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MAYOTTE : UNE BELLE CONNERIE EN PERSPECTIVE

Publie le mardi 20 janvier 2009 par Open-Publishing

Mayotte : La France réinvente le bon vieux temps des colonies

Selon l’Institut national (français) des statistiques et des études économiques (Insee), un tiers des habitants de Mayotte sont des ‘‘clandestins’’, mais 70% des naissances dans les maternités sont de mères ‘‘sans papiers’’. Les estimations les plus courantes évaluent la population ‘‘sans papiers’’ à 60% ; au bas mot. Mais il faut avoir en tête que Mayotte, depuis que le monde est monde, est l’une des quatre îles de l’archipel des Comores. En 1975, les Comores recouvrent leur souveraineté, mais, d’un coup de baguette magique, l’une des quatre îles, Mayotte justement, se soustrait à la nouvelle République et demeure territoire français. ‘‘Toutes les consultations électorales ont entériné cette magouille de haute volée’’, écrit l’hebdomadaire français, Marianne.

La France cherche à réinventer ce bon vieux temps des colonies. En mars prochain, elle entamera sa marche forcée de demander l’île comorienne de Mayotte de se prononcer pour son rattachement intégrale à la République et devenir un département comme les autres, comme l’Oise et les Deux-Sèvres. A ce jour cette République se partage en cent départements et voilà que dans le Canal de Mozambique, à 10 000 km de la place de la Concorde, on allait instituer une cent et unième préfectures. Ce qui semble d’autant plus bizarre. Pour mieux comprendre la farce que la France est en train de jouer l’opinion internationale, il suffit d’aller à Mayotte voir de plus près. Il y a des signes qui ne trompent pas, notamment le Mzungu qui débarque fraîchement dans l’île.
Les femmes que vous saluez dans les rues répondent gracieusement d’un large sourire muet, elles ne parlent pas trois mots de français. Elles s’expriment, par contre, dans toutes les nuances de comorien, proche de l’arabe. Tous les vendredis, les hommes se rassemblent à la mosquée. ‘‘Ils parlent à peine français, ils sont tous musulmans et, bonne mère, on veut en faire un département comme un autre. Ça ne tient pas debout, cette histoire’’, écrit Guy Sitbon, reporter à l’hebdomadaire français Marianne.
Le temps des colonies est bien loin et une certaine opinion, notamment de l’hexagone, ne comprend pas ce que la France fait à Mayotte. S’il s’agit de la sécurité sur le détroit du Mozambique, un destroyer serait suffisant et si c’est l’exploitation de l’espace maritime, il ne faut pas se leurrer car si un jour on y découvre du pétrole ou toute autre ressource, les locaux pourront se montrer irrésistiblement nationalistes. ‘‘Ils nous aiment, ils voteront d’une seule voix pour la départementalisation le 29 mars. Mais pourquoi ? Pour le picaillon, pour le flouze, pour le passeport qui leur ouvre les portes de l’Europe. Plus le Smic, les investissements publics, sans compter les hôpitaux ouverts à tous. Personne d’autre en Afrique n’a droit à ce régime. Nous sommes la vache à lait, nous les biberonnons, ils n’ont pas à se plaindre. Mais qu’un jour ils n’aient plus intérêt à notre présence et, ça ne fait pas un pli, ils nous vireront !’’, soutient le reporter de Marianne.
Selon l’Institut national (français) des statistiques et des études économiques (Insee), un tiers des habitants de Mayotte sont des ‘‘clandestins’’, mais 70% des naissances dans les maternités sont de mères ‘‘sans papiers’’. Les estimations les plus courantes évaluent la population ‘‘sans papiers’’ à 60% ; au bas mot. Mais il faut avoir en tête que Mayotte, depuis que le monde est monde, est l’une des quatre îles de l’archipel des Comores. En 1975, les Comores recouvrent leur souveraineté, mais, d’un coup de baguette magique, l’une des quatre îles, Mayotte justement, se soustrait à la nouvelle République et demeure territoire français. ‘‘Toutes les consultations électorales ont entériné cette magouille de haute volée’’. C’est le seul pays au monde dont sa décolonisation est inachevée. Partout ailleurs, sans aucune exception, la règle de l’intégralité territoriale et de l’intangibilité des frontières coloniales a été scrupuleusement observée selon le principe de droit international.
L’on doit savoir que les Comoriens forment une nation aussi homogène que la nation française : même langue, même religion (l’Islam), même histoire. Mayotte et l’île voisine d’Anjouan composent un même peuple, une famille. Ainsi, lorsqu’un gendarme français interpelle un Anjouanais et l’embarque au centre de rétention sous prétexte qu’il est ‘‘étranger’’, cela s’appelle du colonialisme. C’est un crime passible de peine, le fait de déplacer de force une personne sur son territoire. L’entièreté de la communauté internationale condamne la France à l’Onu, chaque fois qu’elle en a l’occasion, pour cette ‘‘obstination’’ à ne pas reconnaître que la page de la colonisation a été tournée . Les Comoriens n’ont jamais cessé de dénoncer cette ‘‘occupation de leur territoire par une puissance étrangère’’. Et le 29 mars, ce confetti de l’Océan Indien devrait devenir le 101e département français.
‘‘Une belle connerie en perspective’’ , a ainsi résumé dans son reportage, Guy Sitbon, l’envoyé spécial de Marianne.

Inspiré d’un long reportage paru dans Marianne du 10 au 16 janvier 2009

Source : Al-watwan N° 1237 du 20 janvier 2009