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La soupe d’extrême droite chassée de la gare de l’Est

Publie le vendredi 11 juin 2004 par Open-Publishing
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Article du Parisien

La soupe d’extrême droite chassée de la gare de l’Est

DEPUIS janvier dernier, ils servaient des repas chauds deux fois par semaine aux sans-abri « français de souche européenne » le long de la gare de l’Est (X e ). Hier soir, pour la première fois, les militants d’extrême droite du Bloc identitaire ont été empêchés d’organiser leur soupe « gauloise » par la police. Une cinquantaine de gardes mobiles, répartis dans une demi-douzaine de véhicules, leur avait barré l’entrée de la rue d’Alsace, où ils installaient, un jeudi sur deux, leur table de camping.

Vers 20 heures, Odile Bonnevard, la responsable de la section Paris du Bloc identitaire, accompagnée par trois jeunes femmes, est rejointe par un garçon maladivement pâle, caché dans un sweat-shirt noir à capuche. Pantalon beige et blazer bleu, Guillaume Lyit s’avance pour discuter avec les officiers de police. Cet ancien d’Unité radicale, un groupuscule qui faisait la claque aux défilés du 1 e r Mai de Jean-Marie Le Pen, est venu défendre son parti. « Les forces de l’ordre nous demandent de ne pas organiser la soupe car une centaine de militants d’extrême gauche doivent venir armés », explique-t-il. Il ne semble pas convaincu. « On s’y plie, mais notre réplique sera simple : nous organiserons des distributions à plusieurs endroits dans Paris, sans dire où ni quand. Ce qui nous importe, c’est d’aider les Français qui dorment sur des plaques d’égout. »

« Nous servons du cochon »

Pour défendre, parmi les SDF, le thème de « fracture ethnique », le Bloc identitaire a sillonné le quartier en décembre, et fait passer le mot à des sans-abri répondant à leurs critères de sang. « Nous servons du cochon, c’est clair que c’est l’élément discriminant », glisse le militant. « Je tiens à être chez moi jusqu’à ce que je crève, vocifère un clochard. On est chez nous. On va pas baisser notre culotte devant eux. » Sa cible sont les Africains, « qui font un marmot à leur femme tous les dix mois et touchent les allocations ». Médiateur de la SNCF pour l’association de soutien des sans-abri Aux captifs la Libération, Michel est bouleversé par ce discours. « Ils sont manipulés, dénonce-t-il. Le grand, là, est ivre du matin au soir. Le Bloc identitaire leur sert de l’alcool. C’est tout le travail des associations qui est bousillé. » Le médiateur évoque de fortes tensions depuis que la soupe « gauloise » est connue. « Ça risque de dégénérer entre personnes à la rue », ajoute-t-il. C’est d’ailleurs pour prévenir un potentiel « trouble à l’ordre public » que le préfet de police de Paris a pris la décision cette semaine d’intervenir à la gare de l’Est, invoquant également « l’absence d’autorisation de l’association de distribuer des repas sur la voie publique ». La médiatisation de la soupe gauloise (voir « le Parisien » du 15 mai) a sans doute pesé sur sa décision.

Un voeu au Conseil de Paris

D’autant qu’elle a été suivie d’un voeu, adopté lundi au Conseil de Paris, de mettre un terme à cette soupe « discriminatoire et xénophobe ». Et qu’une bagarre, samedi dernier, a opposé des membres du Bloc identitaire et des opposants d’extrême gauche sur le cours de Vincennes. A 21 heures hier soir, dix jeunes militants d’extrême droite débarquent en renfort. Ils ont répondu à l’appel lancé sur Internet. « Les militants du Bloc identitaire d’Ile-de-France ne se laisseront pas intimider par les gesticulations des bobos », tonnait l’appel. Ils sont promptement écartés par leurs camarades. A la terrasse du café l’Ecu, à deux pas des fourgons de police, huit hommes ont pris place autour de trois tables. A côté d’un bellâtre au look de surfeur, un garçon brun mitraille, avec son petit appareil numérique, policiers, RG, militants, journalistes. A cent mètres de là, au croisement de la rue du Faubourg-Saint-Denis, deux jeunes gardent une voiture. Ils attendent le coup de fil qui doit leur dire où distribuer les repas cette nuit.

Julie Cloris

Le Parisien

vendredi 11 juin 2004

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