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Européenes : quels enjeux ?

Publie le lundi 22 décembre 2008 par Open-Publishing
3 commentaires

Samy Johsua, comité Marseille 14-15(NPA)

Argument premier : on est plus forts unis que divisés. Qui peut le contester ? Argument deuxième : comme nous sommes tous antilibéraux, nous sommes d’accords par définition sur une base commune. Est-il vraiment besoin de le vérifier ? Argument troisième : ceux et celles qui souhaitent cette vérification, ceux et celles qui se demandent « unis, d’accords ; mais pour quoi faire après ? » sont des sectaires, plein « d’esprit boutiquier ». Fermez le ban, la discussion est close.

On va quand même tenter de la mener cette discussion et espérer que, sortant du moulinage d’arguments qui tournent en rond, on veuille daigner prendre en considération (quelques minutes, pas plus !) que tout cela ne va pas de soi. D’abord, évitons les mauvaises polémiques. Toute action politique nécessite la recherche de consensus (déjà au sein même du npa), de rapprochements, et, pourquoi pas, de compromis. Rien de déshonorant à cela. Mais encore faut-il que ces derniers nous rapprochent du but qu’on s’est fixé au lieu de nous en éloigner.
Des camarades estiment que la base d’un accord antilibéral pour les européennes est déjà donnée, puisqu’on est nombreux à être issus de la campagne du non au TCE. Ils ont tort, pour quatre raisons principales.
  Politique tout d’abord. « Le camp du non » n’existe plus. Les « socialistes du non » ont réalisé unanimement « la synthèse du Mans » et ont très majoritairement décidé à leur dernier congrès que la division entre « oui » et « non » n’avait plus de sens. Le parti des Verts est, en bloc, rallié à la candidature de Cohn-Bendit, Bové lui-même ayant rallié le libéralisme de cette liste. Le PCF, au moment des municipales entre autres, a bien montré que l’alliance avec la social-libéralisme demeurait centrale.
  Sortis ensemble du « non », nous ne sommes pas à l’époque tombés d’accord sur une politique en positif. Il faut donc vérifier si ce qui nous divisait à l’époque s’est tassé. Deux points principaux, liés au contenu, font toujours gravement divergence : la sortie du nucléaire ; la question de la régularisation sans condition de tous les sans papier et la libre circulation des étrangers. Et un point de stratégie est maintenu, sur lequel on revient ci-après : l’indépendance absolue par rapport à la direction du PS.
  Les textes qui circulent pour appeler à un front commun sont en recul fondamental sur ce qui faisait accord à l’époque. On peut citer les principaux problèmes. On rejette le traité de Lisbonne, mais rien n’est dit sur les traités précédents (dont ceux d’Amsterdam et de Maastricht). Or les seuls points clairs qui sont avancés en positif - la défense et extension des services publics, l’homogénéisation par le haut des législations sociales - sont impossibles à atteindre sans une dénonciation de ces traités. On ne peut pas plus mener une réelle bataille internationaliste sans demander la sortie de l’OTAN, la fin de l’intervention militaire de tout pays européen hors des frontières, l’annulation des accords de coopération avec Israël tant que les résolutions de l’ONU sont bafoués par ce pays. Enfin, nous sommes résolument en faveur d’une autre Europe, pas pour le repli sur nos frontières, et donc contre tout souverainisme. Ceci exclut déjà complètement un accord avec des formations qui y cèdent, mais surtout cela demande que l’on se donne les moyens d’une révolution démocratique pour cette autre Europe. On ne peut y parvenir dans le cadre de celle qui nous est imposée. Il faut donc une Constituante qui construise cette nouvelle entité. Sur tous ces points qui faisaient accord jusqu’à présent, celui-ci n’est plus établi.
  Le point majeur est le suivant : la situation a radicalement changé avec la crise capitaliste. On ne peut plus prétendre répondre aux problèmes sociaux et écologiques sans une véritable remise en cause de ce système. Sans une remise en cause du droit de propriété des grands capitalistes, on ne peut répartir autrement les richesses, interdire les licenciements, supprimer les paradis fiscaux, garantir l’environnement. Il faut évidemment se doter d’un outil financier à la hauteur de la situation, une banque unique publique, sans concurrence privée (donc avec la socialisation de toutes banques privées), sous contrôle populaire pour éviter la dictature d’une bureaucratie.

Sommes nous les seuls comme parti à défendre cela (ou l’essentiel de cela) ? Non, bien entendu. Et c’est pour cela que, loin d’un splendide isolement, nous nous déclarons dans la résolution proposée au vote du Congrès en faveur de listes unitaires sur ces bases. Résolument. Et nous allons y travailler. Il convient donc de vérifier, dans les rencontres avec tous les partenaires envisageables, qui peut se situer sur ces bases. Des compromis pour l’unité ? Peut-être. Lesquels ? Sur quoi faudrait-il se taire ? La réponse peut déplaire, or elle va de soi : on ne voit pas. Mais pour certains camarades, on saisit que, bien en peine de citer les points sur lesquels il faudrait céder, l’idée de base est la suivante : l’impact de l’unité serait tel que l’essentiel est de poser des signatures communes, fusse au bas d’une page blanche, ou presque. Ce n’est pas comme cela que nous avons procédé lors de la campagne contre le TCE, mais à partir d’une base de départ solide, excluant explicitement par exemple l’alliance avec les souverainistes de chez Chevènement. Comment l’alliage « page blanche » que l’on imagine tiendrait-il plus d’une semaine dans une campagne où aucun cadeau ne nous serait fait ? En se déchirant à chaque question précise posée ? Que resterait-il de la fameuse dynamique (veaux, vaches, cochons et plein de députés…) sur lesquels comptent ces camarades bien imprudemment ? Et que resterait-il de ce qui fait la force du NPA, qui clame haut et fort qu’on ne lui fera pas dire comme élus et aux élections le contraire de ce qu’il défend dans la rue ?

Et puisqu’on parle de dynamique, revenons sur une question essentielle : l’indépendance vis à vis du PS. On sait que c’est un point majeur de divergence parmi les formations à la gauche de ce parti. Mais justement nous dit-on, voilà une occasion où cette question peut être laissée de côté, et où on peut avancer sur ce qui unit, indépendamment de cette divergence. L’argument demande à être sérieusement pris en considération, puisqu’il est vrai que personne ne songe à gérer le Parlement Européen par une coalition du type gauche plurielle. Mais si un tel accord peut (par hypothèse et à condition donc que les problèmes de contenu soient aplanis) donner une visibilité plus forte, ce n’est pas la seule question à considérer, et surtout pas la plus importante. Ce qu’une masse importante de personnes souhaite, ce n’est pas spécialement de faire élire en plus grand nombre des députés dans une assemblée sans pouvoir, mais bien changer le rapport de force politique au -delà de juin 2009. Mais il ne fait de doute pour personne que cette coalition de circonstance se briserait dès le lendemain de l’élection, le PC en particulier ayant confirmé de manière éclatante que non seulement il choisissait un repli sur son appareil, mais surtout une nouvelle alliance avec le PS. Et pas plus tard qu’aux élections régionales qui suivront neuf mois à peine ensuite, et dont les accords seront en fait scellés avant même le scrutin européen. La déception n’est pas probable, elle est certaine. Et sans que l’on puisse reprocher à quiconque de reprendre ses billes dès le mois de juillet, puisque cette liberté est la condition même d’un accord en juin. Le npa, dont la crédibilité repose en grande partie sur la clarté des positions sur ces questions centrales payerait, à juste titre, le prix fort d’une nouvelle volte-face. Il y a une façon simple d’écarter ce danger, c’est de refuser les alliances à géométrie variables, année paires avec le PS (comme aux municipales en 2008 et aux régionales en 2010), les années impaires avec les antilibéraux. Mais là, même s’il faut la vérifier, on connaît la réponse à l’avance. N’est-ce pas ?

Messages

  • L’enjeu ?

    Détruire l’Europe avant qu’elle ne nous détruise !

  • samy membre de la direction nationale de la LCR et animateur du NPA dans les bouches du rhone tente de nous expliquer pourquoi le NPA-LCR fera cavalier seul aux européennes.

    Bien sur, au milieu de son texte au vitriol contre tout le reste du monde politique à gauche de la gauche, il va se fendre d’une petite phrase très explicite :
    Et c’est pour cela que, loin d’un splendide isolement, nous nous déclarons dans la résolution proposée au vote du Congrès en faveur de listes unitaires sur ces bases. Résolument. Et nous allons y travailler. Il convient donc de vérifier, dans les rencontres avec tous les partenaires envisageables, qui peut se situer sur ces bases. Des compromis pour l’unité ? Peut-être. Lesquels ? Sur quoi faudrait-il se taire ? La réponse peut déplaire, or elle va de soi : on ne voit pas.

    Mais cette phrase est trés révélatrice d’un congrès du NPA que la direction de la LCR est en train de tranquillement verrouillée. Samy annonce que le texte proposé va se prononcer en faveur de listes unitaires, que le NPA va y travailler mais immédiatement la fin de la récréation est sonnée ... avec qui ... on ne voit pas, ca va de soi (sic) CQFD.

    En réalité pour un parti qui ne se veut pas électoraliste, qui se veut le parti des luttes, les échéances électorales n’ont qu’un seul but construire un peu plus le parti, le parti au sens de l’appareil. Pour se faire bien sur, il faut pointer tout ce qui divise. Samy rétorquera surement que lors des municipales, le NPA a fait des alliances avec d’autres forces... juste avec un peu de mauvais esprit mais en connaisseur de cette organisation, s’il n’ y avait pas eu ces alliances, il y aurait eu nettement moins de listes estampillées NPA.

    Et pour élever un peu ce débat très politicien, je le reconnais, mais auquel je me suis prêté, je vous glisse un texte de fred vargas qui place les enjeux bien ailleurs...

    Nous y sommes par Fred Vargas

    Nous y voilà, nous y sommes !
    Depuis cinquante ans que cette tourmente menace dans les hauts-fourneaux de l’incurie de l’humanité, nous y sommes.
    Dans le mur, au bord du gouffre, comme seul l’homme sait le faire avec brio, qui ne perçoit la réalité que lorsqu’elle lui fait mal. Telle notre bonne vieille cigale à qui nous prêtons nos qualités d’insouciance.
    Nous avons chanté, dansé.
    Quand je dis « nous », entendons un quart de l’humanité tandis que le reste était à la peine.
    Nous avons construit la vie meilleure, nous avons jeté nos pesticides à l’eau, nos fumées dans l’air, nous avons conduit trois voitures, nous avons vidé les mines, nous avons mangé des fraises du bout du monde, nous avons voyagé en tous sens, nous avons éclairé les nuits, nous avons chaussé des tennis qui clignotent quand on marche, nous avons grossi, nous avons mouillé le désert, acidifié la pluie, créé des clones, franchement on peut dire qu’on s’est bien amusés.
    On a réussi des trucs carrément épatants, très difficiles, comme faire fondre la banquise, glisser des bestioles génétiquement modifiées sous la terre, déplacer le Gulf Stream, détruire un tiers des espèces vivantes, faire péter l’atome, enfoncer des déchets radioactifs dans le sol, ni vu ni connu.
    Franchement on s’est marrés. Franchement on a bien profité.
    Et on aimerait bien continuer, tant il va de soi qu’il est plus rigolo de sauter dans un avion avec des tennis lumineuses que de biner des pommes de terre.
    Certes.

    Mais nous y sommes. A la Troisième Révolution.
    Qui a ceci de très différent des deux premières (la Révolution néolithique et la Révolution industrielle, pour mémoire) qu’on ne l’a pas choisie.

    « On est obligés de la faire, la Troisième Révolution ? » demanderont quelques esprits réticents et chagrins.
    Oui. On n’a pas le choix, elle a déjà commencé, elle ne nous a pas demandé notre avis.
    C’est la mère Nature qui l’a décidé, après nous avoir aimablement laissé jouer avec elle depuis des décennies.
    La mère Nature, épuisée, souillée, exsangue, nous ferme les robinets.
    De pétrole, de gaz, d’uranium, d’air, d’eau.
    Son ultimatum est clair et sans pitié : " Sauvez-moi, ou crevez avec moi ! " (à l’exception des fourmis et des araignées qui nous survivront, car très résistantes, et d’ailleurs peu portées sur la danse).
    Sauvez-moi, ou crevez avec moi !
    Evidemment, dit comme ça, on comprend qu’on n’a pas le choix, on s’exécute illico et, même, si on a le temps, on s’excuse, affolés et honteux.
    D’aucuns, un brin rêveurs, tentent d’obtenir un délai, de s’amuser encore avec la croissance.
    Peine perdue.
    Il y a du boulot, plus que l’humanité n’en eut jamais.
    Nettoyer le ciel, laver l’eau, décrasser la terre, abandonner sa voiture, figer le nucléaire, ramasser les ours blancs, éteindre en partant, veiller à la paix, contenir l’avidité, trouver des fraises à côté de chez soi, ne pas sortir la nuit pour les cueillir toutes, en laisser au voisin, relancer la marine à voile, laisser le charbon là où il est, – attention, ne nous laissons pas tenter, laissons ce charbon tranquille – récupérer le c rottin, pisser dans les champs (pour le phosphore, on n’en a plus, on a tout pris dans les mines, on s’est quand même bien marrés).
    S’efforcer. Réfléchir, même.
    Et, sans vouloir offenser avec un terme tombé en désuétude, être solidaire . Avec le voisin, avec l’Europe, avec le monde. Colossal programme que celui de la Troisième Révolution. Pas d’échappatoire, allons-y.
    Encore qu’il faut noter que récupérer du crottin, et tous ceux qui l’ont fait le savent, est une activité foncièrement satisfaisante.
    Qui n’empêche en rien de danser le soir venu, ce n’est pas incompatible.
    A condition que la paix soit là, à condition que nous contenions le retour de la barbarie – une autre des grandes spécialités de l’homme, sa plus aboutie peut - être.
    A ce prix, nous réussirons la Troisième révolution.
    A ce prix nous danserons, autrement sans doute, mais nous danserons encore.

    Fred Vargas Archéologue et écrivain

  • samy membre de la direction nationale de la LCR et animateur du NPA dans les bouches du rhone tente de nous expliquer pourquoi le NPA-LCR fera cavalier seul aux européennes.

    Bien sur, au milieu de son texte au vitriol contre tout le reste du monde politique à gauche de la gauche, il va se fendre d’une petite phrase très explicite :
    Et c’est pour cela que, loin d’un splendide isolement, nous nous déclarons dans la résolution proposée au vote du Congrès en faveur de listes unitaires sur ces bases. Résolument. Et nous allons y travailler. Il convient donc de vérifier, dans les rencontres avec tous les partenaires envisageables, qui peut se situer sur ces bases. Des compromis pour l’unité ? Peut-être. Lesquels ? Sur quoi faudrait-il se taire ? La réponse peut déplaire, or elle va de soi : on ne voit pas.

    Mais cette phrase est trés révélatrice d’un congrès du NPA que la direction de la LCR est en train de tranquillement verrouillée. Samy annonce que le texte proposé va se prononcer en faveur de listes unitaires, que le NPA va y travailler mais immédiatement la fin de la récréation est sonnée ... avec qui ... on ne voit pas, ca va de soi (sic) CQFD.

    En réalité pour un parti qui ne se veut pas électoraliste, qui se veut le parti des luttes, les échéances électorales n’ont qu’un seul but construire un peu plus le parti, le parti au sens de l’appareil. Pour se faire bien sur, il faut pointer tout ce qui divise. Samy rétorquera surement que lors des municipales, le NPA a fait des alliances avec d’autres forces... juste avec un peu de mauvais esprit mais en connaisseur de cette organisation, s’il n’ y avait pas eu ces alliances, il y aurait eu nettement moins de listes estampillées NPA.

    Et pour élever un peu ce débat très politicien, je le reconnais, mais auquel je me suis prêté, je vous glisse un texte de fred vargas qui place les enjeux bien ailleurs...

    Nous y sommes par Fred Vargas

    Nous y voilà, nous y sommes !
    Depuis cinquante ans que cette tourmente menace dans les hauts-fourneaux de l’incurie de l’humanité, nous y sommes.
    Dans le mur, au bord du gouffre, comme seul l’homme sait le faire avec brio, qui ne perçoit la réalité que lorsqu’elle lui fait mal. Telle notre bonne vieille cigale à qui nous prêtons nos qualités d’insouciance.
    Nous avons chanté, dansé.
    Quand je dis « nous », entendons un quart de l’humanité tandis que le reste était à la peine.
    Nous avons construit la vie meilleure, nous avons jeté nos pesticides à l’eau, nos fumées dans l’air, nous avons conduit trois voitures, nous avons vidé les mines, nous avons mangé des fraises du bout du monde, nous avons voyagé en tous sens, nous avons éclairé les nuits, nous avons chaussé des tennis qui clignotent quand on marche, nous avons grossi, nous avons mouillé le désert, acidifié la pluie, créé des clones, franchement on peut dire qu’on s’est bien amusés.
    On a réussi des trucs carrément épatants, très difficiles, comme faire fondre la banquise, glisser des bestioles génétiquement modifiées sous la terre, déplacer le Gulf Stream, détruire un tiers des espèces vivantes, faire péter l’atome, enfoncer des déchets radioactifs dans le sol, ni vu ni connu.
    Franchement on s’est marrés. Franchement on a bien profité.
    Et on aimerait bien continuer, tant il va de soi qu’il est plus rigolo de sauter dans un avion avec des tennis lumineuses que de biner des pommes de terre.
    Certes.

    Mais nous y sommes. A la Troisième Révolution.
    Qui a ceci de très différent des deux premières (la Révolution néolithique et la Révolution industrielle, pour mémoire) qu’on ne l’a pas choisie.

    « On est obligés de la faire, la Troisième Révolution ? » demanderont quelques esprits réticents et chagrins.
    Oui. On n’a pas le choix, elle a déjà commencé, elle ne nous a pas demandé notre avis.
    C’est la mère Nature qui l’a décidé, après nous avoir aimablement laissé jouer avec elle depuis des décennies.
    La mère Nature, épuisée, souillée, exsangue, nous ferme les robinets.
    De pétrole, de gaz, d’uranium, d’air, d’eau.
    Son ultimatum est clair et sans pitié : " Sauvez-moi, ou crevez avec moi ! " (à l’exception des fourmis et des araignées qui nous survivront, car très résistantes, et d’ailleurs peu portées sur la danse).
    Sauvez-moi, ou crevez avec moi !
    Evidemment, dit comme ça, on comprend qu’on n’a pas le choix, on s’exécute illico et, même, si on a le temps, on s’excuse, affolés et honteux.
    D’aucuns, un brin rêveurs, tentent d’obtenir un délai, de s’amuser encore avec la croissance.
    Peine perdue.
    Il y a du boulot, plus que l’humanité n’en eut jamais.
    Nettoyer le ciel, laver l’eau, décrasser la terre, abandonner sa voiture, figer le nucléaire, ramasser les ours blancs, éteindre en partant, veiller à la paix, contenir l’avidité, trouver des fraises à côté de chez soi, ne pas sortir la nuit pour les cueillir toutes, en laisser au voisin, relancer la marine à voile, laisser le charbon là où il est, – attention, ne nous laissons pas tenter, laissons ce charbon tranquille – récupérer le c rottin, pisser dans les champs (pour le phosphore, on n’en a plus, on a tout pris dans les mines, on s’est quand même bien marrés).
    S’efforcer. Réfléchir, même.
    Et, sans vouloir offenser avec un terme tombé en désuétude, être solidaire . Avec le voisin, avec l’Europe, avec le monde. Colossal programme que celui de la Troisième Révolution. Pas d’échappatoire, allons-y.
    Encore qu’il faut noter que récupérer du crottin, et tous ceux qui l’ont fait le savent, est une activité foncièrement satisfaisante.
    Qui n’empêche en rien de danser le soir venu, ce n’est pas incompatible.
    A condition que la paix soit là, à condition que nous contenions le retour de la barbarie – une autre des grandes spécialités de l’homme, sa plus aboutie peut - être.
    A ce prix, nous réussirons la Troisième révolution.
    A ce prix nous danserons, autrement sans doute, mais nous danserons encore.

    Fred Vargas Archéologue et écrivain