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Nous refusons la politique de la peur : pétition

Publie le samedi 20 décembre 2008 par Open-Publishing
4 commentaires

Après le discours du 2 décembre 2008,
Nous refusons la politique de la peur
Mise en ligne sous forme de pétition pour signer :
 http://www.uspsy.fr/spip.php?article756#petition

annonces de Nicolas Sarkozy le 2 décembre au centre hospitalier spécialisé
Erasme à Antony sont en remarquable continuité avec les décisions prises
depuis l’époque où il était ministre de l’intérieur : loi sur la prévention de la
délinquance, amputée de ses articles portant sur les malades mentaux, mais
finalement réintroduits dans leur essence dans la loi de rétention de sûreté, fichier
Edvige, et maintenant loi sur l’hospitalisation psychiatrique.

L’amalgame organisé depuis la loi du 30 juin 1838 entre ordre public et obligation de
soins trouve aujourd’hui son achèvement en une identification du soin à la seule
mesure d’ordre public au nom d’une dangerosité potentielle. Il s’inscrit dans un
ensemble liberticide. Depuis environ 3 ans, à chaque victime exemplairement
médiatisée répond une nouvelle loi répressive.

Cette logique démagogique ose avec arrogance déclarer ne connaître que les droits de
l’homme pour la victime et subordonner les droits des « autres » à leur dangerosité.

Logique de juriste besogneux qui se doit d’étalonner le droit à une justice d’élimination.

Logique de violence sociale qui condamne la psychiatrie à repérer, contrôler et parquer
à vie les marginaux, déviants, malades, désignés potentiellement dangereux. Logique
de l’abus rendu légal, enfin, puisque cette dangerosité n’est ni définie, ni précisément
limitée, ouvrant la voie à une extension indéfinie des mesures qui la visent. Obsession
qui transforme tout accident en événement intolérable, la moindre erreur en défaillance
monstrueuse, légitimant des précautions sans cesse durcies et toujours condamnées à se
durcir car on ne supprimera jamais la possibilité d’un risque.

A terme, nous ne serions même pas dans la mise en place d’un système de défense
sociale —historiquement institué et toujours présent dans de nombreux pays
européens— à côté d’un système de soins psychiatriques « civil », mais dans le
formatage d’une flic-iatrie dans les murs d’un asile d’aliénés post-moderne comme dans
la ville.

Nous tenons à alerter du danger les familles et leurs associations, les associations de
patients et ex-patients. Le projet du président de la République n’est pas une obligation
de soins ambulatoire, mais bel et bien une détention ambulatoire qui au plan des soins
se résumerait à l’injection bimensuelle ou mensuelle d’un neuroleptique à action
prolongée ou à la prise forcée d’un thymorégulateur. Sur le plan de la liberté
individuelle, ce projet placerait le sujet sous un régime de la liberté surveillée : tutelle à
la personne, assignation à résidence, bracelet électronique.

Tout cela sous l’égide des
services préfectoraux, des services de psychiatrie publique … et de la famille.
Pourquoi alors pour les soignants rechercher et travailler le consentement libre et
éclairé ? Pourquoi pour les services de psychiatrie se mettre dans l’obligation
d’accueillir, d’écouter, de prendre soin, de soigner, d’accompagner un sujet souffrant, c’est-à-dire de le considérer dans sa dignité et sa singularité de personne, d’individu
social, et de sujet de droit ?
Disons aussi clairement aux usagers et à tous les citoyens que le soutien affiché par le
chef de l’Etat à sa ministre de la santé pour son projet de loi « hôpital, santé, patients et
territoire », son chantage public au soutien à ses réformes, confirme qu’il n’y a pas
contradiction entre politique sécuritaire et politique de réduction des moyens pour la
santé et le social. De plus, il semble aussi mettre fin à la psychiatrie de secteur comme
psychiatrie généraliste.

Que de vigilance obligée, que d’énergie perdue pour défendre les moyens existants face
au bulldozer administratif et comptable. Pour les internés, nous savons : des moyens
pour des cellules d’isolement, des unités pour malades difficiles, des vigiles et des
caméras de surveillance. Quant aux personnes qui seraient soumises au traitement
psychiatrique ambulatoire contraint, selon quels critères unetelle mesure serait-elle
prise, ou levée ?

Que nous soyons contraints de répéter une fois de plus qu’il n’y a pas à assimiler crime
ou délinquance et « maladie mentale », dangerosité et « maladie mentale », nous blesse
au regard des décennies de luttes et de pratiques de progrès dans le champ de la santé
mentale.

Que nous soyons contraints de répéter qu’il n’y a pas de risque zéro, que les politiques
dites de « tolérance zéro » n’éliminent la dangerosité sociale, nous fait craindre que
nous tendions —loi d’attaque sociale après loi d’élimination, outrances policières ou
politiques après outrances policières ou politiques— au système décrit et dénoncé par
Hannah Arendt : Le totalitarisme ne tend pas à soumettre les hommes à des règles
despotiques, mais à un système dans lequel les hommes sont superflus.
Le type de pouvoir exécutif à l’oeuvre ne laisse rien échapper, intervient sans cesse sur
les professionnels pour les sanctionner et les corriger au moindre accident. Il conduit
ceux-ci à l’excès de zèle pour prévenir les risques de ce qui n’est même plus excusé en
tant que « bavures ». Au mieux, nous avons droit aux phrases compassionnelles du chef
de l’Etat.

La banalité du mal s’installe en même temps que les scandales s’accumulent : pour les
sans papiers, il faut faire du chiffre ; pour éduquer les collégiens contre la drogue, il faut
faire une descente musclée de gendarmes ; pour que « justice soit faite », il faut l’affaire
consternante du journaliste de Libération ou encore la menace de centres de rétention
pour SDF récalcitrants.

Il ne s’agit donc guère de sagesse populaire et de vertu républicaine, mais bien d’une
idéologie populiste et d’une politique sécuritaire dangereuses, qui dans le même temps
poursuivent au pas de course la démolition des services publics et une politique de
santé entrepreneuriale et de paupérisation.

Nous nous déclarons opposants résolus à cette idéologie et à cette politique. Nous
déclarons que nous continuerons d’y résister concrètement et solidairement. Nous
appelons tous ceux qui agissent à élaborer un manifeste constituant d’un front du
refus.

Contact : cedep.paris@wanadoo.fr

http://www.uspsy.fr/spip.php?article756

Messages

  • Et la dangerosité potentielle et avérée du grand élu de la nation,qu’en est-il ? Je soulève la question !

  • il faut l’affaire consternante du journaliste de Libération

    A double tranchant : On montre aux journalistes qu’ils feraient mieux d’être bien obéissants sinon... et au citoyen lambda qu’il n’est pas le seul à subir le déni de justice.
    C’est tout bénef pour la dictature qui s’installe rapidement et surement...

  • Je crois que l’etat en ce moment a 10 a 12 % d’extreme droite ; l’essence a 1,50€ ; les milliards des banques ; les lois psy ; ne font meme plus descendres les gens pour la revolution ! pauvre france !

  • Lettre ouverte à Monsieur le Président de la République à propos de son discours du 2 décembre 2008 à l’hôpital Erasme d’ANTONY concernant une réforme de l’hospitalisation en psychiatrie.

    Etampes, le 8 décembre 2008

    Monsieur le Président,

    Eluard écrit dans Souvenirs de la Maison des Fous « ma souffrance est souillée ».

    Après le meurtre de Grenoble, votre impatience à répondre dans l’instant à l’aspiration au pire, qu’il vaudrait mieux laisser dormir en chacun d’entre nous, et que vous avez semble t-il tant de difficulté à contenir, vous a amené dans votre discours du 2 décembre à l’hôpital Erasme d’Antony à souiller la souffrance de nos patients.
    Erasme, l’auteur de « L’Eloge de la Folie » eut pu mieux vous inspirer, vous qui en un discours avez montré votre intention d’en finir avec plus d’un demi siècle de lutte contre le mauvais sort fait à la folie : l’enfermement derrière les hauts murs, lui appliquant les traitements les plus dégradants, leur extermination en premier, quand la barbarie prétendit purifier la race, la stigmatisation au quotidien du fait simplement d’être fou.

    Vous avez à Antony insulté la mémoire des Bonnafé, Le Guillant, Lacan, Daumaison et tant d’autres, dont ma génération a hérité du travail magnifique, et qui ont fait de leur pratique, œuvre de libération des fécondités dont la folie est porteuse, œuvre de libération aussi de la pensée de tous, rendant à la population son honneur perdu à maltraiter les plus vulnérables d’entre nous. Lacan n’écrit-il pas « l’homme moderne est voué à la plus formidable galère sociale que nous recueillions quand elle vient à nous, c’est à cet être de néant que notre tâche quotidienne est d’ouvrir à nouveau la voie de son sens dans une fraternité discrète, à la mesure de laquelle nous sommes toujours trop inégaux ».

    Et voilà qu’après un drame, certes, mais seulement un drame, vous proposez une fois encore le dérisoire panégérique de ceux que vous allez plus tard insulter leur demandant d’accomplir votre basse besogne, que les portes se referment sur les cohortes de patients.

    De ce drame, vous faites une généralité, vous désignez ainsi nos patients comme dangereux, alors que tout le monde s’entend à dire qu’ils sont plus vulnérables que dangereux.

    Mesurez-vous, Monsieur le Président, l’incalculable portée de vos propos qui va renforcer la stigmatisation des fous, remettre les soignants en position de gardiens et alarmer les braves gens habitant près du lieu de soin de la folie ?

    Vous donnez consistance à toutes les craintes les moins rationnelles, qui désignant tel ou tel, l’assignent dans les lieux de réclusion.

    Vous venez de finir d’ouvrir la boîte de Pandore et d’achever ce que vous avez commencé à l’occasion de votre réplique aux pêcheurs de Concarneau, de votre insulte au passant du salon de l’agriculture, avilissant votre fonction, vous déprenant ainsi du registre symbolique sans lequel le lien social ne peut que se dissoudre. Vous avez donc, Monsieur le Président, contribué à la destruction du lien social en désignant des malades à la vindicte, et ce, quelques soient les précautions oratoires dont vous affublez votre discours et dont le miel et l’excès masquent mal la violence qu’il tente de dissimuler.

    Vous avez donc, sous l’apparence du discours d’ordre, contribué à créer un désordre majeur, portant ainsi atteinte à la cohésion nationale en désignant à ceux qui ne demandent que cela, des boucs émissaires, dont mes années de pratique m’ont montré que justement, ils ne pouvaient pas se défendre.

    Face à votre violence, il ne reste, chacun à sa place, et particulièrement dans mon métier, qu’à résister autant que possible.

    J’affirme ici mon ardente obligation à ne pas mettre en œuvre vos propositions dégradantes d’exclure du paysage social les plus vulnérables.

    Il en va des lois comme des pensées, certaines ne sont pas respectables ; je ne respecterai donc pas celle dont vous nous annoncez la promulgation prochaine.

    Veuillez agréer, Monsieur le Président, la très haute considération que je porte à votre fonction.

    Docteur Michaël GUYADER
    Chef de service du 8ème secteur
    De psychiatrie générale de l’Essonne,
    Psychanalyste.