libéraux ne voulant pas nationaliser les banques à concurrence de leurs parts de crédit public par conséquent ils ont au moins la décense de ne pas leur donner ces deniers de l’Etat... Et l’angleterre, parce que protectionniste elle crédite les banques mais entre dans leur capital dans les même proportions.
      Quant à la banque européenne sur laquelle s’opposent également les allemands : elle a crédité des millions d’euros les valeurs en dollar perdus, cadeau.
      Et la France accroit sa dette pour renflouer "gracieusement" les banques frauduleuses et onéreuses sous couvert que le crédit ne devrait pas cesser : or le crédit cesse.
      C’est le même "casse" que l’américain. D’ailleurs c’est à croire que Sarko se presse pour entériner les choix de Bush en la matière et voulant y entraîner l’Europe — qui doit être équivalente et non supérieure en termes de nonnaie.

  • Est-ce un oubli de la part de Mme Klein, mais dans son analyse elle semble imaginer les Etats-Unis comme en apesanteur dans le vide.

    Elle nous entretien des marchés, des contribuables des caisses de l’état... sans jamais imaginer que ces sommes ne sont pas dans les caisses de l’état, mais que c’est la planche à billet qui va créer ces milliards et que ce ne sont pas les impôts des étatsuniens qui serviront à compenser cette fuite en avant, mais bien le reste du monde dont les échanges et l’épargne sont en $ !

    En fin de compte sa perception de l’économie n’est guère différente de celle des personnes qu’elle dénonce. Elle croit dans la vertus des marchés et dans la puissance sans limite des Etats-Unis, et qu’en fait, si l’on comprend le sens de son article, ce qui manque ce serait une dose de moralisation pour assainir le système. Mais pas forcemment son remplacement...