Accueil > Lettre d’une enseignante à M. Demorand

Lettre d’une enseignante à M. Demorand

Publie le vendredi 21 novembre 2008 par Open-Publishing
4 commentaires

de Aline Flaux

Mr Demorand,

Je suis directrice d’une école maternelle en banlieue rouennaise,
confrontée chaque jour aux dégâts que notre société provoque sur
l’enfance. Tout aujourd’hui confère à abîmer l’univers des enfants, des
rythmes de travail des parents aux saccages commerciaux des moments
magiques (Noël...par exemple).l’école est un lieu privilégié où la
poésie le rêve et l’imaginaire n’ont d’égal que la qualité des
apprentissages...

J’accueille chaque année une classe entière d’enfants qui n’ont pas
trois ans à la rentrée de Septembre (certains ont trois ans au dernier
trimestre2008 et les autres auront trois ans dans les premiers mois de
l’année 2009 )... je mesure chaque année la grande aptitude et le
bonheur qu’ont ces tout-petits à s’adapter et à grandir en apprenant au
sein d’un univers qui leur est entièrement dédié (du mobilier à la
culture,de la psychologie aà la prise en charge).

Les médias ont aujourd’hui un rôle essentiel , c’est une
évidence... demain vous recevrez le ministre de la grande casse, celui
par lequel cette école publique, cette école de la république, heureux
héritage de Jules Ferry et de la France Jacobine, sera démantelée, livrée
doucement à des intérêts loin du philantropisme indispensable à la mission.

Savez vous Monsieur que les coups les pires sont à venir :

ainsi la création à la rentrée prochaine des EPEP (établissement
regroupant 13 et + de classes) gérées par des conseils d’administration
où les enseignants seront minoritaires et où les politiques pourront
prendre un pouvoir important... vous le voyez c’est un système à
l’anglo-saxonne que l’on nous prépare discrètement en agitant des phrases provocatrices qui agitent les médias mais masquent la réalité de ce qui se prépare.

Je suis une enseignante attachée passionnément à l’école publique
,je lui doit tout, issue d’un milieu populaire l’école m’a permis
d’acquérir le savoir (des diplôme supérieurs)la culture, un esprit
critique... c’est cette école qui représente un danger au projet
libéral... comme beaucoup de mes collègues je suis inquiète et
profondément désespérée de voir s’écrouler ces valeurs collectives de
respect, de solidarité, que véhiculait l’école publique.

Je vous écoute autant que je le peux (quand je ne suis pas à
l’école), j’admire votre éloquence et votre impertinence,je vous invite
donc à vous documenter au delà de ce qui est divulgué sur l’école...

Votre profession porte en ces temps de bouleversements et d’abandon du particularisme démocratique français, une responsabilité et un devoir
d’information... c’est pourquoi je me permets de vous interpeller.

Aujourd’hui, j’étais dans la rue pour l’école, pour dire non aux
évaluations d’école, dire non à la transformation en profondeur des
mentalités (compétition et rentabilité), dire non à l’assujettissement de
l’école aux lois de l’entreprise )... à l’heure où la crise du
capitalisme remet au goût le système de répartition, pose les questions
de cette jungle... il est de notre devoir d’empêcher de livrer
l’école aux "chiens et aux loups"... je serai en classe
demain lorsque vous accueillerez Mr Darcos, j’accomplirai ma mission
comme chaque jour avec amour professionnalisme et
passion... les tout-petits de 2 et trois ans seront en
pleine activité de peinture, de graphisme d’écoute, de recherche , de
tri... eux ces petits comptent sur votre impertinence et vos
compétences de journalistes...

D’avance je vous remercie d’avoir cette pensée pour le système
éducatif auquel le peuple français est attaché.

Messages

  • Merci ; madame vous avez été simple et claire :

    L’école dérange le projet néolibéral ,détruire et voler, c’est leur unique projet.
    Je viens d’écouter la radio : les actionnaires ont détruit Amora, et oui, rien ne les arrète ; une questions combien de postes d’enseignants supprimés à Dijon ?
    Si quelqu’un peut l’ écrire ici , merci d’avance marie.lina

  • Si "ça" marche.. je serai bien contente:je viens ,en effet, d’envoyer votre lettre au "7/10" de France Inter...
    il faut ABSOLUMENT faire preuve de SOLIDARITE et de détermination face à ce pouvoir en place ...dont les amis ne se gênent pas pour exprimer leur "dégueulis" comme hier, chez le coiffeur.. j’ai rétorqué facilement (il ne fallait pas "commencer")

  • Cet Appel a d’abord été signé par un ensemble de collectifs, associations, syndicats et personnalités dont la diversité montre l’importance du mouvement national en train de se constituer aujourd’hui dans les universités. Ont en effet accepté de figurer côte à côte, entre autres et pour ne citer que quelques-unes des signatures collectives, la Société des Agrégés et le syndicat Sud Éducation, Sauvons la Recherche et Reconstruire l’École, Sauver les Lettres et le Snesup, etc.

    Pourquoi une telle mobilisation, qui se manifeste aussi dans la centaine de motions actuellement remontées des départements, UFR et conseils centraux d’universités, ainsi que dans les lettres et initiatives prises par les Présidents d’Université ? Parce que l’enjeu est clair : la survie d’une formation des maîtres qui soit de qualité pour tous les élèves et à tous les niveaux, ainsi que la survie des masters recherche et écoles doctorales, particulièrement en Sciences Humaines et Sociales, partout en France. Et parce que la demande est tout aussi claire : obtenir un moratoire conséquent pour ouvrir des négociations sur la réforme des concours et sur les conditions de la mastérisation.

    L’Appel, ainsi que le dossier constitué par plus de cent motions votées dans les universités depuis fin septembre, étaient remis mardi 18 novembre aux Ministères de l’Éducation Nationale et de l’Enseignement Supérieur (une conférence de presse était organisée à cette occasion) et jeudi 20 à chacun des Présidents d’Université à l’occasion de l’assemblée plénière de la Conférence des Présidents d’Université.