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Julien n’est pas coupable

Publie le mardi 18 novembre 2008 par Open-Publishing
5 commentaires

A LA PRESSE, AUX REVUES, AUX SYNDICALISTES & AUX MILITANTS DES DROITS DE L’HOMME DE TOUS LES HORIZONS

Dans la nuit, dimanche 16 novembre 2008.

JULIEN COUPAT N’EST PAS UN « TERRORISTE »

A l’heure où j’écris ce présent texte, Julien Coupat vient d’être écroué après 96 heures de garde à vue passées dans les services de la Brigade antiterroriste.

Julien Coupat est mon ancien compagnon de séminaire, à l’EHESS. Il a suivi le séminaire « histoire de la pensée allemande » et soutenu brillamment un DEA autour des écrits de Guy Debord. Nous avons conduit quelques activités communes, dont de nombreuses réflexions et échanges de textes en vue de co-fonder ensemble une revue. Nous avons arpenté la rue Mouffetard à maintes reprises avec les yeux & les mains ouvertes vers la liberté, la désaliénation et l’action pour le progrès.

La revue Tiqqun est née sans moi. Des désaccords pratiques et d’existence nous séparaient. Républicain et nourrissant des analyses me portant à stimuler les actions collectives dans et pour le peuple dans la lutte des classes pour organiser l’union de luttes des classes populaires, nous n’avons pas poursuivi nos relations fraternelles mais le respect mutuel dans nos travaux a demeuré. Nous avons tout de même mis sur pied ensemble un atelier au cours d’un Congrès Marx International à Nanterre.

L’orientation intellectuelle et partisane de Julien Coupat l’a mené dans les franges de la radicalité scripturaire. Ni plus, ni moins. Toujours amical avec ses semblables, d’une gentillesse remarquable, les écrits de Julien Coupat sont certes radicaux mais qu’on nous comprenne bien : entre des écrits et les actions, il y a un monde qu’il n’a certainement pas franchi. Du ciel des idées au cieux de l’action, la béance est un drame grossi aujourd’hui par la procurature. Il est devenu le pion d’un jeu imbécile qui en révoltera plus d’un : l’hypertrophie du vocabulaire de la sanction.

Julien Coupat n’est pas un prolétaire mais un bourgeois entré en critique ; il y en a, il en faut ! Individualiste, Julien Coupat n’est pas républicain au sens strict. Il ne méconnaît pourtant pas les idéaux et espérances de l’esprit de la Révolution française, de la Révolution de 1848 et la Commune de 1871 et les milliers de déportés et fusillés, femmes, enfants et vieillards au cours de la répression sanglante orchestrée par Versailles. En rupture de ban avec les idées communes des si gentils mouvements politiques claniques et groupusculaires qui n’ont d’autres vues que de se satisfaire de la haute opinion qu’ils ont d’eux-mêmes, cela fait-il de julien Coupat un « terroriste » ? Non, trois non.

Julien Coupat a mené ses travaux honorablement avec tout le sérieux que je lui connais. Excellente plume littéraire, je peux ne pas être en accord avec ses analyses, orientations théoriques et politiques. Loin de là. Reconnaissons-le pourtant parmi les intellectuels engagés qui n’a jamais fait défaut à l’humanité : nulle tentation et nul appel à l’homicide ne transparaissent dans l’ensemble de ses écrits. Je le sais, nul appel au meurtre ne se lira jamais sous sa plume, malgré les épreuves du jour et de la nuit en enfermé. Il a par la suite fait paraître des livres collectifs, signant Théorie de la jeune fille et Bloom aux Editions Mille & Une nuits sous des noms d’emprunts. Ses textes provenaient tous de la revue Tiqqun. Il a ensuite préfacé un recueil de textes de Blanqui paru aux Editions de La Fabrique. Il a de même été l’une des plumes principales du Comité Invisible popularisant L’insurrection qui vient, toujours aux Editions de La Fabrique, texte éponyme d’une réalité en marche.

Cela fait-il de Julien Coupat un « terroriste » ? Non, trois non.
Que reproche-t-on à Julien Coupat ? D’écrire librement ?

 De qui est-il le bouc émissaire ? D’une certaine idée de la liberté intellectuelle sous contrôle ?

 De quoi est-il le bouc émissaire ? D’une paranoïa instrumentale de la part d’un Ministère aux ordres des dérives répressives du droit pénal européen pour criminaliser toutes orientations politiques et critiques de l’ordre anarchiste du règne de la marchandise capitaliste ?

 Nous ne nous étendrons pas ici (ce n’est pas le moment, laissons travailler ses avocats) sur la procédure judiciaire qui frappe Julien Coupat et ses camarades sinon pour exprimer notre aversion pour cette exagération des qualifications pénales et ses mesures tournées vers l’incarcération. Hypertrophier des faits, quels qu’il soient, entraîne des dérives liberticides pour tous. Citoyens, soyez-en conscients ! L’esprit de Versailles ne doit pas passer !

Julien Coupat a-t-il ou pas commis les actes qu’on lui reproche ?

Qu’importe. Ce n’est ici pas le problème de ce présent texte.
Il ne nous appartient pas de juger, même si justice est rendue « au nom du peuple français ».

La justice passera. Elle doit examiner les faits dans la sérénité. Et nous appelons à la sérénité des juges, enquêteurs et journalistes qui rendront compte de l’agitation médiatique décelable à l’instant. Nous appelons à leur examen des faits sans autre souci républicain que de clarifier une situation hors des délirantes accusations de terrorisme.

En effet, le peuple, sujet du droit, n’est pas et ne sera pas le bourreau des seules idées, même celles qui sont contraire à ses intérêts propres dans l’union réelle de sa classe appauvrie, en vue de son émancipation intégrale. Le peuple n’est pas et ne sera pas le bourreau d’actes de potaches pas encore prouvés sinon l’existence de quelques livres, quelques tracts, un baudrier d’escalade et des objets que tout à chacun peut posséder chez lui pour bricoler. Le bricolage n’est-il pas le loisir favori des français, comme nous l’assène la presse depuis quelque temps ?

La disproportion des qualifications pénales à l’encontre de Julien Coupat (« entreprise terroriste ») nous fait craindre des dérives judiciaires ultérieures. Des interpellés la semaine dernière, certains l’ont été parce qu’ils possédaient, dans leurs bibliothèques très fournies, L’insurrection qui vient (Ed. La Fabrique).

Que tous ceux qui possèdent J’irai cracher sur vos tombes de V. Sullivan alias B. Vian, un exemplaire de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1793 (pour rappel, elle appelle au renversement des gouvernements n’allant plus dans le sens de l’intérêt du peuple), ou encore L’insurgé de Jules Vallès se rendent en ce cas à la Brigade antiterroriste de suite.

Moi & toi & vous,

nous pouvons tous du jour au lendemain subir quelque accusation que ce soit sous prétexte de nous faire sentir le poids de la répression au nom d’une lecture anti-républicaine du droit. La lecture du droit doit rester mesurée. En toutes circonstances. Pas d’exception en l’Etat de droit… à moins que le masque ne tombe définitivement !

Julien Coupat n’est pas un terroriste.

Julien Coupat n’est pas et n’a jamais été le chef d’un gang.
Julien Coupat doit être dégagé des chefs de terrorisme.
Julien Coupat menotté écrira… encore & encore.

Solidarité avec Julien Coupat & ses amis, y compris s’ils ont commis des excès que nous ne jugerons pas même si nous ne les acceptons pas… mais certainement pas ceux de « terrorisme ».
Pour le reste & les suites, nous agirons et communiquerons en conséquence.

OLIVIER PASCAULT
CHERCHEUR & JOURNALISTE + PLACE AUX FOUS,
PHILOSOPHIE & MUSIQUES, DISCIPLINES DE L’INDISCIPLINE
RADIO LIBERTAIRE

Comité Visible pour le droit de la défense de Julien Coupat & ses camarades

Messages

  • Merci pour cet article.
    Auditrice de radio libertaire, et connaissant cette " nébuleuse " pleine de solidarité et de fraternité, j’ai pris connaissance de ce déchainement brutal ce mardi 11 novembre.
    Depuis, je fulmine, en passant à la violence étatique, quotidienne, surnoise, bien pensante et bien en place.
    Non, je ne pense pas que Julien et ses ami(e)s soient coupables, de toutes façons, il n’y a pas eu mort d’hommes.
    Mais je pense profondemment qu’il faut bien détourner l’attention des citoyens
    et trouver un nouvel ennemi en ces temps de crise.
    Julien et ses compagnes et compagnons, il va falloir les défendre et les soutenir et parvenir à les sortir de ce guépier.
    Je pense à Sacco et Wanzetti...
    Il faut nous bouger, je ne voudrais pas que dans 100 ans, on sache ce qui s’est passé en fouillant dans des archives...
    Mobilisons-nous et soutenons celles et ceux qui tentent de mettre une autre façon de vivre en place.
    Et je me sens responsable, j’ai trois enfants, et je dis "m" au Figaro.

  • Tout ce que tu énonce n’est pas un début mais déjà une réalité la Gestapo est à l’oeuvre. ça me fait vomir.

  • Voici un texte que je fais circuler dès aujourd’hui. Pardon si c’est un peu long... Ils ne sont pas seuls au fond de leur trou.
    Alain

    DEMAIN MATIN, LA POLICE CHEZ VOUS ?
    (texte piqué à Rue 89 à méditer et à faire circuler)

    « En l’état actuel des informations disponibles, toute personne dotée d’un minimum d’esprit critique a la possibilité de faire quelques observations minimales à propos des interpellations à Tarnac et autres lieux. Ces observations sont simples, vite dites. Mais elles sont accablantes pour le tohu-bohu médiatique orchestré par la ministre de la police et pour ceux qui s’y sont joints.
    Première observation : à l’heure actuelle, le dossier de l’accusation contre les personnes interpellées ne tient pas debout. Pas l’ombre d’un aveu ou d’une preuve matérielle. Juste des rapports de police sur des comportements jugés suspects. Qu’un représentant du parquet présente comme une organisation "terroriste" le "Comité invisible", pseudonyme de l’auteur collectif (ou pas) d’un livre publié depuis un an et demi chez un excellent
éditeur parisien, donne la mesure du sérieux des accusations.
    On a comme l’impression de revoir les constructions abracadabrantes des juges italiens des années 70 contre l’extrême gauche enfermée tout entière dans l’épouvantail terroriste. Et ce n’est pas le surgissement d’un "témoin sous x" qui va nous rassurer : l’usage des repentis racontant ce qu’on veut qu’ils racontent a déshonoré pour toujours une certaine "justice" transalpine.
    Deuxième observation : assimiler à du terrorisme des actes de sabotage pensés pour éviter tout dégât humain, est une bouffonnerie. Rappelons au passage que le sabotage a, depuis Emile Pouget, une longue tradition dans le mouvement ouvrier. Quand, naguère, des ouvriers menaçaient de répandre des produits toxiques dans un canal pour protester contre la fermeture de leur usine, on leur répondait en tendant des micros compassionnels, pas en leur envoyant des superflics cagoulés. Pour ne pas parler des nervis d’un syndicat agricole saccageant le bureau d’une ministre ou des viticulteurs détruisant la cargaison d’un pinardier. Personne à ce propos n’a parlé de terrorisme.

    Quand MAM fabrique une "mouvance"...
    Troisième observation : la fabrication de la "mouvance anarcho-autonome" par la ministre de la police et par les médias qui ont relayé sa parole sans aucun recul critique n’a été possible que grâce à l’extrême ignorance journalistique sur tout ce qui touche à la critique radicale du capitalisme.Personne n’est obligé de connaître l’histoire de l’anarchie ni celle de l’autonomie ouvrière. On fera cependant observer que, pour des gens dont le travail est de parler des phénomènes de société, un effort de documentation ne serait pas de trop : si ces courants n’occupent pas le devant de la scène médiatique, ils furent comme des poissons dans l’eau dans quelques-uns des grands événements du siècle, de Mai 68 à l’automne chaud italien, événements qui ont profondément marqué la fin du siècle dernier et, sait-on jamais en ces temps de crise, qui pourraient bien connaître une nouvelle jeunesse, une nouvelle figure dans les années à venir. "L’Insurrection qui vient" (dont le ou les auteurs, jusqu’à preuve du contraire, restent inconnus) est une œuvre complexe, profonde, éminement discutable et criticable mais certainement pas réductible, en sortant deux phrases, à une espèce de pièce à conviction dans un dossier de police.
    L’exemple de la résistance au battage médiatique est venu, comme toujours, d’"en bas", du terrain de la vie réelle, des gens de Tarnac qui ont constitué un comité de défense »

    Ce texte doit interpeller chacun d’entre nous. Pendant que nous restons les yeux braqués sur nos difficultés personnelles, nos luttes catégorielles qui ne se rejoignent toujours pas, les forces de répression sont au travail. Elles ont choisi ce qu’elles considèrent comme le maillon le plus faible, le plus isolé ( ou supposé tel) d’un mouvement qui monte et qu’ils ne peuvent pas cerner.
    Soyez assurés que vous êtes les prochains sur la liste si vous osez bouger le petit doigt trop fort. Il nous faut être aux côtés des inculpés de Tarnac, quelque soit notre point de vue personnel sur leurs textes, leurs options, leur mode de vie, que sais-je encore.

    « Quand ils sont venus arrêter mon voisin communiste, je n’ai rien dit, je n’étais pas
    communiste.

    Quand ils sont venus arrêter mon voisin tzigane, je n’ai rien dit, je n’étais pas tzigane.

    Quand ils sont venus arrêter mon voisin juif, je n’ai rien dit, je n’étais pas juif.

    Quand ils sont venus m’arrêter, il n’y avait plus personne pour me défendre »

    pasteur NIEMÖLLER, résistant allemand :

    Je sais, celle là, vous la connaissez tous et nous n’en sommes pas encore là. Simplement, si nous n’y prenons garde, nous allons tout droit vers quelque chose qui y ressemble bougrement. Regardez les vidéos qui circulent sur le Net, lisez les témoignages des habitants du village de Tarnac, vous comprendrez.
    Un lien intéressant se trouve aussi à l’adresse suivante :
    [http://ultragauche.wordpress.com/2008/11/16/arretez-nous-nous-sommes-des-terroristes-de-l’ultra-gauche

    A l’heure actuelle, seule la CNT a pris position : à Rouen, (deux personnes ont été interpellées à Bois Guillaume, banlieue rouennaise) et sur le net (http://www.cnt-ait.info/article.php3?id_article=1581)
    . Les avocats, ainsi que le père de l’un des inculpés ont fait des déclarations qui vont toutes dans le même sens.
    Malgré les témoignages des habitants et élus de Tarnac et des communes voisines, mais aussi de proches et d’anciens proches

    http://bellaciao.org/fr/spip.php?article74591),

    le silence médiatique retombe, cinq personnes sont en prison.
    Si le fait de se définir « de gauche » signifie pour vous être porteurs (entre autres) de valeurs de démocratie et de solidarité vous ne pouvez pas tolérer cela.

    La police pourra nous joindre à l’adresse mail suivante :

    soutientarnac@free.fr

    vous aussi.