Accueil > Aix : Une enseignante sanctionnée pour "désobéissance civile"

Aix : Une enseignante sanctionnée pour "désobéissance civile"

Publie le dimanche 14 décembre 2008 par Open-Publishing
10 commentaires

de Nicolas Rey

Tout est parti d’une lettre. Début novembre, un enseignant de Colomiers dans l’Hérault, exposait par écrit à son inspecteur les raisons pour lesquelles "en conscience", il refusait "d’obéir" et de contribuer à un "démantèlement pensé et organisé de l’Éducation nationale". Une missive en forme de réquisitoire qui a tôt fait de faire école, notamment dans les Bouches-du-Rhône : le 5 décembre dernier, plus d’une centaine d’enseignants, essentiellement marseillais, remettaient à leur tour une lettre à l’Inspection d’académie.

Un argumentaire signé, expliquant en détail leur refus d’une série de mesures portant atteinte, selon eux, aux fondements de l’Éducation nationale. "Nous ne participerons pas à ce démantèlement. En conscience, nous refusons de nous prêter par notre collaboration active ou notre silence complice à la déconstruction du système éducatif de notre pays", écrivaient-ils.

Parmi ces 124 signataires, Diane Combes, une enseignante en maternelle à Eguilles, revendique cette "désobéissance civile", qui est selon elle "le dernier recours après avoir tenté tous les autres moyens" pour éviter que ne soit mise en oeuvre "la politique la plus aberrante que l’Éducation nationale ait connue depuis longtemps". Et l’enseignante de lister quelques-uns des points incriminés : suppression massive de postes, suppression du réseau d’aide aux enfants en difficulté (Rased), l’atteinte au droit de grève, la suppression de l’IUFM, l’introduction des jardins d’éveils…

"Tout ce qui est mis en oeuvre pour ouvrir le marché de l’éducation, explique Diane Combes, qui enseigne depuis 1981. Sans parler des nouveaux programmes, dont on ne connaît même pas les auteurs, qui sont plus incohérents que jamais !" En "résistance", les enseignants signataires refusent de mettre en oeuvre les nouveaux programmes, remplacent le soutien scolaire par un travail sur un projet d’école ou de classe et refusent de participer aux stages de rattrapage pendant les vacances scolaires.

Lundi 8 décembre, Diane Combes recevait la visite d’une inspectrice venue lui rappeler les conséquences d’une telle prise de position. Le lendemain, un courrier général reçu par tous les enseignants insistait encore sur les sanctions prévues en cas de désobéissance. Le jeudi suivant, c’est une lettre personnelle adressée à Diane Combes par l’Inspecteur d’académie qui détaillait les conséquences de son "manquement caractérisé" à ses "obligations de service" : un "salaire amputé pour service non fait pour tous les jours au cours desquels ce même constat sera effectué".

En clair, les lundis, mardis, et jeudis (plus le mercredi) ne lui sont pas payés puisqu’elle n’assure pas le soutien scolaire, même si elle est "présente et travaille sur autre chose". Soit un salaire amputé de plus de la moitié (seulement trois jours payés par semaine)… Une sanction financière à laquelle s’ajoute un volet disciplinaire qui peut aller du blâme à la révocation en passant par toutes sortes de mutations. Détail surprenant : sur les 124 signataires, seule Diane Combes est poursuivie de la sorte. "Sans doute pour faire un exemple et couper les ailes du mouvement, estime-t-elle. Mais c’est tout le contraire, je suis et nous sommes encore plus motivés. Si, dans quelques années, la maternelle et plus généralement le service public n’existent plus, je serai mal de n’avoir rien tenté pour le sauver…"

http://www.laprovence.com/articles/2008/12/14/659026-A-la-une.php

Messages

  • ces enseignant(e)s nous montrent la voie : unis, déterminés et généreux !

    que l’ensemble des syndicats et partis de gauche les soutiennent et appellent à l’action !

  • Scandaleux !
    Le Pouvoir tyran met l’opinion à l’épreuve encore une fois (après le cas de Tarnac) et on ne doit pas laisser passer ça sinon ce sera fait, refait et abusé.
    Voilà ce qu’on risque à protester contre la destruction volontaire du système éducatif français !
    La politique d’intimidation ne paiera pas indéfiniment !

  • Bien entendu je soutiens cette collègue (je suis en retraite).

    Concrètement, matériellement quelque chose est il fait autour d’elle, d’abord pour qu’elle ne sente pas seule, ensuite pour donner au mouvement des chances de durer.

    Faites connaitre les soutiens dont elle dispose ! merci.

    Je suis faucheur volontaire et j’ai constaté que la solidarité est une réponse adaptée à un pouvoir qui n’a de chances que si on reste divisés.

  • Attention bientot,toute personne opposante "au pouvoir"sera considérée comme terroriste.Pas les capitalistes et leurs serviteurs étatique,qui eux détruisent systématiquement tout ce que des générations ont réussi a acquérir.momo11

    • "Attention bientôt,toute personne opposante "au pouvoir"sera considérée comme terroriste."

      Au pays basque, il y a longtemps qu’on le sait ! Et personne ne s’en émeut.
      En toute solidarité avec cette collègue (j’étais aussi enseignant) et les millions qui luttent en ordre dispersé... La solution est dans la rue !
      Le fascisme rampant, masqué, est déjà là... Il n’y a que les débiles et les sourds/muets/aveugles pour ne pas s’en rendre compte.
      Ils pleureront encore une fois "Nous ne savions pas...". Tu parles !

  • Enseignante retraitée, j’ai trouvé pertinent et courageux le texte de résistance à Darcos et à son entreprise de démolition du service public d’éducation. J’exprime toute ma solidarité à Diane Combes. Que peut-on faire , concrètement ? Françoise Theuriot. Brest

  • Journée nationale des désobéisseurs dans l’Education Nationale
    lundi 15 décembre 2008 (19h54)

    *Mercredi 17 décembre*

    Depuis plusieurs semaines, des envois collectifs de lettres de désobéissance sont organisées dans de nombreuses académies, signe de la montée en puissance d’un mouvement inédit de résistance dans l’Education Nationale.

    Les enseignants désobéisseurs ne veulent pas être les instruments passifs et complices du démantèlement de l’Education Nationale. Ils organisent leur résistance au grand jour, à visage découvert, en assumant le risque de la sanction. Dans l’intérêt des élèves, des parents d’élèves, ils s’élèvent dignement pour construire une école de la réussite pour tous.

    Dans de nombreuses régions, la journée du mercredi 17 décembre sera l’occasion d’organiser des remises de lettres individuelles et collectives de désobéissance à la faveur de rassemblements devant les Inspections Académiques. Le blog Résistance pédagogique se fera l’écho de ces initiatives en publiant les lettres individuelles et collectives des enseignants désobéisseurs.

    A Montpellier, un grand rassemblement est organisé à 15 h devant l’Inspection Académique de l’Hérault pour la remise d’une centaine de lettres de désobéissance en présence notamment de Bastien Cazals, d’Alain Refalo et de Philippe Cherpentier, trois des premiers enseignants désobéisseurs. Cette journée de la désobéissance civile dans l’Education Nationale prendra un relief tout particulier à Montpellier après les sanctions financières disproportionnées infligées à Bastien Cazals.

    D’autres rassemblements auront lieu à Toulouse, à Marseille, à Paris, et dans plusieurs villes de France.

    *Blog Résistance pédagogique pour l’avenir de l’école* *http://resistancepedagogique.blog4e...*

    ET TOUJOURS POUR ANIMER LA RIPOSTE http://moissacaucoeur.elunet.fr

  • Il faut du courage,mais ce genre de courage n’est pas un "placement hasardeux"(tout le monde comprend...surtout quand il ou elle a été floué(e))

    Même Pierre de Coubertin (pas un modèle politique)disait :
     "il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer"...

    Seul le petit garçon,rappelez-vous, ayant vu le Roi nu...a osé le dire... même si c’est dans un conte...d’Andersen, c’est un exemple à suivre ; "l’enseignant de l’Hérault" (qui doit avoir un nom ?)doit être salué...et imité(je rêve ?).

  • Réaction logique d’un pouvoir qui ne connaît que le négatif et la répression, et surtout qui ne vise qu’à entrer dans le marché mondial et total. L’enseignement (le mot éducation est à mon sens différent) est visé, tout comme la santé (nous nous battons contre la suppression des services d’urgence dans notre région comme dans le reste du pays), tout comme la poste, en fait, tout comme la totalité des services publics, qui seront bientôt exposés dans un splendide "musée vivant", souvenirs d’une époque rétrograde et disparue, pour le plus grand bonheur des actionnaires de tous poils... Bravo à cette enseignante pour son courage : il est plus que temps que les autres citoyens de ce pays réalisent ce qui est en train de se mettre en place, et passent, eux aussi à la désobéissance civile ! Bien entendu, tous ces mails sont lus et analysés par de "grandes oreilles et de grands yeux", et nous sommes déjà classés par catégories. Comment nous sentirons-nous le jour où nous ne pourrons parler des services publics à nos enfants et petits enfants qu’au passé ?
    JT retraité de l’enseignement public.