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Tsahal à l’abri de la justice ?

Publie le mercredi 28 janvier 2009 par Open-Publishing

de Lauranne Provenzano

Les hauts-gradés qui ont participé à l’offensive israélienne dans la bande de Gaza devraient bénéficier de l’immunité, a décidé Ehoud Olmert. Cette décision est assortie d’une assistance juridique de l’Etat face aux risques de poursuites pour crimes de guerre.

"Les officiers et soldats envoyés à Gaza doivent savoir qu’ils sont à l’abri de divers tribunaux et qu’Israël les aidera et les défendra sur ce front, tout comme ils nous ont protégés avec leurs corps durant l’opération de Gaza", a déclaré le chef du gouvernement sortant israélien dimanche. Ehoud Olmert a ainsi décidé d’accorder une protection complète aux militaires de Tsahal qui ont pris part aux attaques contre le Hamas dans la bande de Gaza pendant 22 jours.

La censure militaire s’était déjà assurée de l’interdiction de publier des photos ou des renseignements sur l’identité des chefs des unités engagées dans les combats à Gaza, de peur de représailles et de crainte surtout qu’ils ne soient poursuivis pour crimes de guerre. Les visages des soldats qui apparaissent à la télévision sont donc floutés.

Soutien moral et protection juridique

Le ministre de la Défense Ehud Barak devait pour sa part demander dimanche au gouvernement d’adopter une loi pour offrir "un soutien moral et légal aux officiers de l’armée et aux soldats à la suite de l’opération Plomb durci".

"Le gouvernement israélien assume la responsabilité d’avoir envoyé les officiers et les soldats défendre les citoyens et il est obligé par conséquent de leur offrir un soutien total contre toute atteinte à laquelle ils pourraient être exposés en raison de leur implication" dans la guerre, selon un communiqué de son ministère.

Par ailleurs, Ehoud Olmert avait déjà chargé son ministre de la Justice Daniel Friedman de présider une commission interministérielle visant à "accorder une défense légale à tous ceux qui ont pris part à cette opération".

"Le ministre de la Justice formulera les questions et les réponses à propos des opérations de l’armée pour répondre aux belles âmes qui ont l’habitude de porter plainte contre les officiers et les soldats", a précisé le chef du gouvernement. Il sera chargé de la protection des responsables civils et militaires, notamment devant les instances internationales.

Les officiers ont reçu le conseil d’éviter de se rendre à l’étranger, notamment en Europe.

Crimes de guerre

Plusieurs enquêtes pour crimes de guerre ont en effet été réclamées depuis la fin de l’offensive. Amnesty International a estimé que l’usage l’usage "illégal, sans discernement et répété" de munitions au phosphore blanc dans des zones densément peuplées de Gaza constituait un "crime de guerre".

L’armée israélienne a d’ores et déjà promis une enquête interne sur le sujet. Le gouvernement va pour sa part consulter les juristes du pays afin de trouver "les réponses aux questions éventuelles" concernant les activités contestées de l’armée israélienne à Gaza.

Plusieurs responsables des Nations unies ont également fait la demande expresse d’une enquête indépendante. Ils cherchent à savoir si les actes des forces israéliennes, notamment le bombardement d’écoles de l’Unwra ou d’hôpitaux relèvent de crimes de guerre.

Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a le premier réclamé des poursuites contre les responsables des bombardements israéliens. Huit organisations israéliennes de défense des droits de l’homme ont aussi demandé une enquête sur la conduite de l’armée "au vu de l’ampleur des atteintes portées aux civils" palestiniens.

Légalement, des poursuites contre Tsahal semblent difficiles à mettre en place, le Cour Pénale Internationale (CPI) n’étant pas compétente pour la bande de Gaza, qui n’est pas un Etat constitué. De plus, Israël n’a pas signé le Traité de Rome fondateur de la CPI, ce qui obligerait les Nations unies à voter une résolution du Conseil de Sécurité, à laquelle les Etats-Unis s’opposeraient très probablement.

La dernière possibilité reste un procès instruit dans un pays européen pour crimes de guerre commis à l’étranger, ce qui serait une première et ferait jurisprudence.

L’Autorité Palestinienne rejette l’immunité

Le ministre des Affaires étrangères de l’Autorité palestinienne Riad al-Malki a rejeté dimanche tout immunité judiciaire d’Israël, confirmant que rien n’empêcherait la mise en place de procédures judiciaires. "Il n’y a pas d’immunité contre des actions judiciaires" concernant les bombardements à Gaza, a-t-il dit lors d’une conférence de presse à l’issue d’une rencontre à Bruxelles avec les chefs de la diplomatie de l’Union européenne, et ses collègues d’Egypte, de Jordanie et de Turquie.

"Cette décision n’empêchera pas les gouvernements et les organisations des droits de l’Homme dans le monde" d’engager des actions en justice "contre tous les dirigeants israéliens responsables de décès et de destruction contre le peuple palestinien", a-t-il dit.

Contredisant les propos de l’Etat hébreu, le rapporteur spécial de l’ONU a de son côté maintenu qu’Israël n’avait fait aucun effort pour faciliter l’évacuation ou la protection des civils.

Israël accuse la Hamas d’avoir favorisé les zones de combats proches des civils, rendant l’organisation responsable des lourdes pertes infligées aux populations de Gaza, où 1300 Palestiniens sont morts.

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